« On
peut-tu arrêter de contrôler la vie, chaque minute, de tous les
citoyens? » Cette question
a été lancée à l'Assemblée nationale le 6
juin dernier par l'ancien ministre des Finances du Québec, maintenant
porte-parole de l'Opposition officielle en matière de finances, Raymond Bachand, lors de l'étude détaillée du projet de loi no 25. M. Bachand
proposait une modification à la Loi sur les permis d'alcool pour
permettre aux clients des restaurants et bars de rapporter leurs fonds
de bouteille de vin à la maison. Quoi! On ne le pouvait pas?!
Accroc aux règles
En gros, selon M. Bachand, il s'agit d'une question de liberté et de
modération. Car si vous payez 50 dollars pour votre bouteille de vin et
que vous n'en buvez que les 2/3, vous ne voulez pas laisser le reste là.
Ainsi, grâce à cet amendement, vous pourriez ramener la bouteille à la
maison ‒ à condition qu'elle soit bien hermétiquement fermée ‒ et la
finir avec votre douce moitié. C'est une mesure bonne pour le peuple et
pour l'industrie de la restauration. C'est-y pas fin?! Dommage que les
politiciens n'aient pas ce souci de liberté plus souvent.
Toujours selon M. Bachand, la mesure
‒ qu'il présentait comme un cadeau
aux Québécois, à quelques jours du début de la période estivale des
terrasses ‒, moderniserait la loi et éliminerait une contrainte pour
les restaurateurs. Dieu sait (comme le savent aussi les entrepreneurs
qui oeuvrent dans les secteurs qui touchent l'alcool) que ce ne sont pas
les contraintes législatives et règlementaires qui manquent dans ce
domaine!
Prenez cette loi qui interdit aux épiceries et dépanneurs de vendre du
vin dont le cépage et l'appellation sont indiqués sur l'étiquette des
bouteilles ‒ une loi qui manifestement n'existe que pour rendre la vie
difficile à tout entrepreneur qui se mettrait en tête de concurrencer le
monopole chargé de vendre l'alcool dans la Belle Province, la Société
des alcools du Québec (SAQ).
Eh bien, grâce aux technologies de l'information, l'entreprise
québécoise Julia Wine a élaboré tout un modèle d'affaires autour de
cette réglementation qualifiée de « douteuse » par un de ses dirigeants.
On ne peut afficher le cépage et l'appellation sur les bouteilles? Qu'à
cela ne tienne, l'entreprise les affiche sur son site Web!
« Les gens ont une confiance aveugle en la SAQ,
scande Alain Lord Mounir,
président du conseil et chef de la direction chez Julia Wine, une
entreprise qui importe, négocie et embouteille des vins provenant de
petits lots de partout dans le monde, mais c'est seulement l'affichage
des cépages qui tient le truc debout. C'est maintenant la fin de la
prohibition. »
Dans le cadre d'une campagne de marketing justement intitulée « Fin de la
prohibition », l'entreprise annonce un partenariat avec les 180
dépanneurs Couche-tard de l'est du Québec qui vendront six nouveaux lots
de Julia Cellier spécialement choisis « pour casser le mythe entourant
les vins actuellement disponibles à l'extérieur du réseau
conventionnel ». Six bouteilles de vins en provenance des États-Unis, du
Portugal, de l'Argentine et de l'Italie dont les prix varient entre
13,99 $ et 69,99 $.
Sur le site de Julia Wine,
on peut lire: « Mesdames, Messieurs, bien que
notre quête ne soit pas complètement achevée, nous pouvons néanmoins
nous permettre, en ce 23 août 2013, de crier victoire. [...]
Aujourd'hui, c'est l'un des plus grands détaillants de la province qui
fait confiance à Julia Wine. [...] La compétition s'intensifie et nous
continuerons de nous battre jusqu'à ce que vous puissiez profiter des
services que vous méritez. Joignez le mouvement et mettez fin à la
prohibition en essayant une bouteille de Julia Cellier dans votre
Couche-tard du coin. » M. Mounir croit qu'il réussira à faire tomber le
monopole de la société d'État avec la notoriété que sa marque s'est
forgée depuis cinq ans dans les Costco, où elle était présente en
exclusivité.
Mais ce ne sont pas tous les entrepreneurs qui adoptent une approche
qui, pour certains, peut paraître « irrévérencieuse » comme celle de Julia Wine (Not that there's anything wrong with that, comme disait
l'autre); des vignerons et producteurs québécois militent depuis des
années pour un assouplissement des règles en matière de vente de
produits alcoolisés. Et ça semble avoir porté fruits.
On apprenait à la fin du mois dernier que le ministre de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation, François Gendron, avait admis que
certains éléments de la loi sur les permis d'alcool étaient « vétustes »
et « inappropriés ». « Il y a énormément de nouveautés dans le secteur »,
a-t-il admis, avant d'ajouter qu'il importait « de s'adapter ». Bravo.
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« Imaginez combien d'autres
stratégies de mise en vente et d'idées de produits les
producteurs de la province pourraient imaginer si on leur
laissait seulement la liberté de le faire! S'ils n'avait pas
à constamment demander la permission, à réclamer des permis
pour tout et pour rien. » |
Et au début de juin, le député libéral de Huntingdon, Stéphane
Billette, a déposé le projet de loi 395 qui vise à faciliter la mise en
marché des vins québécois et à obliger la SAQ à accorder une plus grande
place aux produits locaux dans ses succursales.
Des projets de loi, il s'en dépose à toutes les semaines, vous me direz.
Pas de quoi en faire un plat. Et un député voulant forcer une société
d'État à faire quelque chose, ça relève du banal. C'est vrai. Mais le
projet de loi Billette a reçu l'appui des 107 députés présents lors du
dépôt. Personne n'a voté contre!
Le projet de loi 395, en plus de prévoir un ajout à la Loi sur la
Société des alcools du Québec stipulant que la SAQ aurait également
pour fonctions de promouvoir les boissons fabriquées au Québec,
modifierait les conditions selon lesquelles le titulaire d'un permis de
production artisanale ou de distillateur artisanal pourrait vendre ses
produits.
Il précise notamment que la vente peut être effectuée dans une
exposition agricole ou agroalimentaire, dans un marché de producteurs
agricoles, dans un marché public, dans une foire ou dans un autre
événement public. Il autorise également la vente directe de produits
artisanaux à un titulaire de permis d'épicerie ou de permis de
restaurant.
« Les vignerons pouvaient déjà vendre leurs vins blancs, rouges ou de
glace à un restaurateur, de dire le président de Vignobles Brome-Missisquoi
et propriétaire du Domaine du Ridge, Denis Paradis, mais la loi ne les
autorisait pas à vendre leurs produits chez l'épicier du coin. Si le
projet de loi est adopté, les vignerons pourront transiger directement
avec le marchand local [...] sans avoir à passer par la chaîne
d'alimentation. C'est tout un progrès. »
La proposition Billette va même plus loin en autorisant les clients à se
procurer des produits alcoolisés québécois dans un établissement de
restauration où le client est libre d'apporter le vin de son choix. « Si
le client n'a pas apporté suffisamment de bouteilles, il pourra en
acheter une du restaurateur, à condition qu'il s'agisse d'un produit
québécois », ajoute M. Paradis.
De plus, le projet de loi prévoit la création d'un permis de distillerie
artisanale permettant à des vignerons, regroupés au sein d'une
coopérative, de fabriquer et vendre des spiritueux. « Cette partie du
projet de loi fait bien notre affaire, car nous travaillons depuis plus
d'un an à la mise sur pied d'une distillerie artisanale dans Brome-Missisquoi.
Sept ou huit producteurs d'ici ont déjà manifesté leur intérêt et
n'attendent plus qu'une modification à la Loi sur les permis d'alcool
pour joindre le mouvement. »
L'implantation d'une distillerie, toujours selon M. Paradis, permettrait
de trouver un débouché aux rejets de l'industrie viticole. « Quand on
presse un raisin, on obtient 70% de jus et 30% de rejets (peau, pépins,
etc.). Au lieu d'utiliser les rejets pour amender le sol, on pourrait
leur trouver un véritable débouché en fabricant un alcool à 40% de type
Grappa. »
Permis pour ci, permis pour ça
Comme je fréquente les vignobles de la région de Brome-Missisquoi depuis
plusieurs années déjà, il m'a été donné à plusieurs reprises d'entendre
des histoires de vignerons qui ne pouvaient ni faire ci, ni faire ça, en
raison de tels ou tels règlements. Toutes sortes de règlements débiles
qui rendent leur travail ardu, quand ils ne leur mettent pas carrément
des bâtons dans les roues.
Pourquoi leur a-t-il fallu attendre des années avant d'obtenir une
meilleure place pour leurs produits à la SAQ? C'est un monopole d'État!
Et l'État, souvent à grands coups de campagnes de sensibilisation, ne
cesse de nous vanter l'importance d'acheter local ou d'« occuper le
territoire »!
Pourquoi refuser aux producteurs de vins de vendre directement leurs
produits chez l'épicier du coin ou dans des restaurants de type
« apportez votre vin »? (une excellente idée, en passant). Qu'est-ce que
ça change? Ça ne peut qu'améliorer leur situation et celle des régions!
Le pire qu'il puisse arriver, c'est que du vin fabriqué ici se vende ‒
à la place de bouteilles de piquette française vendues à gros prix.
Même chose pour le recyclage des rejets de l'industrie viticole: comment
un gouvernement qui ne cesse de vanter les mérites (quand ils ne les
oblige pas!) d'une plus grande protection de l'environnement peut-il
être contre?! Encore une fois, le pire qu'il puisse arriver, c'est que
l'offre de spiritueux soit plus grande et que des produits québécois se
vendent plutôt que des produits fabriqués ailleurs.
Imaginez combien d'autres stratégies de mise en vente et d'idées de
produits les producteurs de la province pourraient imaginer si on leur
laissait seulement la liberté de le faire! S'ils n'avait pas à
constamment demander la permission, à réclamer des permis pour tout et
pour rien. Imaginez comment ils pourraient innover et comment les
régions seraient bien plus riches et dynamiques qu'elles ne le sont
présentement.
En attendant une plus grande libéralisation du secteur, levons nos
verres à tous ces entrepreneurs et vignerons qui malgré toutes
les lois, embuches et règlements, continuent de nous offrir des produits
et des services de qualité!
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environ 2300 av. J.-C. |
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