The Financial Crisis and the Free Market Cure, de
John Allison |
Plusieurs étatistes continuent de dire que la déréglementation et le
capitalisme (ajouter superlatif négatif du jour) ont causé la crise
économique des dernières années. Or, il n'en est rien; une crise
économique de cette envergure ne peut avoir qu'une seule source: le
gouvernement. Avec ses énormes pouvoirs de coercition, il peut
facilement forcer de nombreux acteurs économiques à adopter des
comportements irrationnels allant à l'encontre de leurs intérêts.
John A. Allison, président de l'Institut Cato à Washington et ancien PDG
de la banque BB&T (Branch Banking and Trust), a pu voir cette influence destructrice au cours de sa
carrière à la tête de cette grosse banque de la côte est des
États-Unis. Il parle en long et en large de la crise économique, et
propose d'excellentes solutions pour en éviter une autre, dans son
excellent livre
The Financial Crisis and the Free Market Cure:
Why Pure Capitalism is the World Economy's Only Hope (McGraw-Hill,
2012).
Dans la tradition des économistes autrichiens, il voit l'économie pour
ce qu'elle est vraiment: une observation du comportement humain. En
résumé, les humains tendent à agir selon ce qui semble être leur
meilleur intérêt d'après ce qu'ils voient autour d'eux – ce qui peut
paraître irrationnel avec le recul ne l'était pas quand le geste fut
posé. C'est d'ailleurs cette irrationalité qui engendre des crises
économiques puisque, comme en physique, toute action a sa réaction.
L'une des principales causes de la crise qui fait encore rage fut
l'éclatement de la bulle immobilière en 2007-2008. Comme toute bulle,
son origine peut être repérée dans des politiques gouvernementales, et
elles sont nombreuses. Selon Allison, l'immobilier est le domaine qui a
reçu le plus de subventions depuis le New Deal des années 1930.
On voulait ainsi encourager tout le monde à s'acheter une maison, même
si: 1) ce n'est pas pour tout le monde, particulièrement pour les gens
qui déménagent souvent; et 2) ce n'est pas un investissement au sens
économique du terme, c'est-à-dire qui permet de produire plus de valeur.
Comme une maison ne produit rien une fois qu'elle est construite, elle
est un bien de consommation au même titre qu'une voiture ou un sac de
carottes. Sans compter que plusieurs emplois directs dans la
construction, une fois que la bulle éclate, deviennent obsolètes, ce qui
ajoute à la perte sèche quand la bulle éclate…
Dans les années 1990, cet encouragement s'est fait (presque
littéralement) à la pointe d'un fusil. En effet, soucieux d'entretenir
sa base électorale noire, le président Bill Clinton a soudainement
décidé d'appliquer certains règlements visant à empêcher la
discrimination raciale dans les prêts bancaires. Pour ce faire, il s'est
basé sur une étude plus que douteuse de la Fed (la banque centrale
américaine), qui affirmait que les Noirs étaient discriminés en se
voyant refuser un prêt qu'un Blanc, avec un même ratio de dette,
réussirait à obtenir.
L'ennui, c'est que le ratio d'endettement d'une personne est loin d'être
le seul facteur pris en considération par les prêteurs. Il y a également
la durée des emplois ainsi que le paiement ou non des dettes. Mais comme
la quasi-totalité des régulateurs ne connaissent rien aux prêts, ces « menus » détails étaient sans importance; les bonnes intentions ont
préséance sur le gros bon sens des banquiers.
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«
Au-delà de la réglementation bancaire, Allison montre à quel point la
réglementation en général chamboule complètement les choix
des dirigeants d'entreprise, peu importe le domaine. » |
Et ce gros bon sens a fortement été affecte quand Clinton a forcé Fannie
Mae et Freddie Mac, deux agences quasi gouvernementales qui garantissent
les hypothèques, à détenir jusqu'à 50% de prêts hypothécaires offerts
aux personnes à faible revenu qui ne peuvent normalement obtenir
d'hypothèques (les fameux « subprimes »). En d'autres termes, au nom
d'une politique « charitable » visant à faciliter l'achat d'une
propriété, l'administration Clinton (Bush, son successeur, n'a pas pu
changer ces règles) a donc parti le bal dans le gonflement de la bulle
immobilière en diminuant dramatiquement les conditions préalables à
l'obtention d'une hypothèque.
Fin de la primauté du droit
Au-delà de la réglementation bancaire, Allison montre à quel point la
réglementation en général chamboule complètement les choix des
dirigeants d'entreprise, peu importe le domaine. Un jour, tel règlement
est sans importance parce que le contexte économique est favorable. Mais
six mois plus tard, quand les choses vont mal, « The humble bureaucrats
are then energized with the moral certainty and clarity of the Gestapo »
(Les humbles bureaucrates ont maintenant l'énergie et la certitude morale de
membres de la Gestapo). Ce dernier décide donc de blâmer le dirigeant
d'entreprise pour ne pas avoir appliqué ledit règlement, ce qui peut,
par exemple, forcer le refus d'un prêt. Pour ajouter l'insulte à
l'injure, Allison affirme qu'un banquier ne peut pas dire à son client,
si fidèle et fiable soit-il, que son prêt est refusé à cause d'un zèle
bureaucratique soudain.
Cet arbitraire s'est également reflété dans le secours financier de
certaines banques et pas d'autres. Normalement, dans un libre marché,
une compagnie mal gérée fait faillite et ses avoirs sont redistribués de
façon à mieux répondre à la demande. Mais quand le gouvernement rentre
dans le portrait, il peut décider, en utilisant des raisons du genre « le système va s'écrouler si nous ne faisons rien »,
de sauver une entreprise de la faillite. En clair, le gouvernement dit:
« Ce n'est pas important si vous vous administrez mal, je vais vous
secourir! » – la fameuse mentalité « Too big to fail » (Trop gros pour faire faillite).
Par exemple, Henry Paulson, secrétaire du Trésor quand la crise a
commencé, était un gros actionnaire de Goldman Sachs, une des plus
grosses compagnies financières à faire faillite. Il a évidemment tout
fait pour secourir son investissement, tout en laissant Lehman Brothers
faire faillite. Mais le fait qu'UNE compagnie ait été sauvée
permet aux autres de penser que prendre des risques
inconsidérés, surtout s'ils sont encouragés par le
gouvernement, sera « récompensé » en bout de ligne...
Des solutions choquantes, mais nécessaires
Afin d'éviter une autre crise comme celle que nous subissons encore –
Allison en prédit une autre majeure d'ici 10 à 15 ans si aucun changement
majeur n'est apporté – des solutions radicales (mais ô combien
nécessaires) doivent être apportées. La majorité de la réglementation
bancaire, particulièrement la loi Dodd-Frank adoptée après la crise,
doit être abolie au plus vite. Aussi, Fannie Mae et Freddie Mac doivent
être liquidés et/ou privatisés, ce qui remettra du bon sens dans le
marche hypothécaire – sans garantie du gouvernement, fini les prêts à
risque. Il propose également, comme toute personne connaissant bien le
pouvoir des incitations sur le comportement, de diminuer les impôts afin
d'encourager la production. En effet, quand les impôts sont élevés, les
gens passent plus de temps à tenter de les éviter qu'à tenter d'innover,
bloquant ainsi la voie à une amélioration de notre niveau de vie.
Une autre solution radicale proposée par Allison vise à s'attaquer à la
racine des crises économiques, qui est avant tout philosophique et non
économique. Et cette philosophie de la crise est... l'altruisme, tel
qu'Ayn Rand l'a défini, c'est-à-dire la volonté de sacrifier autrui pour
son propre bénéfice. C'est exactement ce qui a engendre la crise: parce
tout la monde « a droit » à une maison, le gouvernement doit prendre les
moyens nécessaires pour y arriver. Mais pour y arriver, il faudra « sacrifier » certaines personnes – les banquiers, en les forçant à
prêter à n'importe qui, et les contribuables, en les forçant à payer
pour les fautes des banquiers. En laissant libre cours à l'égoïsme (ici
encore, selon la définition objectiviste d'Ayn Rand) des gens, une crise
de l'ampleur de celle de 2008 n'a virtuellement aucune chance de se
reproduire puisqu'il n'est pas dans l'intérêt personnel des banquiers de
prendre autant de risque.
En conclusion, The Financial Crisis and the Free Market Cure devrait faire partie de
toutes les bibliothèques. Les explications très détaillées de l'auteur
permettent de voir la crise du point de vue des « fautifs » et montre
que leurs agissements étaient somme toute rationnels dans le contexte
(bien que certains aient pris moins de risques que d'autres, ce qui
s'explique aussi par les incitations du gouvernement). Même si certaines
explications sont difficiles à suivre – sans doute parce que la
réglementation elle-même est incompréhensible –, l'ouvrage est assez
bien vulgarisé pour que Monsieur et Madame Tout-le-monde puissent
facilement comprendre. Il vous donnera quelques munitions de
plus pour répliquer à ces incessants
c'est-la-faute-du-libre-marché qui polluent encore les
pensées de trop de gens!
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Première
représentation écrite du mot « liberté » en Mésopotamie,
environ 2300 av. J.-C. |
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