Qu'est-ce que l'individualisme? |
Dans son article « Vrai
et faux individualisme », l'économiste Friedrich Hayek a fait un
éloge très appuyé du livre d'un économiste français réputé du début du
XXe siècle, Albert Schatz (1839-1910),
intitulé L'individualisme économique et social. Il le qualifie
d'« excellente revue de l'histoire des théories individualistes ». Et il
ajoute, « cet ouvrage, auquel je dois beaucoup, mérite d'être bien plus
largement connu non seulement comme contribution à notre sujet mais
comme histoire de la théorie économique en général. »
Ce livre vient d'être
réédité par
Les Belles Lettres dans la remarquable collection d'Alain
Laurent,
Bibliothèque classique de la liberté
(on trouvera aussi sur
Amazon.fr une version ebook qui avait
été antérieurement éditée par l'Institut Coppet). Dans cet opus
volumineux, Schatz est le tout premier
historien des idées en date à avoir proposé un panorama généalogique
quasi-exhaustif des grandes conceptions de la pensée économique libérale
depuis ses origines. Mais, c'est aussi et surtout un plaidoyer pour le
véritable individualisme contre la caricature qui en est faite par ses
adversaires socialistes et traditionalistes.
L'individualisme
n'est ni un atomisme, ni une apologie de l'égoïsme
Dans son livre, Albert
Schatz s'attache à montrer que l'individualisme ne se confond ni avec
l'égoïsme, ni avec un quelconque atomisme. Dans son avant-propos, il
dénonce d'emblée le contresens qui tend à faire de l'individualisme une
apologie de l'individu isolé ou autosuffisant:
« Je prie seulement le
lecteur de n'avoir pas peur du titre. Il aura si souvent entendu dire
que l'individualisme, c'est l'égoïsme, l'isolement de l'individu obligé
de se suffire à lui-même et conduit à se désintéresser de ses
semblables, qu'il est en droit d'être prévenu contre le mot: les plus
honnêtes gens s'y sont trompés. »
Les hommes vivent en
société, c'est un trait fondamental de la nature humaine. L'individu
réel est donc toujours membre d'une association et c'est par
l'association qu'il développe son individualité.
Schatz écrit:
« L'homme vivant est
toujours uni à d'autres individus qui composent avec lui la famille, la
tribu, la cité, la corporation, la nation, et l'individualisme a donc
pour objet, comme tout système social, les rapports que l'homme réel
entretient nécessairement avec ses semblables. Quant à l'égoïsme,
c'est-à-dire à l'état d'un individu qui volontairement, se replie sur
lui-même et se désintéresse de ses semblables, il est le pire des
obstacles que rencontre l'individualisme, puisque l'individualisme
prétend amener chaque individu à son complet état de développement en
lui faisant comprendre qu'il n'est rien et qu'il ne peut rien sans le
concours des autres hommes, que leur bonheur et leur prospérité ont leur
contrecoup sur sa prospérité et sur son
bonheur, en élargissant par conséquent de plus en plus le domaine auquel
s'étend son intérêt personnel. »
Quels sont les caractères essentiels du vrai individualisme?
À l'origine, les deux
termes d'« individualisme » et de « socialisme » sont une invention des
saint-simoniens, fondateurs du socialisme moderne. Ils utilisèrent pour
la première fois le mot d'individualisme pour décrire la société
concurrentielle à laquelle ils étaient opposés et inventèrent ensuite le
« socialisme » pour décrire la société planifiée.
Schatz s'en prend aux conceptions de la justice sociale et de la
solidarité chères au socialisme de Jean Jaurès et de Victor Basch. Leur collectivisme égalitaire et
autoritaire est foncièrement contradictoire avec l'aspiration à la
liberté individuelle, c'est-à-dire à l'initiative et à la responsabilité
personnelle.
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« La réédition du livre
d'Albert Schatz est un antidote à
l'idéologie dominante de nos sociétés, le collectivisme démocratique, la
négation de l'initiative privée au profit d'une sphère publique toujours
plus envahissante et confiscatoire. » |
En réalité,
l'individualisme défend l'association. Mais à la différence du
socialisme, il la veut seulement libre. Toute association peut devenir
tyrannique, si elle devient monopolistique, protégée par la force de la
loi. L'association libre est donc une association soumise à la
concurrence.
De même que l'association
doit pouvoir se former librement dans tous les domaines, de même elle ne
doit pas annihiler la personnalité de ses membres, mais, au contraire,
la développer en augmentant leur puissance d'initiative.
L'individualisme est donc, par essence, la recherche d'un accroissement
constant d'initiative individuelle dans le cadre d'une coopération avec
les autres.
Socialisme et
individualisme
Socialistes et
individualistes, explique Schatz dans sa conclusion, sont en fait deux
façons différentes de comprendre la raison d'être de la société et le
rôle social de l'individu:
1) L'individualisme
considère la société comme née des besoins des hommes. Son premier
devoir est de durer; le second de devenir meilleure, à mesure que
chacun des éléments qui la composent comprend mieux le profit qu'il
retire de la vie commune et contribue volontairement à l'améliorer. Pour
l'individualisme, une société n'est heureuse que si elle jouit d'une
certaine prospérité matérielle; elle n'est prospère que si chacun des
individus qui la composent peut agir pour créer de la valeur par son
effort et son initiative. L'effort et l'initiative de chacun
conditionnent donc le bonheur commun.
2) Le socialisme,
consciemment ou inconsciemment, considère la société comme une
construction arbitraire de l'intelligence humaine, destinée à réaliser
une certaine fin morale qui est l'égalité et subordonnée à la
réalisation de cette fin. L'autorité patronale ferait place au sentiment
personnel du devoir et les rapports économiques reposeraient uniquement
sur la sympathie et l'altruisme.
Quel est le rôle du pouvoir?
1) Pour l'individualisme,
le rôle de toute autorité extérieure à l'individu, qu'elle dérive de la
force ou de la simple supériorité économique ou morale, n'est jamais de
le rendre heureux malgré lui, mais seulement de le mettre dans une
situation telle qu'il lui soit possible de travailler lui-même à
améliorer son sort et qu'il soit incité à le faire.
2) Pour transformer la
société, le socialisme compte sur une autorité extérieure à l'individu ‒
État, majorité ou collectivité ‒ qui impose à l'individu un certain
genre de vie et une certaine condition économique. Le socialisme est,
par essence, une suppression d'autonomie et de responsabilité
individuelles, tendant naturellement au collectivisme qui serait la
disparition intégrale de l'une et de l'autre.
On le voit donc, derrière
les dénonciations de l'individualisme, se cachent beaucoup de
malentendus et de clichés mais aussi des enjeux politiques et culturels.
L'anti-individualisme vertueux dont se parent certains hommes
d'influence, est souvent une façon de faire oublier le socialisme
archaïque qui les anime. De ce point de vue, la réédition du livre
d'Albert Schatz est un antidote à
l'idéologie dominante de nos sociétés, le collectivisme démocratique, la
négation de l'initiative privée au profit d'une sphère publique toujours
plus envahissante et confiscatoire.
*Texte d'opinion publié le 31 décembre 2013
sur 24hGold.
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Première
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environ 2300 av. J.-C. |
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