15 mars 2014 • No 320 | Archives | Faites une recherche | Newsletter

 

 

   
OPINION
La science moderne ne pouvait-elle naître que dans le cadre
de pensée monothéiste?*
par Jean-Pierre Castel


« Peu de faits historiques sont aussi difficilement contestables que celui de la connexion entre la science et la technique modernes et la religion, voire la théologie chrétiennes. » ‒Alexandre Kojève

Nombre d'auteurs(1) affirment que la science moderne ‒ voire plus généralement la rationalité moderne ‒ ne pouvait apparaître que dans un contexte chrétien ou au moins monothéiste, la poussée scientifique grecque ayant d'après eux abouti à une impasse, dont seule la chrétienté aurait su la sortir, grâce à ses valeurs propres.

Il est de fait que la science grecque avait poussé ses derniers feux à la fin de la période hellénistique, en particulier à Alexandrie avec Ptolémée (90-168), Diophante (200/214-284/298), Hypatie (370-415). Son grand réveil attendra la Renaissance. Rome avait manifesté peu d'intérêt pour la science, et l'Église plus de méfiance que d'enthousiasme car « la connaissance enfle, mais l'amour vivifie » (Cor. 8, 1).

L'intérêt pour la philosophie était resté plus soutenu, à Rome d'abord à travers les stoïciens (Sénèque, Épictète, Marc-Aurèle), puis avec les Pères de l'Église à l'occasion du développement de la théologie chrétienne. Lors de la christianisation forcée de l'Europe aux Vème et VIème siècles, les évêques fermèrent les écoles grecques, mais la recherche philosophique reprit avec vigueur avec la Renaissance du Moyen Âge(2). La science en revanche resta bloquée, du fait tant de l'hostilité des gardiens du dogme catholique que du manque de moyens de mesure du temps et de l'absence d'outils mathématiques de calcul infinitésimal, indispensables pour aborder l'étude du mouvement.

Au XVIème siècle, le progrès technique avait mis à disposition des savants de nouveaux moyens d'observation et les mathématiciens s'étaient attaqués au problème de l'infini, réservé jusque-là par l'Église à Dieu. Enclenchée par l'afflux en Italie de bibliothèques de textes originaux de l'Antiquité provoqué par l'arrivée des Turcs à Constantinople, la Renaissance redécouvrit le pluralisme des conceptions du monde de l'Antiquité, comme le platonisme, l'atomisme, l'héliocentrisme. Copernic (1473-1553), Kepler (1571-1630) et Galilée (1564-1642) s'autorisèrent, à leurs risques et périls, à remettre en cause le système aristo-thomiste, devenu depuis la fin du Moyen Âge la clef de voûte de tout l'édifice chrétien.

Attribuer l'émergence de la science moderne au monothéisme, comme le font nos bons auteurs, résulte d'abord d'une confusion entre les « conditions » de son émergence dans l'Europe chrétienne, contingentes, et ses « causes », nécessaires. La science moderne descend de la science grecque, la principale contribution du christianisme ayant été, en tant que syncrétisme judéo-grec, de ne pas avoir entièrement détruit l'héritage grec(3), d'avoir emprunté à la tradition philosophique grecque pour élaborer sa théologie, d'avoir repris en charge l'éducation après la chute de l'Empire romain, d'avoir au Moyen Âge permis la création des Universités et autorisé un certain développement de la science, « pour la gloire de dieu »(4) et dans de strictes limites. Mais le christianisme s'est opposé au moteur de la science, la curiosité, cette libido sciendi comme Saint Augustin désignait cette vanité de l'homme à prétendre appréhender la vérité par sa seule raison, héritée des Anciens.

Trouver des valeurs spécifiques à la tradition monothéiste qui aient pu contribuer à la démarche scientifique relève de la gageure et de l'apologie. Si des hommes ‒ formés par l'Église car elle détenait le monopole de l'éducation ‒ se sont tournés vers la science, c'est plus en étudiant Pythagore, Platon et Aristote que Moïse, Jésus ou Paul. Que la plupart des hommes de science jusqu'au XVIIIème siècle aient été pieux n'implique pas qu'il fallait être pieux pour être scientifique. Que la recherche scientifique puisse être considérée comme une forme de spiritualité n'implique pas que celle-ci soit nécessairement chrétienne ‒ Einstein, proche de Spinoza mais non de Moïse, constitue un bon exemple à cet égard. Si la notion d'infini peut être rapprochée de celle du divin, les travaux des Grecs sur la question montrent qu'elle n'avait aucun besoin du dieu d'Abraham.

La science moderne: expérimentale et mathématique

La science de Galilée, Newton et Descartes est certes « nouvelle » par rapport à celle d'Archimède: plus expérimentale, plus mathématique. Mais on ne peut guère imaginer Copernic sans Aristarque de Samos, Newton sans Archimède, Galilée, Kepler et Newton sans Thalès, Euclide et Ptolémée, ni d'ailleurs, plus près de nous, Einstein sans Newton. À l'origine de cette lignée se situe la naissance, dans la Grèce polythéiste, de la démarche rationnelle, tant scientifique que philosophique de Thalès, de Pythagore, de Socrate et d'Aristote ‒ sans apport d'un quelconque monothéisme.

Comme le dit Bernard de Chartres (vers 1130-1160): « Nous sommes comme des nains juchés sur des épaules de géants. Nous voyons plus de choses et de plus éloignées que n'en voyaient les anciens, non par la pénétration de notre propre vue ou par l'élévation de notre taille, mais parce qu'ils nous soulèvent et nous exhaussent de toute leur stature gigantesque ». Bien que soutenant la thèse de l'origine chrétienne de la science, Michel Serres reconnaîtra: « Les fondateurs de fait de la science moderne se disent moins les héritiers de Copernic ou de Galilée qu'ils n'apprennent leur métier dans l'oeuvre d'Archimède ».

Les tenants d'une discontinuité, d'une « rupture épistémologique » entre la science de l'Antiquité et la science moderne considèrent que la première était plus contemplative, qualitative, spéculative, alors que la seconde serait devenue plus expérimentale, mathématique, utilitariste, visant désormais « l'allègement et l'amélioration de la condition des hommes ».

C'est pourtant depuis Euclide, Aristote, Hippocrate, Archimède et Ptolémée que la science part de l'expérience, des faits, du besoin humain immémorial de compréhension du réel. Les Grecs n'étaient pas de purs spéculateurs, mais d'abord de grands observateurs. Déjà Aristote affirmait ‒ contre Platon il est vrai ‒ que l'expérience seule témoigne de la réalité des êtres. Ératosthène (276-194) alla jusqu'à donner une approximation correcte de la circonférence de la Terre. Une définition précise de la méthode expérimentale fut développée par l'école des médecins empiriques, fondée au IIIème siècle av. J.-C. par Philinos de Cos, et dont le représentant le plus célèbre fut Ménodote de Nicomédie (fin du Ier siècle apr. J.-C./ première moitié du deuxième). Mais qui dit expérience dit mesure, or la technologie grecque de la mesure restait embryonnaire.

La science « moderne » a beau être dite expérimentale, l'expérience n'y est pas première mais seconde, construite pour tester une hypothèse conçue a priori, de façon « spéculative ». Si Colomb a découvert l'Amérique, c'est en testant le chemin qu'il imaginait vers les Indes. Einstein a développé sa relativité générale à partir d'expériences de pensée, et n'a pu la tester expérimentalement que bien après. La science a toujours combiné les deux approches, spéculative et observatrice. Les scientifiques ont été plutôt l'un, plutôt l'autre, suivant les individus plutôt que suivant les époques.

Quant à l'idée d'appliquer les mathématiques à la physique, elle existe chez la plupart des Grecs, de Pythagore à Archimède et Ptolémée, en passant par Platon. Prétendre comme Alexandre Kojève et Michel Serres que la physique théorique « ne pouvait être que chrétienne » semble ignorer Pythagore et Archimède, sans parler de l'étrange logique des arguments déployés ‒ l'Incarnation, la Transcendance.

Science et technique

La science moderne bénéficia ensuite des progrès réalisés dans les techniques d'observation et de mesure ‒ par exemple la fameuse lunette de Galilée ‒, et dans les mathématiques. Ni l'une ni l'autre ne doivent a priori rien à l'Église. Quelle est l'origine du progrès technique? Sans doute les nouveaux besoins apparus au Moyen Âge avec l'essor démographique, le développement de la production, l'urbanisation, l'imprimerie, les échanges avec le monde arabe et l'Asie. Quant aux mathématiques, la montée du commerce, de la finance, de l'industrie, a pu stimuler le besoin de quantification, mais il y a loin de la règle de trois et des intérêts composés à la question de l'infini!

Tant la soif de connaissance que l'ingéniosité et les mathématiques furent d'ailleurs bien étrangères à la tradition biblique, qu'il s'agisse d'Adam et Ève punis pour avoir mangé de l'arbre de la connaissance, de Saint Paul pour qui « la science enfle », de Tertullien affirmant: « Nous n'avons pas besoin de curiosité après le Christ, ni de recherche après les Évangiles », de la « sainte ignorance » que recommandaient tant de Pères de l'Église et de papes, dont Pascal dira de façon lapidaire: « Le Pape hait les savants qui ne lui sont pas soumis par voeu ».

L'opposition entre science antique « spéculative » et science moderne « utilitariste » ne résulte-t-elle pas d'une confusion entre technique ‒ utilitaire par vocation ‒ et science ‒ curieuse par vocation, utilitaire par accident? Le développement technologique et le développement scientifique relèvent de deux attitudes psychologiques bien différentes, l'esprit pratique pour l'un, la curiosité associée au réductionnisme pour l'autre. Le premier est aussi vieux que l'humanité, et resta marqué jusqu'à la Renaissance par l'avance de la Chine, le second démarre vraiment avec « le miracle grec ». Jusqu'au XVIIIème siècle, la technique ne doit pratiquement rien à la science; l'interaction de la science avec la technique n'interviendra que plus tard, en Occident à partir du XIXème siècle. « La machine à vapeur n'est pas une merveille de la science, une application de la thermodynamique, mais un avatar de la pompe à feu, conçue pour l'assèchement des mines. C'est, au contraire, elle qui a rendu possible la thermodynamique, apparue d'abord comme des "réflexions sur la puissance motrice du feu" (Carnot, 1824). »

On sait qu'une invention technique ne s'impose que si la société civile est prête à lui trouver une utilité, d'ailleurs souvent fort éloignée de celle imaginée par son inventeur. Un nouveau concept scientifique en revanche n'a besoin que de l'assentiment de la société scientifique, qu'il obtient en général d'autant plus facilement qu'il vient résoudre un problème sur lequel elle bute; il ne diffuse ensuite vers la société civile qu'en fonction de l'intérêt qu'il éveille chez les philosophes. L'avancée des sciences apparaît ainsi beaucoup moins directement connectée avec les réalités économiques et sociales que celle des techniques.

Les Évangiles et la volonté de transformer le monde

Certains voient l'origine de ces progrès dans l'espoir chrétien du salut, qui aurait débouché sur une volonté de transformation du monde. Le message évangélique s'intéresse pourtant plus au « royaume qui n'est pas de ce monde », à l'au-delà, et recommande de prendre modèle sur les oiseaux du ciel et les lys des champs qui ne tissent pas et ne travaillent pas et dont les vêtements sont pourtant « plus beaux que ceux du Roi Salomon ». (Mt 6, 24-34). Si un texte sacré a encouragé une domination du monde, ce ne sont non pas les Évangiles, mais la Genèse ‒ « remplissez la terre, et l'assujettissez; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre » (Gen 1, 28). Or les Hébreux n'ont brillé ni par la science ni par la technique.

Pour d'autres, comme Alexandre Kojève et Pierre Duhem, c'est le concept de l'Incarnation qui aurait permis aux scientifiques d'abandonner la séparation aristotélicienne entre le monde céleste, parfait, celui de l'astronomie et de la science, et le monde « sublunaire », imparfait, chaotique. Ceux-là semblent oublier dans leur zèle apologétique d'une part que c'est l'Église qui a érigé Aristote en « vraie philosophe » et a combattu avec la plus farouche énergie les anti-aristotéliciens (par exemple Copernic, Kepler et Galilée). Ils oublient également que ni Thalès (ses quatre éléments eau, air, feu, terre), ni Pythagore (pour qui le monde, en particulier la musique, est gouverné par les nombres), ni Démocrite (l'atomistique), ni Aristote (le principe de causalité, l'expérience, l'annonce du nominalisme), ni Archimède (sa fameuse « poussée » et toute sa mécanique) n'ont dédaigné les choses du monde sublunaire. Enfin, ils ignorent le fait que le mythe de l'incarnation est présent dans de nombreuses religions non chrétiennes, comme la religion égyptienne, l'hindouisme, etc.

Marcel Gauchet exalte la position de Kojève en voyant dans l'Incarnation le mythe fondateur de la modernité: « il se résume dans le passage de l'Un ontologique à la dualité ontologique […] L'Incarnation apporte le dispositif structurel à partir duquel le hiatus entre l'ici-bas et l'au-delà va véritablement pouvoir prendre consistance. » « L'introduction du dogme de l'Incarnation au sein du monothéisme établit le salut personnel non pas comme mépris et renonciation au monde mais comme transformation du monde, action sur lui. » Jésus n'a-t-il pas plutôt annoncé la fin du monde que cherché à le transformer, n'est-ce pas l'individu plutôt que le monde qu'il a cherché à transformer, par « la loi du coeur »?

A contrario, les Romains polythéistes furent de formidables ingénieurs, au point que nos villes n'ont retrouvé qu'à la fin du Moyen Âge une qualité d'urbanisme comparable à celle de la Rome antique. Jusqu'au XVIIIème siècle, la Chine polythéiste surclassait l'Europe chrétienne en termes de puissance et de niveau de vie. La révolution industrielle européenne résulta de l'invention de la machine à vapeur (qui permit d'exploiter le charbon comme nouvelle source d'énergie) et de l'accumulation capitalistique: voir là, ou dans la découverte du calcul infinitésimal, une influence chrétienne serait pour le moins hardi.

« Il fallait une foi extraordinaire en la promesse du "fait à son image" pour concevoir sans raison la mathématisation du monde… », ira jusqu'à proclamer Pierre Chaunu. Étrange logique… Il poursuit: « C'est le plan de Dieu que Kepler a passionnément cherché dans le mouvement des planètes ». Oui sans doute, mais cette recherche d'ordre mystique rappelle furieusement la recherche d'harmonie du cosmos des Grecs.

La science moderne, fille de la théologie scolastique?

C'est la thèse défendue par Pierre Duhem et bien d'autres. Rappelons toutefois que la théologie, étude rationnelle du divin, descend de Platon, que le mot scolastique vient du grec schole, dont découlera le mot école, et enfin que la théologie scolastique se distingue de la théologie médiévale par l'introduction d'Aristote: toutes notions qui trouvent leur origine chez les philosophes grecs et non pas dans la Bible.

Sans y voir de contradiction, Pierre Duhem ajoute que « si la science moderne n'est pas née [de la condamnation d'Etienne Tempier] en 1277, c'est la date où la naissance des cosmologies modernes est devenue possible en milieu chrétien »! Voir dans cette condamnation du rationalisme, du déterminisme, de l'idée de lois de la nature le déclencheur de la science moderne est pour le moins paradoxal. Condamnation qui du reste fut provisoire puisque révoquée cinquante ans plus tard (1325), l'aristotélisme devenant pour plusieurs siècles la doxa chrétienne.

Certes, la science moderne remettra en cause bien des affirmations d'Aristote (distinction entre mondes sublunaire et supralunaire, négation de l'infini, du vide, de l'atomisme). Mais Aristote a posé les fondations de la science avec la logique, le principe de causalité, l'observation de la nature, et c'est l'essence même de la science de savoir se remettre en cause, comme plus tard Einstein remettra en cause Newton. Remise en cause que refusera toujours l'Église, qui s'opposera d'ailleurs à Galilée au nom notamment d'Aristote. 

Du thomisme au cartésianisme

S'il y eut rupture entre la science grecque et la science moderne, elle réside, au niveau concret, dans l'émergence du réel par les nouveaux moyens d'observation et, au niveau épistémologique, dans la transition, au cours des XVI et XVIIème siècles, du « thomisme géocentrique » au « cartésianisme héliocentrique », de l'aristotélisme à une conception plus platonicienne du monde. Rappelons que Copernic, homme de la Renaissance, avait lors de son séjour en Italie étudié tous les philosophes grecs, en particulier Platon, pour qui le Soleil représente l'image du Bien, et Aristarque de Samos, le premier à avoir émis l'hypothèse héliocentrique.

Cette « grande révolution », comparable au miracle grec, fut aussi l'époque d'une chasse aux sorcières. Pour Jacques Le Goff, « la principale création du christianisme à l'époque du long Moyen Âge [avait été] l'installation au centre de l'imaginaire médiéval de Satan. Satan [était devenu] le chef d'orchestre de la société féodale […] Ici-bas, Satan men[ait] le bal ». Saint Thomas d'Aquin lui-même avait donné ses lettres de noblesse à la démonologie avec son De malo (Questions disputées sur le mal, 1272). Le meilleur médiateur de Satan étant la femme, la démonologie alimentait la misogynie.
 

   

« Si la révolution scientifique eut lieu en Europe, et non pas en Asie, l'origine en revient, outre les contingences géographiques et historiques, à une forma mentis occidentale et aux deux expériences de “société autonome” de l'histoire de l'humanité, le “miracle grec” et la Renaissance européenne. »

   


L'épidémie de sorcellerie satanique fut réellement lancée par la bulle papale Summis desiderantes affectibus (1484) et par le Malleus Maleficarum (Marteau des Sorcières) (1486) rédigé par deux inquisiteurs dominicains. Elle fut confirmée par les Conciles de Trente (1545-1563) et de Bourges (1584), et alimentée par Luther et Calvin. Des bûchers furent allumés aux quatre coins de l'Europe durant deux siècles, voire trois en Europe de l'Est, faisant entre 50 et 100 000 victimes, des femmes pour 80% d'entre elles. Certains des plus grands esprits du temps contribuèrent à l'hystérie collective, comme Jean Bodin (1529-1596), Robert Boyle (1627-1691) ou Henry More (1613-1687). Montaigne, Érasme et Descartes s'abstinrent prudemment de prendre position. Les rares qui se risquèrent à dénoncer la pratique de la torture furent eux-mêmes accusés d'hérésie et de sorcellerie. Personne ne contesta l'existence de Satan et des sorcières, assurée qu'elle était par la Bible ‒ la parole de référence étant: « Tu ne laisseras pas vivre la magicienne » (Ex. 22,17) ‒ et par Thomas d'Aquin.

L'arrêt en quelques décennies (fin du XVIIème siècle) de cette flambée de sorcellerie coïncida avec l'irruption de nouvelles réalités, avec le basculement au rationalisme cartésien, l'émergence de l'opinion publique, l'ascendant de la nation sur le roi et de l'individu sur le groupe. Les causes tant de la crise de sorcellerie que de sa fin et de la concomitance avec l'installation du rationalisme restent l'objet de bien des conjectures. La lutte contre Satan fut sans doute exaltée par la compétition entre Réforme et Contre-Réforme, catholiques et protestants.

Le mouvement a-t-il démarré parce que l'amélioration des conditions sanitaires d'accouchement avait produit une explosion démographique de la catégorie des vieilles femmes ‒ les femmes jusque-là mouraient en moyenne plus jeunes que les hommes ‒, et s'est-il arrêté lorsque son emballement le conduisit à frapper non seulement des vieilles femmes et des marginaux, mais aussi des notables mâles? De nombreux auteurs pointent la montée de la bourgeoisie et du capitalisme, mais ce dernier avait pris son essor dès le Moyen Âge, dans les villes-républiques médiévales autonomes. Certains avancent que le cartésianisme a pu être considéré comme le protecteur de la chrétienté contre l'immanentisme platonicien de la Renaissance: son dualisme préservait la transcendance de l'esprit sur la matière, son rationalisme sauvait l'ordre social.

Quoi qu'il en soit, l'Église s'illustra surtout par son rôle moteur (avec Luther et Calvin) dans l'épidémie de sorcellerie et dans la chasse aux sorcières, par la condamnation de Galilée, par la mise à l'Index de Descartes (comme d'ailleurs de la quasi-totalité des philosophes). Rappelons que Descartes développa sa philosophie en réaction au procès de Galilée (1633), et que celle-ci fut réputée menacer de « dissoudre la Révélation dans le doute universel ».

Si l'Église a contribué à la structuration de la société européenne, c'est plus par ses institutions, par la concurrence avec les pouvoir temporels, par la transmission de l'héritage intellectuel grec et latin, par le processus de sécularisation, que par les valeurs spécifiquement monothéistes, telles que la vérité révélée, le dieu créateur, le péché originel, le salut. Le christianisme a sans doute participé à la montée de l'individualisme, mais « la preuve de la continuité n'est plus à faire, qui fait du dernier chapitre de la culture grecque le prologue de la culture latine médiévale » (Maria Dakari).

Le dieu biblique est‑il rationnel?

De tous les arguments qui militent pour la thèse d'une filiation chrétienne de la science, le plus populaire réside dans la conviction que le dieu monothéiste, créateur transcendant installant une conception linéaire du temps, a posé les conditions de la rationalité indispensables à la science, « une autonomisation du monde par rapport au divin ». Moïse aurait substitué la rationalité à l'irrationalité des mythologies polythéistes. Joseph Ratzinger va jusqu'à dire qu'avec le christianisme « le dieu de la rationalité est lui-même entré dans la religion »!

C'est d'abord oublier que c'est bien du monde polythéiste qu'a émergé, aux Vème et IVème siècles av. J.-C., la démarche rationnelle et positive. C'est oublier que le moteur du « miracle grec », la liberté de pensée, fut combattue par l'Église ‒ confinée à l'intérieur des abbayes, encadrée dans les universités, contrôlée par la Compagnie de Jésus, sanctionnée comme hérétique. C'est oublier que ce sont les Grecs qui inventèrent la théologie rationnelle. « Les religions antiques [ne sont] ni moins riches spirituellement ni moins complexes et organisées intellectuellement que celles d'aujourd'hui. »

Ensuite, le dieu biblique est-il vraiment rationnel? Qualifier de rationnel un dieu dont « les voies sont impénétrables » et le mystère insondable est bien étrange: « Que ses jugements sont insondables et que ses voies sont incompréhensibles! », s'écrie ainsi Saint Paul.

Enfin, l'oeuvre du dieu biblique se manifeste plus par des « créatures » qui doivent tout à leur Créateur qu'à une « nature » qui n'obéirait qu'à ses propres lois, fussent-elles d'origine divine. L'origine de la notion de « lois de la nature » est grecque, la conception thomiste se l'est réappropriée, mais l'attribuer au monothéisme relève de la captation d'héritage.

La transcendance

La transcendance abrahamique désenchante le monde. Ce désenchantement aurait été nécessaire à l'éclosion d'une démarche rationnelle, positive, tel est l'argument le plus couramment utilisé par les défenseurs de l'origine chrétienne de la rationalité et de la science modernes. Quelle étonnante négation de l'origine grecque de la rationalité et de la science! À l'inverse dans le monde judéo-chrétien, pourquoi a-t-il fallu attendre deux millénaires pour que cette fameuse transcendance, en principe présente dès le judaïsme, produise ses effets aussi tardivement?

Condamnation de la magie

Le monothéisme condamne la magie. Encore une fois, il n'était ni nécessaire ni suffisant de désenchanter le monde pour faire de la science: ni les Grecs, inventeurs de la science, ni Newton, ni Einstein n'ont voulu éradiquer du monde sensible ni les divinités, ni l'alchimie ‒ nos plus grands savants jusqu'à Newton voire au-delà consacrèrent plus de temps à l'alchimie qu'à la chimie, et butèrent sur la question « comment concilier une conception mécaniste de la nature avec l'intervention de forces spirituelles? » À l'inverse les Hébreux, pourtant considérés comme si rationnels par nos bons auteurs, n'ont produit aucune science (le monde juif ne participera à la science qu'à partir de son « émancipation » au XIXème siècle, et certes alors avec quel succès!). Nos Papes du Moyen Âge et de la Renaissance faisaient un usage officiel de l'astrologie, et excommuniaient ceux qui mettaient en doute la sorcellerie. À l'inverse, les Romains au temps de Cicéron (Ier siècle av. J.-C.) rangeaient la magie dans la superstitio, qu'ils opposaient à la religio officielle.

Le monothéisme ne condamne d'ailleurs pas la magie au nom de la rationalité, mais de la condamnation de l'idolâtrie, c'est-à-dire de sa prétention au monopole sur les miracles. La Bible est-elle un texte déterministe, présentant une vision du monde dirigée par des relations de causalité? Il paraît bien difficile, voire blasphématoire, notamment par rapport à la Providence et à la Grâce divines, de répondre par l'affirmative. Si une culture a cherché à s'émanciper de la magie et de la mythologie, c'est bien la grecque, par la philosophie.

Interdiction de prononcer le nom de Dieu, aniconisme

L'interdiction de prononcer le nom de Dieu exprimait une crainte, une mise à distance de Dieu ‒ deux attitudes qui ne sont pas spécifiques au monothéisme mais à la base de toute religion théiste ‒, amplifiées par une survalorisation de la parole sur un mode magique: nommer une chose, c'était prendre du pouvoir sur elle. Freud lui-même expliquait que: « Au commencement des temps, les mots et la magie étaient une seule et même chose. » Une telle conception du pouvoir des mots prévalait chez les Égyptiens, voire chez la plupart des peuples primitifs; de nombreuses traditions attribuent à la parole « une faculté de médiation sacrée ». Les religions du Livre n'ont-elles pas opéré un transfert de cette survalorisation magique de la parole sur la sacralisation des textes?

On rattache souvent cette interdiction de nommer Dieu à une conception apophatique du divin, mais il s'agit là d'une interprétation moderne, philosophique, bien éloignée du monde hébraïque de l'époque biblique, fort concret. On retrouve en outre une telle conception dans le taoïsme.

En interdisant de faire des « images taillées », le Décalogue proclamerait la supériorité de l'invisible sur le visible, de la parole sur la vision, du logos sur le mythos, de l'esprit sur les sens. Les images, le sensible, se voient ainsi dévalués au rang de réalité seconde, mensongère, idolâtre, tandis que le refus des images ouvrirait l'accès au règne de l'esprit, au monde des concepts. Mais l'aniconisme existait dans tout le Proche-Orient antique (avant 1400 av. J.-C.), chez les Perses, les premiers Romains, les Germains, l'Inde védique, de nombreux peuples en Afrique. Le monde des concepts, de l'abstraction, est par excellence le monde grec, qui ne mit pourtant d'interdit ni sur l'image ni sur le sensible, et porta à des sommets l'architecture, la sculpture, la poterie.

Les Hébreux ne se privaient d'ailleurs du concret ni dans les symboles ni dans le rituel: ainsi le Saint des Saints, la pièce la plus sacrée du Temple, était nommée « la maison de Dieu », le principal rituel restait le sacrifice, nombre d'interdits frappaient les pratiques alimentaires, sans parler de la circoncision, inscription jusque dans la chair de l'appartenance au judaïsme. Le dieu personnel et jaloux des Hébreux apparaît bien anthropomorphique par rapport au Démiurge de Platon, au Premier Moteur d'Aristote, à l'Un des néo-platoniciens. En matière d'abstraction, le bouddhisme n'a certainement rien à envier au monothéisme! Qui furent les plus rationnels, les Prophètes hébreux monothéistes, ou les philosophes polythéistes grecs? Le dieu de Moïse et de Jésus, ou celui de Platon? 

Dieu créateur, temps linéaire, invention de la nature

Le développement scientifique impliquerait un dieu créateur, une origine du monde, un temps linéaire, une vision finaliste de l'histoire, un homme doté d'un statut radicalement différent de celui du reste de la nature, conceptions qui caractérisent la Genèse et qui contrastent avec celles du monde polythéiste éternel ou cyclique, habité des dieux, plongé dans l'immanence, dont la seule « finalité » était l'harmonie immanente du cosmos: « la raison humaine conduit à l'unité » (Saint. Augustin).

Ces arguments relèvent d'une illusion prélogique, alchimique pourrait-on dire. Confondre unicité et rationalité n'est qu'une paresse de l'esprit, qui préfère la simplicité à la complexité, le linéaire au non-linéaire. Le fait de poser une origine, comme le fait la Bible, n'est pas en soi plus rationnel que de supposer l'univers ou le temps infini. Le Jésuite Paul Valadier lui-même concède: « Le problème des origines est extérieur à la requête du croyant… La notion de Création ne renvoie pas à un moment particulier, à un événement précis, bien localisé. C'est une notion qui signifie avant tout que Dieu a une relation voulue et aimante avec les hommes. » Et ce n'est pas un scénario comme celui du Big Bang qui sera de nature à trancher la question. Le temps dit cyclique des Grecs est en outre plus à voir comme une spirale que comme un cercle fermé sur lui-même. Les Chinois avaient eux aussi développé une conception linéaire du temps. Les textes sacrés abrahamiques confondent le temps de l'histoire et le temps du mythe, ce qui peut difficilement être considéré comme un gage de rationalité.

La science exclut de son champ toute conception finaliste, comme l'illustre encore aujourd'hui l'opposition entre darwinistes et créationnistes. Le remplacement de la finalité par la causalité d'une part, « l'invention de la nature » d'autre part furent précisément à la base du miracle grec. L'idée même d'invariant ‒ les lois en général, et plus particulièrement les lois de conservation (le « rien ne se perd, rien ne se crée » de Lavoisier) ‒ correspondait à la conception grecque d'un univers éternel mais s'opposait à l'idée biblique de la Création.

Les exégètes de leur côté ont fini par admettre que « le discours sur la création a en vue un discours sur Dieu, sur l'homme et non sur un discours sur le réel de la création (sur le « commencement ») à jamais inconnaissable. »

Ethos de confiance

D'autres soutiennent que l'épanouissement de la civilisation occidentale serait dû à « l'éthos de confiance » qu'installe la foi monothéiste, voire pour Max Weber à l'ascétisme du protestantisme, ou encore pour d'autres au sens du travail de la Bible. N'est-ce pas une fois de plus confondre le spirituel et le temporel? Le protestantisme était sans doute plus compatible avec les intérêts et aspirations économiques des entrepreneurs, comme semble en attester le développement relatif de l'Europe protestante, mais il n'en était pas la cause première: si le capitalisme s'est épanoui avec la révolution industrielle, ses racines, fort peu religieuses, s'inscrivent dans une longue maturation tout au long du Moyen Âge, fort catholique. Quant au « sens du travail dans la Bible », faut-il aller le chercher dans la Genèse, où il est présenté plutôt comme châtiment pour avoir mangé le fruit défendu, ou dans la parabole si énigmatique des talents? « Les philosophes du XVIIIème siècle doivent beaucoup aux cités, aux universités, aux sociétés calvinistes. Je ne vois pas encore ce qu'elles doivent à l'Église calviniste et aux idées de Calvin. » Si après la Contre-Réforme la science et la philosophie se développèrent mieux dans l'Europe protestante (avec Érasme (~1466-1536), Kepler, (1571-1630), Spinoza (1632-1677), Newton (1643-1727), Leibniz (1646-1716), etc.) que dans la catholique, ce n'est pas en raison d'une plus grande compatibilité avec l'orthodoxie protestante, mais simplement du fait que « l'Internationale calviniste [n'était autre que celle] des cités libres d'Europe qui avaient survécu. » 

Pourquoi la science s'est-elle développée en Occident?

La science moderne s'est développée en Europe et non pas en Chine, en Inde ou en Afrique. En attribuer la responsabilité au christianisme, en tant que système de valeurs, relève cependant d'une triple erreur:

  • d'une part réduire la science grecque à un pur exercice spéculatif sans lendemain revient à ignorer que les Grecs ont posé les principes essentiels de la démarche scientifique que sont la causalité, la nature et ses lois, la démonstration;

  • des facteurs purement historiques voire géographiques ont ensuite joué: la fragmentation du relief européen, le polycentrisme linguistique et décisionnel, la rivalité entre un pouvoir temporel fragmenté et le pouvoir centralisé de l'Église, mais aussi, une fois les invasions barbares définitivement arrêtées, la reprise démographique, économique urbaine et la relative stabilité des États et des dynasties(5), ont favorisé le pluralisme et la diversité si caractéristiques de l'Europe de Florence, de la Réforme, par rapport à la Chine, à Rome, à la Contre-Réforme;

  • enfin, la tendance au réductionnisme et à l'individualisme relèvent d'une attitude mentale typiquement « occidentale », opposée à la forma mentis orientale plus holistique et interdépendante(6); Athènes et Jérusalem la développeront chacune avec ses spécificités propres.

Conclusion

Né au sein de la Diaspora hellénisée, le christianisme se développa comme religion importée à l'intérieur d'un territoire déjà doté d'une culture ouverte, la civilisation gréco-romaine.

S'il y a une spécificité occidentale dont les Grecs ont été les hérauts les plus créatifs et contre laquelle les hommes du clergé chrétien ou musulman se sont si souvent élevés, c'est bien la curiosité, la recherche de connaissance pour elle-même. Adam et Ève seront au contraire chassés du Paradis et à condamner à travailler à la sueur de leur front pour avoir goûté à l'arbre de la connaissance. Malgré la préférence hébraïque pour l'acquis de la vérité plutôt que pour sa quête, malgré les Saint Paul, Saint Bernard et Saint Antoine, nombre de membres du clergé conservèrent la flamme de curiosité grecque: la curiosité pour l'étranger, pour des vérités autres que la sienne propre, l'esprit de recherche et d'innovation, cette libido sciendi, ce vice (Tertullien), ce « premier degré d'orgueil », cette « maladie de l'âme » (Saint Bernard), cette « concupiscence » (Bossuet), s'est maintenue tout au long de l'ère chrétienne grâce aux Boèce, Scot Erigène, Nicolas de Cues, etc.

Si la révolution scientifique eut lieu en Europe, et non pas en Asie ‒ malgré l'avance technique que la Chine eut, jusque très tardivement, sur le reste du monde ‒, l'origine en revient, outre les contingences géographiques et historiques, à une forma mentis occidentale ‒ une curiosité soutenue par une préférence pour le réductionnisme, l'analyse, la permanence ‒, et aux deux expériences de « société autonome » de l'histoire de l'humanité, le « miracle grec » et la Renaissance européenne. Le christianisme n'eut aucune part à la première, et ne joua dans la seconde qu'un rôle indirect.

Aucun peuple, ni les Chinois, ni les Indiens, ni les Arabes (sauf à leur âge d'or), sans parler des Hébreux bibliques, n'ont sans doute autant traduit de textes étrangers que les Européens: manière d'échapper à l'exclusivisme abrahamique?

 

1. Par exemple: Pierre Duhem (1861-1916), Maurice Blondel (1861-1949), Alfred North Whitehead (1861-1947), Joseph Needham (1900-1995), Alexandre Kojève (1902-1968), auteur du très explicite L'origine chrétienne de la science moderne, R. Hooykaas (1906-1994), Edmond Ortigues (1919-2005), Ilya Prigogine (1917-2003), Louis Bouyer (1913-2004), Stanley Jaki (1924-2009), Pierre Chaunu (1923-2009), René Girard (1923-), Claude Tresmontant (1925-1997), Peter E. Hodgson (1928- 2008), Rodney Stark (1934-), Edward O. Wilson (1929- ), Camille Tarot (1943-), Paul Davies (1946-). Damien Theiller défend la même thèse dans son article « Pourquoi la science moderne est-elle née en Occident? ». De façon plus générale, pour Descartes, Hegel, Max Weber, Freud, Braudel, Marcel Gauchet, c'est la rationalité occidentale qui serait d'origine chrétienne.
2. Pour Robert I. Moore, (La Première Révolution Européenne? X-XIIIème Siècle, 2001), la Renaissance du Moyen Âge est d'abord l'émergence d'une civilisation urbaine, à partir du IXe siècle et jusqu'au XIIe.
3. « The extent of the destruction of Hellenistic works has often been underestimated in the past, on the optimistic theory that the surviving works would be the best [...] fact the best works could not be saved, thanks to an automatic mechanism of natural selection during a general regression of the level of civilization. » Lucio Russo, The Forgotten Revolution: How Science Was Born in 300 BC and Why It Had to Be Reborn. D'après Mott Greene, « we have access to only 1-2% of these ancient texts for which we know the titles, the rest being lost. » Mott Greene, « The birth of modern science? Review of The Forgotten Revolution », Nature 430 (5 August 2004).
4. Cf. For the Glory of God: The Role of Christianity in the Rise and Development of Modern Science, Richard H. Jones, University Press of America,2011-2012.
5. Cf. note 2 et David Cosandey: Le Secret de l'Occident, vers une théorie générale du progrès scientifique, Flammarion, Paris, 2008.
6. Cf. Richard Nisbett: The Geography of Thought: How Asians and Westerners Think Differently...and Why, Free Press, 2003.

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Polytechnicien, ingénieur au Corps des Mines, vice-président du Cercle Ernest Renan à Paris, d'éducation protestante, ayant mené une carrière industrielle, Jean-Pierre Castel travaille à titre personnel sur la violence monothéiste. Il a publié en 2010 un premier essai, Le déni de la violence monothéiste, chez L'Harmattan, et travaille à un nouvel essai, Détruire les dieux d'autrui : l'exception abrahamique, dont le texte ici présenté est un extrait.

   
 

*Cet article est une version écourtée et adaptée d'un article publié dans Les Cahiers du Cercle Renan, n°263, Juillet-Septembre 2013.

Il se veut une réplique à l'article de Damien Theillier, « Pourquoi la science moderne est-elle née en Occident? », paru le dans le QL, no 301.

   
 
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Première représentation écrite du mot « liberté » en Mésopotamie, environ 2300 av. J.-C.

   


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