Hyperlien: http://www.quebecoislibre.org/14/140515-7.html Comme plusieurs, je signe ma carte d'assurance-maladie là où c'est inscrit que j'autorise le prélèvement d'organes et de tissus à ma mort. J'estime que si je peux améliorer ou sauver une vie (ou plusieurs), lorsque je ne serai plus de ce monde, c'est bien la moindre des choses. Mais voilà que des voix s'élèvent pour dire qu'il n'y a pas assez de gens qui, comme moi, signent leur carte et que l'État doit en quelque sorte nous forcer à le faire. Les politiciens ne contrôlent pas suffisamment nos vies, certains voudraient qu'ils contrôlent maintenant nos morts. Toujours le même bon vieux réflexe: à défaut de pouvoir convaincre du bien-fondé d'une idée, on réclame une loi pour forcer tout le monde à y adhérer. Prenez mon ami Richard Martineau par exemple. Dans une chronique publiée récemment, il y allait d'un vibrant plaidoyer en faveur du don d'organe automatique: « Pourquoi le gouvernement ne dépose-t-il pas un projet de loi rendant le prélèvement d'organe automatique? Que tu aies signé ta carte ou pas, on prend ce qu'on a à prendre. Oui, je sais, ça peut paraître brutal. Après tout, les dernières volontés, c'est sacré. Dire à nos proches comment disposer de notre corps après notre décès est un droit fondamental. Mais en même temps, les vivants sont plus importants que les morts. Si on peut sauver une jeune fille en attente d'une greffe depuis deux ans, pourquoi ne le ferait-on pas? » « On prend ce qu'on a à prendre ». Étonnant qu'on puisse écrire une telle phrase sans broncher. Imaginez si quelqu'un entrait chez vous et, parce qu'il y a des pauvres qui souffrent, qui ne mangent pas à leur faim et qui ne bénéficient pas du même niveau de confort dont vous bénéficiez, déclarait: « Pour le plus grand bien des plus pauvres que vous, on prend ce qu'on a à prendre » et vous n'auriez rien à dire. « Et cessez de rouspéter, espèce d'individualiste inconscient », qu'ils vous diraient en ressortant les bras pleins de denrées alimentaires et de produits jugés essentiels. Et que dire du fameux « Si on peut sauver une vie, ça en aura valu la peine »?! S'il fallait tout faire, collectivement, ce qui nous passe par la tête pour sauver ne serait-ce qu'une seule vie, on vivrait dans un monde totalitaire. Pensez-y! Pourquoi ne pas interdire les voitures sur les routes pour n'autoriser que les autobus? On pourrait sauver plusieurs milliers de vies! Pourquoi ne pas interdire toute vente de produits alcoolisés, sucrés ou enrichis de matières grasses? On pourrait sauver des millions de vies! Pourquoi ne pas obliger les gens à faire de l'exercice... Enfin, vous voyez l'aberration de la chose. À preuve du contraire, les êtres humains sont dotés d'un minimum de conscience et savent agir en êtres responsables. Qu'on les laisse faire ce qu'ils veulent. D'ailleurs, il fallait lire les commentaires que la chronique a générés sur la page Facebook du chroniqueur. Unanimité! Tous les amis de Richard (sauf une!) trouvent que l'idée est géniale. Ce serait la meilleure intervention gouvernementale depuis l'invention du pain tranché! Et je suis sûr que si on faisait un sondage, une majorité de répondants diraient que le prélèvement automatique d'organes est une excellente idée. Mais comment se fait-il qu'on en soit rendu à discuter d'une telle mesure alors même que tout le monde semble être d'accord avec?! Si tout le monde est d'accord, on peut présumer qu'ils ont signé leur carte! Il est où le problème?! Alexandra Beaudry, qui livre un combat quotidien contre la fibrose kystique, a décidé avec un autre greffé, Tomy-Richard Leboeuf-McGregor, de lancer une pétition à l'Assemblée nationale. Les deux veulent aussi que le don d'organes devienne obligatoire comme c'est notamment le cas en France, en Belgique, en Espagne et au Danemark. Pour le moment, au Québec, les donneurs doivent signifier clairement leur intention de faire don de leurs organes. « Là, il y aurait un registre pour ceux qui ne veulent pas; si la personne n'a pas signé, on prendrait pour acquis qu'elle veut donner », explique M. Leboeuf-McGregor. Comme c'est souvent le cas lorsqu'il s'agit de l'accès à des soins de santé de qualité, les revendications de tout un chacun relèvent plus de l'émotif que du rationnel. On voudrait que tout le monde soit en santé et heureux dans le meilleur des mondes. Et cela, coûte que coûte. Mais lorsqu'on y regarde de plus près, les choses ne sont pas toujours aussi évidentes qu'on serait porté à le croire. Ainsi, le directeur général de Transplant Québec, Louis Beaulieu, affirme que d'imiter le système de consentement au don d'organes français ne serait pas la solution pour accroître le nombre de donneurs: « Si on regarde les données de la France et des États-Unis, qui ont à peu près la même proportion de donneurs même si les États-Unis ont un système comme le nôtre, on voit que le consentement présumé n'est pas la variable déterminante. C'est vraiment l'organisation des services dans les hôpitaux qui fait le gros de la différence plutôt que le consentement présumé. » Et nous avons un système de santé étatisé administré de façon centralisée qui, année après année, démontre le même niveau de lacunes – longues listes d'attente, faible renouvellement des appareils médicaux, etc. – dont la difficulté d'identifier les donneurs potentiels ne serait qu'un élément parmi tant d'autres. (D'ailleurs, l'un des commentaires des amis de Martineau était assez révélateur à ce sujet. Un homme qui a fait le don d'un rein de son vivant pour son fils qui souffre d'insuffisance rénale écrivait: « comme le système de santé est lent et bien ça fait déjà un an et demi que l'on attend ». Imaginez.) Au lieu de militer pour que l'État nous force à donner nos organes une fois décédés, tout ce beau monde devrait tenter de nous convaincre de l'importance de poser un tel geste. Et convaincre de l'importance d'un geste n'a jamais été aussi facile (avec les médias sociaux ou conventionnels). Je n'ai pas besoin d'être convaincu, mais il semblerait que ce soit le cas pour la plupart des Québécois. Au lieu de militer pour que l'État nous force à donner nos organes, ils pourraient aussi militer pour un libre marché ouvert et légal d'organes. C'est vrai, si on pouvait vendre nos organes, il n'y en aurait plus de pénurie! Comme l'écrivait Bradley Doucet, il y a quelques années dans les pages du QL:
« Oui mais les pauvres!, diront certains. Ils vont être tentés de vendre leurs organes! Et, vu leur situation, c'est impensable! » Comme l'explique le Dr Arthur J. Matas, un chirurgien éminent spécialisé dans les greffes, il n'en est rien:
De
toute façon, qu'est-ce qui est pire: que des pauvres puissent vendre
leurs organes (en améliorant leur vie et celles d'autres personnes) ou
que des gens affligés de différentes maladies meurent en attente de
transplantations? |