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Jean-François Revel ou la
démocratie libérale à l'épreuve du XXe siècle* | Version imprimée |
par
Damien Theillier** |
Le Québécois Libre, 15 juin
2014, no 323
Hyperlien:
http://www.quebecoislibre.org/14/140615-4.html
Il n'est pas facile de situer Jean-François Revel dans l'histoire des
idées récentes. Tel est le défi que relève la biographie intellectuelle
qui lui est consacrée et qui vient de paraître aux Belles Lettres au
mois de février 2014:
Jean-François Revel - La démocratie libérale à l'épreuve du XXe
siècle, préface d'Alain Laquièze,
dans la collection « Penseurs de la liberté », dirigée par Alain
Laurent. L'auteur, Philippe Boulanger, est docteur en droit public et a
publié plusieurs essais sur le Proche-Orient et l'histoire des idées. Il
collabore d'autre part à diverses revues comme Le Banquet et
Commentaire.
Face à une
gauche française profondément marxisée et à une droite gaulliste et
post-gaulliste très nettement hostile au libéralisme, Revel a toujours
tenu à se définir comme un libéral de gauche. À contre-courant de tous
les partis politiques, son adhésion au libéralisme n'a pourtant jamais
été dogmatique. Comme l'explique Philippe Boulanger:
Pour lui c'est une question
d'expérience: le libéralisme politique assure la paix civile,
l'équilibre des pouvoirs et la participation des citoyens à la vie
politique; le libéralisme économique garantit mieux que
l'interventionnisme étatique et le fiscalisme
l'efficacité et la justice sociale.
« L'une des thèses de Revel, écrit Boulanger, est que la société
libérale, certes imparfaite, est, en tous points, supérieure à la
société étatiste ou socialiste. Il adhère à l'idée que la "société ouverte", imparfaite,
conduit plus sûrement l'homme vers davantage de félicité et d'abondance
que la "société dirigiste", fermée, méfiante à l'égard de lui et source
de paupérisation et d'injustice. » (p. 39)
Par ailleurs,
Revel ne manque pas de mémoire. Il fut un temps où la gauche française
était libérale et il sait que les libéraux au XIXe siècle ont été les
premiers à poser la « question sociale ». Et c'est pourquoi dans Ni
Marx ni Jésus, puis dans La Tentation totalitaire, Revel
appelle de ses vœux cette gauche libérale et moderne. Dans la décennie
quatre-vingt-dix, elle apparaît en Grande-Bretagne et en Allemagne mais
pas ou trop peu, selon lui, en France.
Faut-il pour
autant en conclure que Revel s'inscrit dans le courant dit du « libéralisme social »?
Son biographe ne le croit pas:
L'opposition entre la performance
économique et la solidarité sociale n'avait aucun sens pour lui: pour
redistribuer, il faut tout simplement être riche. Certes, après la chute
du communisme en Russie et en Europe centrale et orientale, on pourra
déceler sous sa plume, non parfois sans étonnement, la satisfaction d'un
certain « retour au socialisme », notamment dans les pays (Allemagne,
Italie, Grande-Bretagne) gouvernés par une gauche libéralisée.
Cette
apparente contradiction peut s'expliquer par sa conviction selon
laquelle la mise en oeuvre du libéralisme à la fois économique et
politique assure davantage de justice sociale, d'efficacité économique
et de stabilité politique que le socialisme marxiste férocement
étatiste. En d'autres termes, ce qui crée de la richesse et du
bien-être, ce n'est pas la nationalisation, mais la privatisation. (p.
422)
Mais Revel a
surtout été un formidable vulgarisateur. Et ce rôle de diffuseur des
idées libérales dans la grande presse – plutôt que dans les cercles
universitaires – explique sans doute le relatif confinement dans lequel
il est plongé depuis sa mort en 2006. Cette biographie, issue d'une
thèse de doctorat, vient à point nommé combler un certain vide.
À lire également: Nicolas Lecaussin, « Jean-François Revel », in Mathieu Laine (dir.),
Dictionnaire du libéralisme, Larousse, coll. « À présent », 2012,
p. 531-533.
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*Texte d'opinion publié le 7 juin 2014
sur 24hGold. **Damien
Theillier est président de l'Institut
Coppet et professeur de philosophie à Paris. |