Cécile Philippe, économiste, détient un doctorat
d’économie ès Sciences économiques de l’Université Paris-Dauphine et
dirige l’Institut économique Molinari qu’elle a créé en 2003. Nous
publions ici l'introduction de son plus récent livre,
Trop tard pour la France? Osons remettre l'État à sa
place, avec son aimable permission.
* * *
Nous vivons une époque passionnante, avec une remise en cause profonde
de toute une série de croyances et de certitudes.
Alors que la crise
s’est installée de façon durable, nombre d’économistes avouent leur
perplexité devant une situation qu’ils ont du mal à expliquer et des
remèdes qui s’avèrent inefficaces. Olivier Blanchard, économiste en chef
du FMI, constate par exemple que la macroéconomie est cassée et propose
de la rebâtir.
Ce constat vient de ce que les outils habituellement utilisés pour
sortir un pays de la crise ne fonctionnent plus. Les politiques
budgétaires ou monétaires se révèlent, les unes comme les autres,
impuissantes à endiguer le marasme actuel.
La magie des politiques de relance contra-cycliques ne fait plus
recette. Cette méthode, pratiquée en France dès les années 1880, avant
d’être popularisée avec brio au XXe siècle par les économistes
keynésiens, apparaît aujourd’hui impraticable. En dépit des appels de
Paul Krugman, les plans de relance ont été jusqu’à présent mesurés, et
il est peu probable que cela change. Les pouvoirs publics, confrontés à
un endettement massif, ont en effet peu de moyens mobilisables.
De même, nous avons aussi vécu depuis les années 1970 avec la
croyance qu’on pouvait réguler la quantité de monnaie de façon
indépendante et éviter ainsi les crises. Or si les indicateurs actuels
n’attestent pas un retour à l’inflation, l’idée que la politique
monétaire est capable de relancer la croissance est elle aussi battue en
brèche. Pire, le rôle des banques centrales dans la genèse des crises
financières est dans la ligne de mire.
Enfin, l’idée que la crise financière avait débuté dans un secteur
financier mal régulé est elle aussi mise à mal. Il apparaît de plus en
plus clairement à tous que la finance est, depuis des décennies, un
secteur hautement régulé et que cela n’évite nullement les crises.
Ces débats économiques n’empêchent pas les pouvoirs publics de
remettre au goût du jour des idées anciennes. De la politique
industrielle au patriotisme économique en passant par la remise en avant
de la suprématie de l’État, ces propositions ne fournissent rien de
nouveau et n’ont surtout pas fait leurs preuves dans le passé.
Ce livre vise à apporter un décodage alternatif et rappelle qu’il n’y
a pas lieu de rejeter l’économie. Tout au contraire, nombre de penseurs
de premier plan, trop souvent méconnus du grand public, à commencer par
Friedrich A. Hayek, Prix Nobel 1974, proposent des explications
particulièrement pertinentes du cycle économique. Celles-ci sont très
utiles pour comprendre notre monde chaotique.
Ce livre est aussi le résultat d’une démarche personnelle. La crise
financière et économique de 2007-2008 m’a incitée à concrétiser une
promesse que je m’étais faite au lendemain de ma soutenance de thèse et
à me lancer à la découverte de la monnaie, des bulles, des banques, de
l’endettement, etc.
L’objectif était double. Réussir à expliquer ce qui se passait et –
dans la lignée de la mission de l’Institut économique Molinari –
restituer cette compréhension des choses en langage accessible pour des
lecteurs cherchant, eux aussi, à comprendre la résurgence des crises et
souhaitant des réponses à la morosité ambiante.
Ce livre conduit à s’interroger sur le rôle de l’État dans
l’économie, en France notamment où ce rôle est à la fois plébiscité et
omniprésent. En effet, le XXe et le début du XXIe siècle y révèlent une
croissance ininterrompue de la sphère publique. Les Français ne semblent
pas en prendre la mesure, mais c’est bel et bien la réalité dans
laquelle ils vivent depuis les années 1980. C’est dans ces années que le
poids des dépenses publiques dépasse la barre symbolique des 50 %. Or,
on constate que cette augmentation de la taille de l’État correspond à
un ralentissement de la croissance économique et on peut finalement se
demander s’il n’y a pas de bonnes explications à cela (chapitre 1).
De même, la vie économique est régulièrement troublée par des crises
financières. Leur récurrence donne l’impression qu’elles sont inhérentes
au fonctionnement de nos sociétés, et certains vont même jusqu’à dire
que c’est un mal nécessaire dont il faudrait s’accommoder. À l’opposé de
cette vision des choses, on peut se demander si, au contraire, cela
n’est pas aussi le fait d’une intervention de plus en plus importante
des autorités publiques en matière monétaire (chapitre 2). D’ailleurs,
la crise des subprimes aux États-Unis offre un cas d’étude assez
intéressant en la matière (chapitre 3).
Pour bien comprendre ce qui se passe, il est utile de s’interroger
sur une institution fondatrice de nos économies et de notre prospérité:
la monnaie. Car il y a bel et bien un paradoxe à expliquer au sujet de
la monnaie, à savoir qu’elle est nécessaire au développement économique
mais qu’elle peut aussi – si elle est créée en excès – engendrer des
crises profondes qui bouleversent nos sociétés (chapitre 4).
La plupart des États européens ont réagi à la crise financière en
augmentant les dépenses. Puis, suite aux dérapages constatés, ils
cherchent à ramener leurs déficits publics dans les limites autorisées
par le traité de Maastricht. Il en a résulté la mise en place de
politiques drastiques d’ajustement, ayant permis de ramener le déficit
moyen de l’UE de 6,9 % du PIB en moyenne, en 2009, à 4 % en 2012.
Cependant, ces politiques, dites d’« austérité », continuent d’être
décriées aussi bien par des chefs de gouvernement, des ministres des
Finances, des dirigeants de l’Union européenne que par le FMI lui-même.
La question mérite de s’y attarder afin de comprendre de quelle
austérité on parle et dans quelles conditions cela peut déboucher sur
une reprise économique durable (chapitre 5).
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