Thomas Sowell, un économiste noir contre le
multiculturalisme* |
Thomas Sowell est l'un des intellectuels
les plus importants et respectés en Amérique. Économiste et philosophe,
enseignant, essayiste, il est également chroniqueur dans de nombreux
journaux.
Sowell est né en 1930 en Caroline du Nord et a
grandi dans la communauté noire d'Harlem. Comme beaucoup d'autres noirs
dans son quartier, il quitte la maison très jeune, sans terminer l'école
secondaire. Les années suivantes sont difficiles, mais il rejoint
finalement le Corps des Marines et devient photographe de guerre en
Corée. Après avoir quitté le service, Sowell entre à l'Université
Harvard. Il occupe un emploi à temps partiel en tant que photographe et
étudie la science qui va devenir sa passion et sa profession:
l'économie.
Diplômé de l'Université Harvard (1958), il
reçoit sa maîtrise en économie de Columbia University (1959) et un
doctorat en économie de l'Université de Chicago (1968). Au début des
années 1960, Sowell occupe un emploi en tant qu'économiste au ministère du
Travail, mais il souhaite se consacrer à l'enseignement. En 1965, il
commence à enseigner à l'Université Cornell avant d'enseigner à
l'Université de Californie à Los Angeles, au début des années 1970 et de
1984 à 1989.
Sowell a publié de nombreux livres, ainsi que de
nombreux articles et essais, couvrant un large éventail de sujets, de la
théorie économique classique aux questions judiciaires, en passant par
le droit de choisir son école. Sowell, après avoir écrit dans plusieurs
journaux à la fin des années 1970 et au début des années 1980, commence
véritablement sa carrière comme chroniqueur en 1984. Sowell dit qu'il
aime écrire pour le grand public car cela lui permet d'aller au cœur des
problèmes sans les artifices qui accompagnent si souvent l'écriture
académique.
En 1990, il remporte le prestigieux prix
François Boyer, présenté par l'American Enterprise Institute. Il est
actuellement Senior Fellow à la Hoover Institution de Stanford, en
Californie.
Un critique de l'État-providence
Sa pensée est orientée vers la défense du
libre marché et une politique sociale conservatrice-libertarienne. Ses
recherches ont porté notamment sur la théorie de la connaissance et de
l'information. En 1980, il publie
Knowledge and Decisions (1980). À l'instar de son maître
Friedrich A. Hayek, il présente l'économie de marché comme un processus
cognitif. Sowell utilise une citation de Walter Lippmann en épigraphe de
son livre: « L'homme n'est pas le Dieu d'Aristote contemplant toute
existence d'un seul regard. »
Certains proposent des remèdes aux
problèmes sociaux qui supposent implicitement que nous sommes ou
devrions être des dieux aristotéliciens. Ils sous-estiment le niveau de
connaissance détaillée qui doit être utilisé pour fournir la nourriture
et le logement aux habitants d'une ville; assurer suffisamment mais pas
trop de médecins, de plombiers, de poètes, et de pilotes de ligne,
distribuer l'électricité et le service téléphonique à tout le monde;
maintenir les processus de découverte qui vont apporter des réponses
nouvelles et précieuses à de vieux problèmes d'inconfort et de maladie.
L'échec spectaculaire du socialisme n'a pas été, comme beaucoup semblent
le croire, une conséquence du fait que les gens sont égoïstes et mettent
leurs propres intérêts avant les intérêts de
la société. Il
a été une conséquence
du fait
que personne n'est omniscient.
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« L'échec spectaculaire du
socialisme n'a pas été, comme beaucoup semblent le croire,
une conséquence du fait que les gens sont égoïstes et
mettent leurs propres intérêts avant les intérêts de
la société. Il
a été une conséquence
du fait
que personne n’est omniscient. » |
Thomas Sowell milite notamment en faveur d'un
impôt uniforme qui permettrait de produire plus de croissance économique
que le système d'impôt progressif en vigueur. En effet, il ne
pénaliserait pas les efforts supplémentaires à un taux de plus en plus
élevé. Il encouragerait les efforts et la prise de risques. Il critique
aussi le contrôle des loyers. Comme toutes les formes de contrôle des
prix, le contrôle des loyers conduit à une augmentation des prix et à
une réduction de la quantité fournie. La pénurie des moyens et les
faibles profits conduisent alors à une détérioration rapide des biens
locatifs. Ce scénario a été observé dans tous les pays à travers le
monde – en Australie, en Suède, en France, en Angleterre, comme aux
États-Unis.
Thomas Sowell est aussi l'un des principaux
critiques de l'État-providence aux États-Unis. Selon
lui, après avoir souffert de l'esclavage, les noirs ont été les cobayes
des expérimentations sociologiques du XXème siècle: emplois assurés,
santé surveillée, hébergement bon marché, intelligences prises en charge
par l'école publique et les programmes sociaux pour jeunesse à risque.
Le problème, c'est que tous ces programmes d'assistance sociale se sont
soldés par un échec retentissant.
Certes, la politique d'« Affirmative
Action » a été une aubaine pour les noirs qui étaient déjà intégrés et
en particulier pour ceux qui étaient riches. Mais elle n'a rien fait
pour les noirs qui sont au bas de l'échelle. Les données empiriques
provenant d'autres pays à travers le monde montrent la même tendance
générale. De plus, si vous donnez directement aux pauvres assez d'argent
pour cesser d'être pauvres, cela ne coûte qu'une fraction du coût des
programmes de l'État-providence visant à aider les pauvres.
Races et politique
Les cultures humaines
sont-elles égales? Et si oui, pourquoi certaines sont-elles socialement
et économiquement moins performantes que d'autres? Selon Sowell, leur
sort dépend moins de l'environnement extérieur (racisme,
discriminations) que de leurs habitudes de vie et de leurs valeurs.
Pourtant, l'idée que la « sous-représentation » de certains groupes dans
des situations favorables serait due à la façon dont ils sont traités
par les autres, est devenue le dogme d'une véritable religion séculière.
Dans Race, politique et
économie, traduit par Raoul Audouin (PUF, 1986), il montre qu'il
existe de nombreuses preuves du contraire. Au cours des siècles, et dans
les pays à travers le monde, certaines minorités, sans pouvoir
politique, ont surpassé la majorité dominante dans des professions
lucratives ou de prestige. Les Arméniens dans l'Empire ottoman, la
minorité chinoise en Asie du Sud, les huguenots en France, les Ibos au
Nigeria, les Japonais du Brésil, les Libanais en Afrique de l'Ouest, les
Juifs dans l'Espagne médiévale... La liste pourrait être prolongée
presque indéfiniment.
Par ailleurs, il observe que
les Italiens en Australie et en Argentine montrent des schémas sociaux
et économiques similaires à bien des égards à ceux des Italiens en
Italie ou aux États-Unis. Et, bien que les noirs n'aient pas eu à subir
la même oppression massive et rigide au Brésil, les différences
économiques entre blancs et noirs sont beaucoup plus élevées au Brésil
qu'aux États-Unis. Selon lui, aucun dogme n'a causé plus de mal que
l'idée qu'il existe une discrimination quand certains groupes sont « sous-représentés » dans les institutions.
Enfin, Sowell ne croit pas
qu'il faille payer des réparations pour compenser l'esclavage. Il
n'hésite pas à dire que les descendants des esclaves ne vivraient pas
mieux s'ils étaient nés en Afrique au lieu d'être nés en Amérique.
Autrement dit, le sort terrible de leurs ancêtres leur a profité. Si ces
ancêtres étaient encore en vie, ils mériteraient des réparations énormes
et leurs ravisseurs mériteraient les punitions les plus sévères. Mais le
passé appartient aux morts. Aussi frustrant que cela puisse être, créer
de nouvelles injustices parmi les vivants ne changera pas les choses.
Trois livres ont été publiés en Français:
L'Amérique des ethnies (L'Age d'homme), La loi de Say (PUF)
et Race, politique et économie (PUF).
*Texte d'opinion publié le 10 novembre 2014
sur 24hGold.
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