15 janvier 2015 • No 328 | Archives | Faites une recherche | Newsletter

 

 

   
OPINION
Les « riches » sont-ils trop « riches »?
par Alexandre Moreau


Tout récemment, le Centre canadien de politiques alternatives publiait son traditionnel rapport sur le revenu du top 100 des PDG les mieux rémunérés au Canada. Sans surprise, on y apprend que certaines personnes ont un revenu plus élevé que d’autres...

Il n’en fallait pas plus pour relancer le sempiternel débat sur les inégalités de revenu et la redistribution de la richesse. Ce débat souffre toutefois d’une carence en objectivité qui mène à toute sorte de recommandations et d’interrogations. Quel doit être le coefficient de Gini pour que la distribution de la richesse soit « socialement acceptable »? À partir de quel revenu est-ce qu’un « riche » est trop « riche »? De par le fait qu’elles génèrent une variété de réponses qui n’ont d’égale que la variété des répondants, ces questions sont éternellement futiles et d’aucune utilité dans la formulation des politiques publiques.

Trop souvent, ces dernières occasionnent des conséquences inattendues pouvant être contradictoires avec leurs objectifs initiaux. Pour éviter un cercle vicieux d’autolégitimation de l’intervention étatique, je propose de dépoussiérer les écrits de Ludwig von Mises, une figure proéminente de l’école autrichienne d’économie.

Cette dernière se distingue par ses propositions épistémologiques et méthodologiques, notamment la praxéologie et l’individualisme méthodologique. Quant à la praxéologie, elle repose sur l’axiome fondamental que l’individu agit, c’est-à-dire qu’il utilise consciemment des ressources rares afin d’atteindre un objectif choisi. Le fait qu’il agisse implique nécessairement qu’il juge que le résultat anticipé de l’action changera sa situation actuelle et que ce changement lui permettra d’atteindre un état d’être qu’il juge préférable à celui dans lequel il se trouvait avant d’agir. La praxéologie ne cherche donc pas à déterminer si les buts et moyens choisis sont bons, mauvais ou rationnels selon des standards arbitraires et subjectifs. Elle est une discipline objective qui se limite aux faits, soient les actions humaines en général et leurs implications.
 

   

« Le marché et non l’État est en mesure de permettre aux individus d’exprimer leurs préférences et leurs valeurs. Ce n’est pas la responsabilité du gouvernement de définir ce que devrait être une répartition “socialement acceptable” de la richesse. »

   


Cette objectivité nous permet, entre autres, d’en arriver à la conclusion logique que les inégalités de revenu découlant de l’interaction entre des individus dans un marché libre ne peuvent qu’être bénéfiques aux yeux des acteurs impliqués dans les divers échanges. Par exemple, si un individu achète un chandail officiel du Canadien de Montréal et un billet pour assister à un match au Centre Bell, ce dernier juge que l’accomplissement de son objectif lui apporte une valeur plus grande que celle attribuée au prix déboursé. Bien que cette action semble banale, elle contribue à l’accroissement des inégalités de revenus dans la mesure où le montant déboursé sert à financer le salaire à 7 chiffres de P.K. Subban. Cependant, tous les individus qui paient pour aller voir un match du Canadien ou pour acheter un chandail officiel ne font qu’exprimer leurs préférences en tant que consommateurs, alors que le salaire du numéro 76 reflète tout simplement la valeur de sa contribution au bien-être de ces derniers.

Ainsi, l’écart de revenu n’est pas problématique en raison du volontarisme qui caractérise les échanges dans tout le processus. Seule la part des inégalités découlant de l’intervention du gouvernement est déplorable. Dans ce cas, les salaires et les prix ne reflètent pas les préférences des individus impliqués, mais ne sont qu’une vague représentation de ce qu’une minorité de la population croit être préférable pour la société.

De là l’importance de l’individualisme méthodologique, qui vient s’opposer aux analyses holistiques qui présupposent la prééminence du « nous » sur le « je » et qui voient la société comme un collectif agissant. Les limites d’une telle analyse sont bien illustrées par cette citation de Murray Rothbard:

Avec un tel raisonnement, aucun juif assassiné par le gouvernement nazi n’aurait été réellement assassiné; au lieu de cela, les Juifs se seraient « suicidés » puisqu’ils étaient le gouvernement (lequel a été démocratiquement élu) et, en conséquence, était issu de leur propre volonté.

En ce sens, le marché et non l’État est en mesure de permettre aux individus d’exprimer leurs préférences et leurs valeurs. Ce n’est pas la responsabilité du gouvernement de définir ce que devrait être une répartition « socialement acceptable » de la richesse. Redistribuer le salaire des mieux nantis de façon « équitable » revient à dire que les individus ayant consentis à échanger leur argent contre des biens et des services accordent une valeur « socialement inacceptable » à ces derniers. Les inégalités dont on devrait se préoccuper sont celles qui découlent des politiques publiques et qui profitent à une minorité au détriment du bien-être des autres.

PartagerPartagerPartagerImprimerCommentaires

Alexandre Moreau est titulaire d'un baccalauréat en administration publique ainsi que d'une mineure en science politique de l'Université d'Ottawa. Il est actuellement inscrit au programme de maîtrise en administration publique à l'ÉNAP.

   
 
Ama-gi

Première représentation écrite du mot « liberté » en Mésopotamie, environ 2300 av. J.-C.

   


Le Québécois Libre
En faveur de la liberté individuelle, de l'économie de marché et de la coopération volontaire depuis 1998.

   
 

Présent numéro | Articles d'autres collaborateurs | Commentaires? Questions? | Index no 328 | Le QL sur Facebook
Archives | Faites une recherche | Newsletter | Qu'est-ce que le libertarianisme? | Qui sommes-nous? | Politique de reproduction