Les employés du secteur public sont-ils mal payés? |
Le Journal de Montréal
a rendu publique
dernièrement
une étude de l’Institut Fraser
selon laquelle les employés du secteur public bénéficient de conditions
plus avantageuses que les employés du secteur privé. Selon l’étude,
87,8% des premiers bénéficient d’un régime de retraite contre 23,9% des
seconds, l’âge de leur retraite est de 59,1 contre 62, et les premiers
ont un avantage salarial moyen de 10,8% sur les seconds. Voilà pour les
chiffres.
Le même journal a diffusé la réponse d’un représentant syndical (ici
et
ici).
D’autres, comme le Huffington Post Québec, ont aussi servi de
tribunes à des réactions hostiles du même genre (ici
et
ici),
appuyées par les chercheurs de l’IRIS.
Ceux-ci reprochent à l’Institut Fraser d’agréger les employés
municipaux, fédéraux et provinciaux, occultant ainsi le fait que les
derniers sont moins bien payés que les deux autres. Ceux qui travaillent
pour le gouvernement du Québec gagneraient 8,4% de moins que dans le
secteur privé. De plus, les cadres et les médecins sont tous mis
ensemble et
les ouvriers spécialisés sont payés 37% de moins que sur le marché.
Ces représentants syndicaux font plus qu’apporter ces nuances. Ils y
injectent de nombreuses insultes, insinuations et procès d’intention
hautement chargés en émotions haineuses. « Mensonges », « torchon », « induit
dangereusement le public en erreur », « brave petit chien au service de
son maître », « voile de "think tank" de droite », « un message
politique à la solde du 1% des plus riches », « leur
idéologie prime », « trafique des données », « tordu et malhonnête »,
« hypocrite et déconnecté de la réalité », « laissent dépasser leur jupon
idéologique », « biaisées », « maître dans l'art de jouer avec les chiffres »
en constituent les exemplaires.
Que faut-il en penser?
La rhétorique syndicale
Toutes ces données sont pourtant matières à discussion. Ainsi le
chroniqueur Vincent Geloso mentionne (ici
et
ici)
que les chiffres utilisés par ces syndicats ne portent que sur les
entreprises de plus de 200 employés (pourquoi?) et sur la rémunération
annuelle, et ce ne sont pas des emplois similaires qui sont comparés.
L’expérience, le temps de travail, la productivité, la sécurité d’emploi
et les différences relatives aux retraites ne sont pas prises en compte.
Ces choix gonflent artificiellement les conditions du secteur privé
relativement à la fonction publique provinciale. Choix intentionnel de
la part des syndicats? Ils reprochent pourtant à l’Institut Fraser de
« manipuler les chiffres ». En réalité, ils sont maîtres à ce jeu.
|
« Est-ce que la hausse du
salaire des employés du secteur public appauvrit des gens
moins avantagés ou relativement égaux à eux? Est-ce que ceux
qui se sacrifient ainsi en ont pour leur argent? Ces
questions ne sont jamais posées. » |
Pire encore, ils brandissent ces chiffres sans la moindre cohérence
logique avec leur discours pro-État. Le secteur public est-il un lieu
d’exploitation des travailleurs, par opposition au secteur privé, qui
les rémunère à leur juste valeur? Drôle d’aveu pour des marxistes!
Pourquoi ne pas privatiser les services publics alors? Cette « reductio
ad absurdum » met en lumière une chose: si la CSN et la CSQ
luttent contre et non pour la privatisation, c’est parce
qu’elles voient dans le caractère « public » de certaines fonctions un
bénéfice pour leurs membres. Elles ne peuvent voiler cette réalité qu’en
faisant des « agrégations » trompeuses d’individus et en disant une chose
et son contraire au gré des circonstances.
D’autre part, au-delà des chiffres, leurs propos se résument à:
l’Institut Fraser est fourbe. Ses chercheurs connaissent la vérité,
mais ils la déforment, car ils ont comme projet diabolique la vente de
notre âme (l’État social-démocrate) à des hommes tout-puissants
du style Monsieur Burns.
Ce discours « idéologique » n’est rien de plus que la version adulte du
Petit Chaperon rouge (le peuple) et du grand méchant loup (l’élite).
Le véritable problème
De nombreuses personnes s’orientent vers des emplois dans le secteur
public motivés par de nobles intentions, en travaillant fort. Ils ont
des raisons de croire qu’ils servent ainsi leur communauté, méritant une
récompense. L’école publique (sous l’influence de
la CSQ)
leur a inculqué cette idée pendant des années. Ils se sentent donc
menacés dans leur intégrité par nos arguments, et réagissent
émotionnellement. Je les comprends, mais cela ne les immunise pas contre
la critique.
Le problème de leurs revendications n’est pas lié à des moyennes
statistiques comparées entre groupes de travailleurs, mais à la vision
de la société qui se cache derrière. La rhétorique de leurs syndicats
repose sur des comparaisons entre groupes de revenus et suppose que de
les égaliser est un objectif vital. Ils analysent les situations comme
un combat pour récupérer des ressources à une petite clique
d’exploiteurs. Leurs gains salariaux n’ont jamais d’impact sur les
taxes, les opportunités, les épargnes ou les prix à la consommation de
l’ensemble de la population. Ce sont toujours des étrangers opulents,
les banques ou les grandes entreprises qui en assument les frais, comme
par magie, préservant ainsi l’illusion que nous sommes en fait une
grande famille solidaire marchant main dans la main.
Est-ce que la hausse du salaire des employés du secteur public appauvrit
des gens moins avantagés ou relativement égaux à eux? Est-ce que ceux
qui se sacrifient ainsi en ont pour leur argent? Ces questions ne sont
jamais posées. L’appel au 1% les étouffe, à la manière d’une diversion
(autrement dit: « regardez là-bas pendant que nous vous imposons nos
choix! »). Or, voilà le cœur du débat.
Les employés du secteur public consacrent peut-être beaucoup de leurs
efforts à des tâches qui ne sont pas prioritaires pour nous, que nous ne
leur avons même pas demandées ou qui nous nuisent carrément. Il n’y a
aucun moyen de le savoir, car elles ne nous sont pas offertes sur un
marché où nous sommes libres de les acheter et de les comparer. En
réalité, ils nous forcent à accepter leurs conditions en se faisant
passer devant les caméras pour nous, les membres du peuple, alors qu’ils
font parties de l’élite dirigeante. Et il faudrait accepter en plus sans
rouspéter qu’ils bénéficient d’avantages supérieurs au reste de la
population?
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Première
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environ 2300 av. J.-C. |
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