15 mai 2015 • No 332 | Archives | Faites une recherche | Newsletter

 

 

   
Entretien
Entretien avec François-René Rideau sur la spécialisation des tâches, les socialistes et l'aide aux pauvres - Cinquième partie
propos recueillis par Grégoire Canlorbe (quatrième partie)


François-René Rideau est un informaticien français. Parmi les sites qu'il anime, Bastiat.org est consacré à l'oeuvre de l'économiste libéral Frédéric Bastiat, Le Libéralisme, le vrai contient ses essais, et Cybernéthique est son blog apériodique.

11. On entend souvent dire, également, que la parcellisation des tâches a pour effet de susciter l'abrutissement intellectuel et moral des travailleurs. Adam Smith est l'un des premiers à tenir un tel discours. Ainsi affirme-t-il que la parcellisation des tâches tend à corrompre le corps et l'esprit du travailleur, « qui devient généralement aussi bête et ignorant qu'un créature humaine peut le devenir », et à faire perdre à celui-ci le sens civique et le plaisir de socialiser (La Richesse des Nations, Livre 5, Chapitre 1).

Cette idée est devenue, comme on le sait, très à la mode et a reçu ses lettres de noblesse cinématographiques avec le film de Charlie Chaplin Les Temps modernes. Que répondriez-vous à Adam Smith et consorts?


Au contraire, une plus grande spécialisation des tâches permet donc davantage d'accomplissement personnel. Auparavant, pour survivre, chacun devait être un généraliste, vaguement compétent en tout, mais devant faire tant de choses différentes qu'il était aussi médiocre en tout. Aujourd'hui plus que jamais, chacun peut se consacrer à ce qu'il faisait de mieux, et chaque homme de quelque talent peut s'il le veut devenir excellent dans la spécialité de son choix. De tous médiocres à tous excellents, voilà l'avenir radieux où nous mène le capitalisme.

Ceux qui aujourd'hui osent prétendre que l'industrialisation a déshumanisé les travailleurs sont des fieffés menteurs qui ne possèdent pas une seule once d'honnêteté intellectuelle – alors que de nos jours les statistiques aussi bien historiques que géographiques sont disponibles en une requête Google – et pour du prémâché, voir le site de Hans Rosling, GapMinder. Les immenses gains de productivité rendus possibles par la spécialisation des tâches ont apporté à tous, et surtout aux plus pauvres, un train de vie supérieur, une vie meilleure, plus longue, en meilleure santé, et, ce qui était inimaginable auparavant, des loisirs – alors qu'auparavant, c'était la faim, la maladie et la mort qui attendait la plupart d'entre eux.

Rappelons que grâce au Taylorisme moqué par Chaplin et tant décrié par les socialistes, c'est-à-dire grâce à la rationalisation des tâches pour maximiser leur productivité, Ford pouvait payer ses employés trois fois ce qu'ils auraient été payés ailleurs pour un emploi non qualifié – parce qu'ils étaient effectivement trois fois plus productifs qu'ailleurs aux États-Unis (où ils étaient déjà mieux payés que dans la plupart des pays). Il est singulier que les socialistes accusent d'avoir causé la pauvreté précisément les industriels qui ont sorti les pauvres de la misère mortelle dans laquelle l'humanité entière est née. De tous les hommes sur terre, un employeur est celui qui a offert à l'employé la meilleure offre de travail; et c'est toujours lui que les socialistes accusent et accablent, au lieu de tous les autres hommes qui ont offert moins bien sinon rien, et surtout des bourreaux étatistes – à commencer par les socialistes – qui ont empêché une meilleure offre d'être disponible.

Donc, y a-t-il toujours des personnes non qualifiées? Certes. Mais si on compare les emplois bas de gamme d'hier à ceux d'aujourd'hui, il n'y a pas photo. Un travail éreintant dans les champs ou dans une mine? Transporter de l'eau ou d'autres matières premières à dos d'homme? Vider les fosses septiques la nuit avec pelle et seau? Non merci. Les soi-disant « pauvres » d'aujourd'hui vivent-ils entassés au milieu des animaux, des puces et des poux, dans la poussière, la boue, les excréments et les microbes, dans la chaleur et dans le froid, l'humidité ou la sécheresse? Que nenni. Que les ennemis déclarés de la production industrielle et de la consommation de masse essaient donc un peu de vivre comme un manœuvre agricole, voire un chasseur-cueilleur, en ne consommant que des produits artisanaux; qu'ils tentent un peu de rejoindre (et pour de bon, pas comme anthropologues, reporters ou touristes) une de ces tribus qui vient encore comme dans les temps préhistoriques. On verra combien de temps ils tiendront, combien d'entre eux survivront, et s'ils trouveront que la peur des bêtes sauvages, la faim qui vous taraude la nuit, et le travail physique exténuant sont moins abrutissants que quelques heures par jours sur une chaîne de montage avec weekends et congés payés.

Grâce à un travail intelligent qui n'est plus seulement l'emploi de la force brute, et grâce à son aboutissement, la mécanisation, l'augmentation de productivité a permis l'émergence de loisirs. Au lieu de travailler dur toute la journée, tous les jours, toutes les semaines, l'homme s'est mis à avoir du temps libre! Il a pu avoir une vie sociale, autre qu'à la famille et au travail, et développer un sens civique qu'il n'avait pas, une culture qu'il n'avait pas, des goûts qu'il n'avait pas, des vertus et des vices qu'il n'avait pas, parce qu'auparavant il n'avait pas le temps de penser à ces choses qui étaient précédemment le luxe d'une infime minorité aisée. L'industrialisation, la mécanisation et la parcellisation des tâches furent un immense progrès pour tous. L'état centralisé, sa bureaucratie moderne, ses industries protégées, furent au contraire un désastre immense qui pourtant n'a pas (encore) pu détruire tout ce qui a été créé. Le progrès ne fut donc pas uniforme, et n'est pas irréversible non plus. Mais le socialisme est une boussole inversée qui appelle régression ce qui est progrès et progrès ce qui est régression.

Certes, il est effectivement des personnes qui s'abrutissent dans des métiers non qualifiés. Mais dans une société libre, s'ils y restent toute leur vie, c'est un choix. Le choix de la facilité, car il est dur de devenir entrepreneur et de fabriquer son propre métier, de sans cesse parer à l'imprévu et être financièrement responsable vis-à-vis des clients, fournisseurs et employés – cela demande plus de présence d'esprit qu'aucun métier salarié, et n'est pas moins anti-abrutissant que de vivre dans la jungle constamment sur ses gardes. Malheureusement, ce n'est pas un choix libre, car le poids des réglementations plus encore que des impôts, l'oppression des monopoles légaux, des licences en tout genre à obtenir et renouveler, des menaces de poursuites, et autres barrières à la concurrence, les incitations fiscales à la concentration de capital – toutes les actions de l'état sont conçues pour décourager les hommes d'entreprendre en indépendants et les pousser à devenir les salariés de corporations établies ou contrôlées. Et les socialistes, plus systématiquement encore que les étatistes sans principes poussant des intérêts corporatifs, ont explicitement en horreur l'entreprenariat, la présence d'esprit, l'initiative individuelle, l'indépendance radicale. Ce dont ils rêvent c'est d'un monde de jouissance sans responsabilité, où les individus, dissouts dans la masse, ne sont plus que des machines à jouir vivant de manne céleste. (Sauf bien sûr qu'il n'y a pas de manne céleste et que l'esprit humain ne reste pas en place; si on le dissuade de force de rivaliser de productivité, il rivalisera de ruse pour s'emparer de la force; la société à laquelle mène le socialisme reflète est donc la guerre de tous contre tous dans des interactions à somme négatifs entre antagonistes tous misérables sauf une poignée de vainqueurs, les pires.) Le progrès technologique apporté par le capitalisme rend possible la survie de masses laborieuses qui choisiraient la facilité; mais c'est le socialisme qui pousse les masses dans l'abrutissement, en leur fermant toute autre issue que de devenir les engrenages d'une des machines existantes, sur lesquelles il cherche à obtenir le monopole. Le parasitisme politique et le corporatisme d'autrefois se contentaient de sucer le sang des producteurs, sans posséder le moyen de les contenir; le socialisme veut de plus les contrôler tous à tout moment du berceau au cercueil, en faire un bétail dont il sera fermier unique.

On peut à la rigueur excuser Adam Smith de se tromper autant – c'est à son déshonneur, mais du moins il n'avait pas l'Internet pour le détromper et, surtout, il a écrit assez de grandes choses et assez contribué à défendre les bonnes idées économiques pour plus que compenser la dévaleur de ses erreurs. Adam Smith fut un bon économiste et un grand vulgarisateur; il était loin d'être le meilleur, même à son époque, et d'autres ont fait bien mieux depuis. Ses contributions à la pensée économique sont réelles, mais modestes. Par contre, sa contribution à populariser les idées libérales est immense. Invoquer Adam Smith est donc rarement le fait d'économistes en tant que tels, mais beaucoup plus souvent un acte de pop culture – et ceux qui le font à tout bout de champ démontrent par là qu'ils ne s'intéressent pas vraiment aux idées, mais font juste acte de propagande pour leur Kulturkampf socialiste.
 

   

« Il est singulier que les socialistes accusent d'avoir causé la pauvreté précisément les industriels qui ont sorti les pauvres de la misère mortelle dans laquelle l'humanité entière est née. »

   


Ainsi compris, il n'est pas étonnant qu'alors qu'Adam Smith était un grand défenseur de la liberté économique, dans l'argumentation pour laquelle il a innové, ce sont toujours les passages aussi bien les moins libéraux que les moins originaux qui sont déterrés hors contexte de son œuvre. C'est d'une troublante mauvaise foi de la part des socialistes, qui au lieu d'affronter sérieusement les arguments majeurs de ses thèses principales, préfèrent chasser les remarques mineures sans jamais affronter l'essentiel. Et quand parmi tout ce qu'Adam Smith a écrit, ils ne retiennent précisément que ces erreurs, ou des métaphores aussi mineures qu'obscures (comme sa fameuse « main invisible »), ce sont eux les premiers coupables. Ainsi, quand Marx semble n'avoir repris de Smith que sa désastreuse théorie de la valeur-travail, qui de petite remarque inconséquente chez Smith devient pierre angulaire de la théorie de Marx, Smith n'est certes pas à féliciter mais c'est d'abord Marx qu'il faut blâmer. C'est comme si on ne retenait de Bastiat que sa foi du charbonnier ou son mariage raté – qui n'ont rien de très originaux –, ou sa défense mal inspirée de la propriété littéraire et son incompréhension vis à vis de l'anarcho-capitalisme – qui sont des points mineurs de son œuvre –, et qu'on les montait comme les grandes leçons à retenir de sa vie et de son œuvre, alors qu'en même temps on éluderait systématiquement sa défense de la liberté du commerce (national et international), de la monnaie, de l'éducation, du travail (y compris pour les immigrés), de l'industrie (contre les brevets), et son opposition aux impôts, aux subventions, aux monopoles, aux guerres, à l'esclavagisme, à la colonisation forcée, au protectionnisme, au socialisme, etc.

Alors que Cantillon ou Turgot, antérieurs à Smith, ou Say ou Bastiat, postérieurs, s'exprimèrent en français dans une langue fort claire, et lui furent supérieurs sur tous les sujets où Smith est évoqué, les socialistes français préfèrent importer leurs hommes de paille idéologiques tous faits de l'étranger, et répéter sans cesse les mêmes poncifs éculés qu'ils se transmettent les uns aux autres, sans jamais lire Adam Smith ni les textes qu'ils prétendent critiquer, sans jamais lire les auteurs français qui lui sont supérieurs, et surtout, sans jamais penser par eux-mêmes.

12. L'argument dit ricardien des avantages comparatifs passe pour le nec plus ultra dans la justification théorique des politiques de libre-échange. Il est souvent rétorqué à cet argument que ce dernier néglige la face sombre de la division du travail mondialisée, à savoir que celle-ci est sujette à un risque systémique élevé dans la mesure où les changements inattendus affectant les conditions dans une partie du monde sont désormais bien plus fortement susceptibles d'influencer négativement toutes les autres parties du monde.

On entend parfois dire qu'il est temps de mettre en œuvre des institutions étatiques « back up » en mesure de fournir un bien ou un service si le fournisseur initial est rendu indisponible en raison d'une perturbation imprévue. Quel est votre avis sur cette analyse?


Turgot déjà dans ses « Lettres sur la liberté du commerce des grains » expliquait ce phénomène. Quand une partie du pays (de la planète) a une mauvaise récolte, sans liberté du commerce ni sans spéculation sur les grains, il y régnera la disette, voire la famine, la maladie et la mort. Quand au contraire règne la liberté de commerce, alors ceux qui dans d'autres parties du pays (ou de la planète) auront spéculé à l'avance qu'un jour il y aurait une famine quelque part et auront stocké des surplus pourront les écoulés là où ils sont demandés avec un besoin si grand. Certes, il faudra payer plus pour importer d'ailleurs des grains qu'il a fallu stocker, et couvrir ainsi les coûts de ces spéculateurs qui sauvent la vie de ceux qui mourraient sinon de faim. Le profit incite les spéculateurs à être prêt; la concurrence qu'ils se font entre eux lorsque règne la liberté fait que leurs prix n'excèdent pas leurs coûts et un profit compétitif avec celui d'autres activités.

En fin de compte, l'influence de chaque partie du monde sur les autres, qui souffriront ensemble de toutes les catastrophes naturelles (et artificielles), et ensemble fourniront les efforts pour les surmonter – c'est la vraie solidarité. Les socialistes n'ont que ce mot à la bouche, mais ce sont les capitalistes qui la réalisent le plus pleinement.

Les socialistes accusent les spéculateurs de vendre du grain cher aux affamés – que n'accusent-ils pas tous les autres, qui n'ont même pas de grain à leur vendre? On accusera sans doute d'usuriers ceux qui prêteront à haut taux à ces malheureux au sort incertain pour qu'ils puissent subsister; mais que n'accuse-t-on pas tous les autres, qui n'offrent pas d'argent à emprunter à taux inférieur? Avoir la vie sauve ne vaut-elle pas un emprunt? Si vous voulez les aider, envoyez-leur du grain ou de l'argent pour acheter ce grain, quitte à prêter ou emprunter. Si vous savez plus efficacement distribuer du grain et éviter les risques de défauts, vous pourrez réduire ces prix et faire un profit à aider les malheureux. Sinon, donnez pour leur envoyer de la nourriture, ou payez-leur le voyage et accueillez-les chez vous, ou ailleurs où ils ne mourront pas de faim. Mais quelle outrecuidance que d'accuser systématiquement ceux qui font quelque chose et le font le mieux!

J'entends déjà les socialistes effarouchés se scandaliser quand je parle d'emprunts, et dénoncer la « marchandisation » de la charité et l'« exploitation » des personnes dans le besoin. Les mêmes qui se pâmeront quand on aura renommé ces emprunts en « microcrédit », après avoir établi leurs bienfaits, et voudront aussitôt les voir monopolisés par une machine bureaucratique des tas (de corrompus irresponsables). Mais bien sûr, on peut sauver plus de monde via des emprunts que via des dons, forcément plus coûteux, puisque qu'avec un emprunt, on peut mobiliser tout un capital en ne payant que les intérêts (effet de levier, dit-on en finance). Avec des intérêts à 5%, ou peut sauver vingt personnes avec un emprunt pour chaque personne que l'on sauverait avec un don; mais, pour un socialiste, la pureté idéologique et le rejet de la « marchandisation » vaut bien la mort des dix neufs personnes qu'ils ne sauveront pas, cependant qu'ils paraderont celle qu'ils auront sauvé comme symbole de leur dénonciation du capitalisme.

Tant qu'à faire payer un tant soit peu les victimes d'hier pour l'aide qui leur a été apportée, n'est-il pas juste autant qu'efficace que ceux qui ont été sauvés un jour remboursent plus tard ceux qui les ont sauvés, et qui ainsi pourront demain en sauver d'autres? Est-ce trop demander que ceux qui furent sauvés un jour dussent acheter moins de gadgets électroniques et de chansons à la mode, se permettre moins de mets délicats et de vêtements de marque, et vivre plus nombreux dans un appartement plus petit, le temps de se débarrasser de leur dette? Et s'il y a un risque d'insolvabilité de leur part, n'est-il pas juste que les intérêts soient d'autant plus élevés, pour permettre à ce capital de se reconstituer pour les causes charitables prochaines? Si d'aucuns préfèrent donner sans compter, pour le bien-être personnel que ce don leur donne, c'est bien sûr leur droit, et, comme toute action consensuelle, est tout à fait légitime du point de vue libéral. Mais que s'outragent-ils de ce que d'autres préfèrent l'efficacité aux bons sentiments, et sauvent vingt fois plus de victimes qu'eux? Avec leur pseudo-morale, les socialistes croient regarder les capitalistes de haut, mais ils ont la tête à l'envers et regardent d'en bas.

Ainsi, quelle est la « solution » proposée par les socialistes? L'état-providence, c'est quand on aime tant de parfaits étrangers qu'on veut bien que l'état vole de l'argent à d'autres parfaits étrangers pour aider les premiers. Le socialisme, non seulement ne crée pas une once de « solidarité », au contraire, il dépense les bons sentiments existants; En effet, les politiciens, démagogues, ne font pas une seule œuvre de charité qui ne soit calculée pour leur apporter de la popularité; ce n'est que sous la pression sociale constante de l'opinion populaire qu'ils aident les uns et oppriment les autres. Or les tas (de socialistes bruyants) n'ajoutent strictement rien à la générosité et la bonté des hommes (y compris fonctionnaires) qui se portent au secours des victimes; ce que les tas (d'étatistes sanguinaires) ajoutent, ce qu'il ajoute, c'est la violence, le monopole, l'irresponsabilité institutionnelle, la bureaucratie, etc. Dans la réalité, l'état est d'abord et avant tout un immense racket. Ainsi, si le sentiment populaire au lieu de se tourner vers la politique comme moyen d'action, à coup d'activisme et de contre-activisme pour obtenir de la violence qu'elle soit employée dans un sens plutôt que l'autre, se tournait directement vers des solutions pacifiques et responsables, le coût serait moindre de toute la violence et contre-violence économisée, et les résultats seraient plus efficaces de par la responsabilité des acteurs qui corrigeraient du coup leurs erreurs. Car en fin de compte, les autres qui sont dépouillés par les tas, ce sont surtout les victimes dont les tas (de filous) allèguent si bruyamment avoir aidé les plus pauvres; ceux qui en moyenne reçoivent davantage d'« aide » qu'ils n'ont perdu à l'oppression, ce sont les parasites professionnels, et ces agents « altruistes » qui se chargent du vol et s'aident eux-mêmes en premier. Dans le jeu de dupe de l'action des tas, toute « aide » est précédée de déprédations largement supérieures à toute « aide » accordée; et quand à cette soi-disant aide des tas, c'est une aide donnée tantôt selon des critères bureaucratiques mécaniques et inhumains, tantôt selon les critères trop humains du clientélisme et de la corruption, à tous les coups un vaste gâchis où l'incompétence est la conséquence inévitable de l'irresponsabilité des acteurs.

Ainsi, les étatistes ont ces fantaisies sur toutes les bonnes choses que les tas (d'homoncules) seraient censés apporter à la société, et se laissent facilement berner par le spectacle flamboyant de la soi-disant aide que les tas (d'escrocs) dispensent d'une main douce et bien visible cependant qu'il dépouille plus encore mais subrepticement ses victimes d'une autre main rude et furtive. Mais dans le monde réel, non seulement les tas (de parasites) n'aident pas les pauvres par leurs actions – ils sont la première cause de cette pauvreté. Les tas (de poly-tiques) ne portent pas secours aux victimes de famines, mais créent les famines en empêchant la libre circulation des biens et des personnes. La nourriture ne peut pas arriver vers les affamés, se perd en autorisations, s'accumule dans des hangars, est interdite d'être transférée de A à B par quiconque d'autre qu'un bureaucrate monopoleur ou un transporteur autorisé, doit être dédouanée de « droits » et tampons officiels ou de bakshishs officieux, etc. Des réglementations écrasantes empêchent les pauvres d'entreprendre, voire même de posséder légalement leur logement, leur capital, ou le droit d'exercer leur métier. Même les riches sont tellement contraints qu'ils ne peuvent pas facilement employer les pauvres, et rien de profitable ne peut se faire et le rester qu'avec le copinage onéreux des zompolitiks. Le monopole réglementaire, le contrôle des prix, l'acharnement bureaucratique, le poids des lobbies établis par les tas, les impôts écrasants, l'insécurité légale et judiciaire, le harcèlement policier, le crime organisé impuni, détruisent des pans entiers de l'économie – précisément ceux où les plus pauvres pourraient le plus visiblement s'enrichir.

Alors, parler des tas (d'anges descendus du ciel) qui aideraient les pauvres, c'est bien beau, mais c'est un mensonge: un mensonge qui sert à justifier une oppression bien réelle de ceux qui sont prétendument aidés par les tas (d'oppresseurs venus de la lie de la société). Les libéraux dénoncent ce spectacle mensonger et veulent abolir l'oppression réelle. Les socialistes ne veulent voir que le spectacle fantasmé et vomissent les libéraux comme étant sans cœur et ennemis des pauvres, de la société, de la nation, de leur supposée entité collective préférée, parce qu'ils ne soutiennent pas les prétendues actions bienfaisantes de leur état imaginé. Comme tous les croyants de toutes les fausses religions, ils accusent-ils les « infidèles » de se révolter contre leurs dieux et de vénérer leurs diables; alors que nous nous contentons de penser que leurs dieux et leurs diables n'existent pas, qu'ils sont des fables pour contrôler les masses, des mensonges dénués de sens et, en fin de compte, des prétextes au meurtre, au vol, au viol, à l'esclavage, etc., au profit de la classe criminelle établie des « hommes de l'état ». Et si, au lieu de courir après le mirage d'un état bienfaisant tout à fait imaginaire, on mettait un terme aux activités de cette association de malfaiteurs elle bien réelle?

À suivre...

PartagerPartagerPartagerImprimerCommentaires

Grégoire Canlorbe se définit comme un libéral classique, avec des sympathies libertariennes.

   
 

Du même auteur


Evolutionary Psychology: An Interview with Gad Saad
(no 331 – April 15, 2015)

Entretien avec François-René Rideau sur l'égalitarisme, le socialisme et la démocratie - Quatrième partie
(no 331 – 15 avril 2015)

The Evolution of Freedom: An Interview with Paul H. Rubin
(no 330 – March 15, 2015)

Entretien avec François-René Rideau sur la concurrence et l'harmonie spontanée des intérêts – Troisième partie
(no 329 – 15 février 2015)

Entretien avec François-René Rideau sur l'État-providence, Hans Hermann Hoppe, et les dictatures – Seconde partie
(no 328 – 15 janvier 2015)

Plus...

   
 
Ama-gi

Première représentation écrite du mot « liberté » en Mésopotamie, environ 2300 av. J.-C.

   


Le Québécois Libre
En faveur de la liberté individuelle, de l'économie de marché et de la coopération volontaire depuis 1998.

   
 

Présent numéro | Autres articles par Grégoire Canlorbe | Commentaires? Questions? | Index no 332 | Le QL sur Facebook
Archives | Faites une recherche | Newsletter | Qu'est-ce que le libertarianisme? | Qui sommes-nous? | Politique de reproduction