La panarchie, plaidoyer pour la concurrence politique* |
Le panarchisme est
une doctrine politique inventée au XIXe siècle par l’écrivain et
botaniste belge Paul-Émile de Puydt (1810-1888). Il fut président de la
Société des sciences, des arts et des lettres du Hainaut, mais il
s’intéressa également à l’économie politique au sujet de laquelle il
écrivit plusieurs ouvrages: La charité et les institutions de
bienfaisance (1867), Marche et progrès de la civilisation dans
les temps modernes (1870), La Grève (1876).
En 1860, de Puydt publie dans la Revue trimestrielle à Bruxelles,
un article intitulé « Panarchie » dans lequel il applique aux relations
sociales et politiques l'idée de la concurrence économique. « Liberté du
choix, concurrence. Laissez faire, laissez passer! Cette sublime devise,
inscrite sur le drapeau de la science économique, sera un jour aussi
celle du monde politique », écrit de Puydt. La fameuse devise des
Physiocrates « laissez-faire, laissez-passer » évoquée ici n’est pas un
cri d’anarchisme, mais plutôt un appel à limiter la sphère publique pour
donner davantage d’autonomie à la sphère privée. C’est un principe de
distinction entre la sphère politique et la sphère économique. C’est un
appel aux autorités à laisser les producteurs s’organiser eux-mêmes
selon la loi de l’offre et de la demande, pour produire et échanger de
façon plus efficace et à moindre coût.
« La grande loi de l'économie politique, la loi de la libre concurrence,
laissez faire, laissez passer, n'est-elle applicable qu'au règlement des
intérêts industriels et commerciaux ou, plus scientifiquement, qu'à la
production et à la circulation des richesses? » Pourquoi alors ne pas
envisager une organisation sociale et politique dans laquelle tous les
systèmes de gouvernance seraient mis en concurrence? Tel est le projet
original de la panarchie exposé pour la première fois dans ce texte.
« Pan » vient du grec qui signifie tout et « archie » vient du grec « arché » qui veut dire pouvoir. La panarchie plaide pour que toutes les formes de
pouvoir puissent coexister côte à côte sur le même territoire et soient
librement choisies par les individus. Le panarchisme est donc un système
capable de faire coexister divers systèmes politiques en laissant aux
individus le choix de s’affilier au gouvernement de leur choix, ou à
aucun, s’ils le souhaitent.
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« Le domaine de souveraineté
d’un gouvernement donné ne s’étendrait pas sur un territoire
mais sur des personnes. Et celles-ci seraient libres de
choisir leur forme de gouvernement: socialiste, communiste,
monarchiste, républicain, libéral… » |
En fait, il ne s’agit pas d’une nouvelle idéologie mais simplement d’un
mode d’organisation du pouvoir extraterritorial et par conséquent non
monopolistique. Le domaine de souveraineté d’un gouvernement donné ne
s’étendrait pas sur un territoire mais sur des personnes. Et celles-ci
seraient libres de choisir leur forme de gouvernement: socialiste,
communiste, monarchiste, républicain, libéral…
Il ne s’agit pas non plus, explique-t-il, de réclamer l'absorption de la
société par l'État, comme les communistes et les collectivistes le font,
ni d’appeler à la suppression de l'État, comme en rêvent les
anarchistes. Il s’agit plutôt de plaider pour la concurrence des
organisations étatiques sur un même territoire et donc la fin du
monopole territorial de l’État souverain.
Selon de Puydt, il faut « pour tous et chacun des éléments de la société
humaine, la liberté de s’agréger suivant leurs affinités et […] le droit
absolu de choisir la société politique où ils veulent vivre et de ne
relever que de celle-là ». Ainsi, ceux qui veulent fonder une république
sont libres de le faire, à condition de ne pas l’imposer à ceux qui
veulent un roi… et vice versa.
L'auteur de « Panarchie » est le premier à avoir utilisé ce terme.
Toutefois, l’idée se trouvait déjà chez son maître, l’économiste Gustave
de Molinari, en particulier dans son livre de 1849: Les Soirées de la
Rue Saint-Lazare (Onzième Soirée), et dans son article « De la
production de la sécurité » publié dans le Journal des économistes
du 15 février 1849 (tome 22, no. 95, pages 277-290). Gustave de Molinari
s’était déjà exprimé en faveur de ce qu’il avait appelé « la liberté de
gouvernement ».
En fin de compte, Paul-Émile de Puydt présente la panarchie comme une
forme de tolérance politique, sur le modèle de la tolérance religieuse.
De même que l’État n’a pas à imposer une religion particulière, il n’a
pas non plus à imposer un seul mode de gouvernance. Et de même que les
adeptes de religions différentes peuvent vivre en paix côte à côte, de
même nous devrions pouvoir vivre comme nous l’entendons sans imposer aux
autres nos propres choix sociétaux et politiques (impôts,
réglementations écologiques ou bioéthiques, systèmes de santé, tribunaux
etc.) Ceci n’exclut pas bien sûr que sur un même territoire se nouent
des alliances ou des confédérations, que ce soit pour la défense, la
justice pénale ou autre.
*Texte d’opinion publié le 18 mai 2015
sur 24hGold.
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