Le premier ministre, spécialiste de l'art dramatique |
Le 19 octobre dernier, les Canadiens ont élu un nouveau premier
ministre: Justin Trudeau. Il est jeune. Il sourit devant les caméras.
Il salut les gens dans le métro.
Il est souvent accompagné de sa femme et de ses enfants, formant
une famille modèle.
Manifestement, il y a des gens qui votent pour ça. Ils ne comprennent
rien à
l’effet multiplicateur
que
les nouvelles dépenses des libéraux en « infrastructures »
sont censées engendrer. Ces électeurs ne s’inquiètent pas des déficits
majeurs prévus. Ce qu’ils veulent, c’est l’image d’un chef rassurant et
attendrissant à la télé.
Ce fait en choque plusieurs. Ignorants de
la théorie des choix publics,
ces penseurs nous sermonnent sur l’importance de réfléchir avant de
faire un « choix de société ». Ils blâment la société de consommation, la
technologie, Facebook, la perte de repères identitaires, la culture de
l’enfant-roi et autres boucs émissaires de vieux radoteurs, pour cette
attitude face à la politique. Dans leur temps, ils étaient de meilleurs
citoyens. Ils bâtissaient l’État-nation. Ce qui trouble ces critiques?
Le premier ministre du Canada est un ancien professeur d’art dramatique
qui n’a aucune expérience de gestion.
Toutes ces remarques ne sont pas pertinentes. Le vrai problème, c’est la
naïveté de nos commentateurs, dont la science n’est guère plus avancée
que celle d’un analyste de sport à RDS. Ces bien-pensants voudraient
nous voir évaluer rigoureusement des programmes électoraux avant d’élire
un chef. Ils espèrent de lui qu’il dirige avec clairvoyance notre
destin, qu’il soit brillant comme administrateur.
Foutaise! Justin Trudeau a été professeur d’art dramatique? Il a le
profil de l’emploi! La politique, c’est du théâtre. Les programmes, les
directives, l’allocation des ressources sont pensées par des hauts
fonctionnaires dans des comités. Les députés, les ministres et le
premier ministre n’existent que pour donner à ce processus l’allure
d’une décision publique. Ils jouent le rôle de donneurs de direction.
Ils acceptent ou refusent certains rôles, puis demandent à leurs experts
de leur concocter des plans pour mieux paraître. Notre nouveau premier
ministre est la personne parfaite pour occuper ce poste.
La meilleure analogie serait
la salle des commandes d’un vaisseau de Star Trek.
Nous y voyons des machines savantes faire du bruit devant des gens qui
formulent des phrases compliquées. Au centre, il y a un capitaine qui
prend un air inspiré en donnant des ordres invraisemblables. Tout
fonctionne comme par magie. La vérité, c’est que cela se passe sur un
plateau de tournage.
Papineau, Duplessis, Lesage, Lévesque, Bouchard, Trudeau, Chrétien,
Charest, Parizeau et compagnie sont tous d’excellents dramaturges et
n’ont jamais vraiment été des administrateurs. D’autres faisaient ce
travail pour eux.
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« Pensez-vous qu’un être
humain, qu’un conseil de vieux sages ou qu’une assemblée
possède la faculté de mouvoir intelligemment une société?
Sérieusement? Pensez-y deux minutes. » |
Cette affirmation n’est pas une théorie de la conspiration. Personne
n’est conscient de cette tragi-comédie, eux les premiers. C’est une
question de gros bon sens. Pensez-vous qu’un être humain, qu’un conseil
de vieux sages ou qu’une assemblée possède la faculté de mouvoir
intelligemment une société? Sérieusement? Pensez-y deux minutes. Non.
Pour le faire, elles doivent avoir des pouvoirs surnaturels comme lire
une boule de cristal, sonder télépathiquement nos esprits et sentir nos
cœurs à la manière d’un chevalier Jedi. Ce ne sont pas des coïncidences
entre des séries de chiffres fournies par Statistique Canada qui vont
les informer de nos besoins, ainsi que de la chaîne d’actions et de
réactions requises pour y répondre (pensez aux théories de Mises et de
Hayek sur l’impossibilité du calcul économique dans un cadre
socialiste).
Le mieux que ces gens puissent faire, c’est d’entendre les propositions
qui viennent des fonctionnaires de l’État et des groupes d’intérêt, puis
leur dire oui ou non. Leur compétence consiste à justifier
(théâtraliser) ce choix devant un public et non à en évaluer l’utilité.
Quel impact ces décisions ont sur le reste des gens?
Ils ne le savent pas.
Et les électeurs n’ont pas les aptitudes pour évaluer ce processus. Ce
n’est pas un accident lié à un manque de vertu civique. C’est une
caractéristique essentielle de l’entendement humain: il est limité. Ce
que le citoyen veut (élite incluse), fondamentalement, c’est un théâtre
d’illusions. Il y aura des méchants (les riches) qui garderont une
princesse (la classe moyenne) captive, et un preux chevalier (Justin
Trudeau) viendra la délivrer. La jeunesse, la bonhommie et l’image d’un
père attendrissant de celui qui joue ce rôle inspirent confiance.
Cette vérité montre comment
notre compréhension de la société est fondée sur des superstitions.
La réalité est brutale.
L’État n’est pas une confrérie solidaire, mais un monopole fondé sur la
violence. Il se finance en nous prenant de l’argent de force, puis nous interdit
de rivaliser avec ses protégés. Il se maintient en vie en nourrissant
les groupes aptes à lui fournir une aura de légitimité au frais de la
majorité. Nous élisons des acteurs qui nous font croire que tout cela
est sous notre contrôle. Justin Trudeau a bel et bien le profil de
l’emploi, mais nous sommes simplement naïfs quant à la véritable nature
de son travail.
Cette manière d’organiser la société n’est pas inévitable. Nous n’avons
pas besoin de mettre en commun nos ressources et nos décisions pour nous
soigner, pour envoyer nos enfants à l’école, pour construire des routes
et pour protéger nos droits. Il y a des tas d’organisations qui ont la
capacité de le faire. Elles sont certifiées fiables si elles ont
surmonté avec succès l’épreuve d’un marché relativement libre. Elles ont
le nom « d’entreprises privées ». Si nous payions moins de taxes, nous
aurions alors le pouvoir de choisir nous-mêmes lesquelles nous
offriraient ces services. Nous pourrions nous concentrer à étudier
seulement les décisions qui nous concernent. Nous en connaîtrions les
prix. Nous aurions davantage d’influence. De plus, la concurrence entre
ces entreprises nous donnerait une meilleure idée de ce qui fonctionne
ou non.
Ce système alternatif n’est peut-être pas parfait, mais il l’est pas mal
plus que l’actuel qui consiste à nous raconter des histoires fabuleuses
sur le pouvoir en votant pour un professeur d’art dramatique habile à se
montrer en public. Ce gars-là est un charlatan capable de nous faire
prendre des vessies pour des lanternes. Plus précisément,
il nous fait croire que des milliards de dollars de dépenses dans des
infrastructures sont des investissements.
En réalité, c’est un moyen de financer l’industrie de la construction
sans la soumettre aux préférences des consommateurs.
Canadiens, réveillez-vous!
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