Montréal,
le 19 décembre 1998 |
Numéro
27
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« Freedom defined is freedom
denied. »
The Illuminatus
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NUMÉRO
SPÉCIAL:
LIBERTÉ, CROYANCES
ET RELIGION
PÈRE BÉBELLES
par Brigitte Pellerin
C'est drôle, j'ai l'impression que vous commencez à me connaître
un peu mieux, maintenant. Remarquez,
c'est bien normal, depuis le temps que je vous scribouille sans complexe
mes petites montées de lait...
Alors, étant donné que ceci est un numéro spécial
du temps des Fêtes, permettez que je vous étale quelques confidences
supplémentaires. Laissez-moi le plaisir d'enlever le petit chou
qui retient le noeud sur la boîte
des mes émotions, et de vous déballer gentiment une autre
facette de mon moi-même.
Je n'ai aucune idée si ce qui suit a un rapport quelconque, même
très éloigné,
avec l'idéal ou la simple tendance libertarienne. Je vous
laisse juger. |
Survivre Noël... une autre fois
Cette semaine, je vous cause de la montre parlante, des interminables
files d'attente, et des spéciaux-qui-n'en-sont-pas-vraiment.
Ou si vous préférez, du magasinage des Fêtes, folie
s'il en est une; période de
l'année où il nous est donné de voir l'homme-machine-à-consommer
(et ne parlons pas de sa femme) à son meilleur.
Enfin, meilleur pour ceux qui rêvent à l'Apocalypse pour le
1er janvier 2000. Parce que comme c'est parti
là, ils risquent tous de mourir
de rage dans les stationnements des centres commerciaux.
Vous savez fort bien que je radote souvent les mêmes affaires: qu'il
n'y a pas de liberté sans responsabilité,
qu'on ne peut pas tout avoir dans la
vie, et blablabla.
J'en ai d'autres, des principes, vous savez. Entre autres choses, je
déteste – et alors là, vous n'avez
pas idée à quel point – les institutions
sans signification.
Et Noël en est une vraie de vraie.
D'abord, on passe un gros mois à se traîner d'un party archi-dull
à l'autre, adoptant deux ou
trois kilos au passage et déchirant au moins trois
paires de collants. On boit définitivement trop, on fait
semblant d'apprécier la compagnie des gens
du bureau, on se force sans bon sens
pour être gentil avec les chums de la douce moitié, et on
se ramasse avec trois nouveaux sets
de salière-poivrière en forme de vache
ou de Félix-le-Chat.
Une fortune dépensée en vêtements et une indigestion
de petits pains fourrés – vous
avez remarqué qu'on n'en mange à peu près jamais le
reste de l'année?... Un compte de banque
desséché et la gueule de bois qui
ne s'évaporera pas complètement avant la Saint-Valentin.
Voilà ce qui nous reste.
Tous masochistes?
Et pourquoi se force-t-on à passer à travers tout ça?
Parce que. Parce que c'est Noël
et que Noël, c'est comme ça. C'est l'occasion de
se rapprocher des gens qu'on se contente d'appeler
un fois de temps en temps les 11
autres mois de l'année, de leur offrir des bons d'achats
de chez Victoire Delage et de danser en pieds
de bas en chantant des chansons idiotes
autour d'un sapin artificiel, un verre de styrofoam vissé
dans la main.
Ouache.
On s'échange nos rouges à lèvres par bajoues interposées
et on se passe nos microbes par des
voies que je m'éviterai de décrire plus avant.
On sourit faussement aux jokes épaisses, mais ÉPAISSES!
de MonOncle Tarla en se promettant
bien de prier pour qu'il s'enfarge dans
ses tapis Sauve-Pantalon avant le Jour de l'An.
Parce que c'est pas fini; l'épreuve se déroule en deux temps.
Une semaine d'intervalle, le temps
d'aller échanger les cravates, et ça recommence!
C'est reparti pour la tournée de chips et de chocolats
fourrés aux cerises, de vodka-jus-d'orange,
essayant de survivre dans une atmosphère
lourde de dentiers bien lavés et de relents d'Old Spice.
Oh my, oh my. Quel cauchemar.
Je ne veux pas être complètement négative; ce ne serait
pas bien. Je comprends que pour beaucoup
de gens, la période des Fêtes représente
l'occasion de briser la routine, de passer des
bons moments entre amis ou en famille,
et qu'ils apprécient vraiment cette semaine de festivités.
Tant mieux pour eux; je m'incline bien bas et je les prie d'accepter
mes meilleurs voeux.
Mais ne me forcez pas à monter dans votre carriole. C'est tout ce
que je demande. Laissez-moi haïr
le temps des Fêtes comme je l'entends, sans
chercher à me convaincre que j'ai tort.
Je ne veux surtout pas le savoir, si j'ai tort ou pas. Tout ce que je
veux, c'est avoir la paix. Tout ce que je souhaite,
c'est d'échanger cadeaux et
bons moments avec ceux que j'aime quand l'envie m'en prend,
que ce soit le 21 juillet ou le 17 mars. Je ne
veux pas régler mes effusions
de joie sur un calendrier forcé. Et par-dessus tout, je
refuse de risquer ma peau chez Eaton, au milieu
de la faune qui s'énerve, mais
s'énerve.
En un mot, je déteste le faux et le clinquant. Malheureusement,
le temps des Fêtes en est devenu
la principale manifestation. C'est triste,
très triste.
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