(Lectures, avril 1995) |
par Martin Masse
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RECENSION DE LIVRE: Nationalisme et démocratie,
par Jean-Pierre Derriennic
(Montréal: Boréal, 1995)
La publicité pour
le livre de Jean-Pierre Derriennic met en garde de
Sauf que depuis l'élection
du PQ, et surtout depuis l'opéra bouffe que furent les commissions
régionales, il est devenu clair que l'indépendance ne sera
jamais qu'un projet résolument collectiviste, attrayant uniquement
pour les pure laine et les gauchistes en mal de tripoter sans contrainte
les
La réflexion sur
les illusions des indépendantistes de M. Derriennic m'a accompagné
dans les dernières semaines où j'ai moi-même achevé
de perdre mes illusions. D'autant plus que j'ai retrouvé dans ses
arguments une sorte d'extension de mes propres réserves concernant
le projet indépendantiste.
Qu'on me permette de citer
cet extrait de mon livre:
« Le fantasme de
l'existence objective du peuple québécois a effectivement
fait en sorte de masquer une réalité première, celle
du caractère partiel et subjectif de l'identité des collectivités.
Les nationalistes n'ont pas compris qu'il était nécessaire
que l'identité québécoise continue à se développer,
à se répandre et à se consolider avant qu'il soit
possible non seulement d'envisager de faire l'indépendance, mais
aussi de garantir qu'un Québec indépendant restera aussi
dynamique
Dans la dernière
page de son livre, le professeur Derriennic explique ainsi l'argument fédéraliste
qui lui semble le plus décisif:
Des sondages récents
ont confirmé que pour une forte majorité de la population,
y compris une majorité de souverainistes, la règle du 50%
plus un n'est pas suffisante pour enclencher le processus d'accession à
la souveraineté. En fait, il ne s'agit pas à la limite d'une
question de légalité ou de légitimité, mais
bien d'un problème éthique. Problème encore plus crucial
quand on sait que le gouvernement va user de toutes les ruses pour aller
chercher un OUI par la peau des dents, qui ne reflétera pas nécessairement
une volonté d'indépendance.
Pour Jean-Pierre Derriennic,
le droit de se séparer devrait être réservé
uniquement aux groupes qui subissent dans leur État une sévère
discrimination ou une menace à leur sécurité physique,
ainsi qu'à ceux qui, comme les Norvégiens en 1905, sont capables
d'en décider à l'unanimité ou presque.
M. Derriennic ne conteste
pas que dans un Québec indépendant, un nationalisme civique
englobant et tolérant aurait autant de chance d'exister que dans
le Canada actuel. Le problème n'est pas d'être indépendant,
mais de devenir indépendant, dans un contexte où la
population est divisée quant à ses loyautés.
Il partage la conception
subjective de l'identité nationale, ce qui l'amène à
suggérer de dissocier la solidarité nationale de l'État,
comme on a séparé l'État de la religion au cours des
derniers siècles.
C'est là peut-être
que se trouve la limite de l'argumentation de M. Derriennic. Comment dissocier
État et identités collectives dans un pays qui promouvoit
officiellement le multiculturalisme? Comment aménager l'utilisation
des langues de façon à plaire à tout le monde?
Si j'ai été
indépendantiste, c'est pour m'opposer à un projet canadien
qui semblait conduire à un statut de minorité ethnique folklorisée
pour les Québécois francophones. La citoyenneté abstraite
qu'offre M. Derriennic a beaucoup de mérite mais elle évacue
complètement cette problématique, ce qui est la meilleure
façon de perpétuer la
Battre le référendum
n'est pas tout. Après cela, il faudra réapprendre à
être Canadien, sans se piler sur la conscience. Encore des illusions?