(Lectures, octobre 1994) |
par Martin Masse
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Pourquoi la presque totalité
de ceux qui consomment de la pornographie ou commettent des viols sont-ils
des hommes? Pourquoi a-t-on de la difficulté à imaginer qu'une
femme soit
Depuis les travaux des
anthropologues Boas, Benedict et Mead plus tôt dans ce siècle,
le paradigme dominant veut que ce soit l'acquis, l'influence de l'environnement,
qui dicte la plus grande partie du comportement humain. Le concept même
de
Robert Wright remet les
pendules à l'heure dans cet essai sur la nouvelle science de la
psychologie évolutionniste. En bref, il s'agit ici de reprendre
la théorie de la sélection naturelle de Darwin qui a surtout
été utilisée pour expliquer l'évolution morphologique
des animaux (les queues de paon, les différents becs d'oiseaux,
etc.) et de l'appliquer au comportement animal, en particulier l'animal
humain.
Tout le monde sait que
Il faut, pour tenter de
répondre aux questions du début, constater de façon
un peu crue une réalité propre à la plupart des espèces
animales: les ovules des femelles sont beaucoup plus rares et précieux
que le sperme des mâles.
Ça peut sembler
idiot, et il faudrait bien plus que quelques paragraphes pour donner une
idée de l'importance absolument primordiale de ce simple fait biologique.
Disons simplement que cette constatation est le point de départ
d'une quantité incroyable d'explications concernant nos rapports
avec notre entourage.
Chaque chapitre de ce livre
est d'un intérêt exceptionnel. La première partie se
concentre sur les questions de sexualité, de rapports amoureux,
de procréation, de famille, etc. Le reste du livre touche des questions
psychologiques et sociales au sens large, dans une optique qui vise toujours
à rattacher les fondements de ce que nous appelons la moralité
à, encore une fois, des stratégies de survie et de reproduction.
Certains se diront peut-être que très peu de gens, aujourd'hui,
se préoccupent de la survie de leur espèce et de la taille
de leur progéniture. Vrai. Mais notre bagage génétique
s'est développé dans les conditions de vie des sociétés
primitives de chasseurs-cueilleurs qui étaient celles de nos ancêtres
jusqu'à très récemment. C'est à ce contexte
que notre comportement (très souvent de façon inconsciente)
est adapté, et là peut-être réside la source
des désordres d'une société moderne que la
La théorie darwinienne
a déjà été utilisée à d'autres
sauces, pas toujours très scientifiques et parfois pour justifier
les pires aspects de la nature humaine plutôt que les meilleurs.
Au tournant du siècle, un darwinisme social en vogue se réjouissait
par exemple du plus haut taux de mortalité chez les pauvres, y voyant
une conséquence naturelle de la survie du plus fort et une condition
pour l'amélioration de l'espèce.
La nouvelle psychologie
darwinienne ne ressemble en rien à ce genre de balivernes extrémistes,
même si le sujet demeure controversé dans les milieux académiques
depuis l'émergence de la sociobiologie dans les années 1970.
Pour ceux que ça inquiète, l'auteur est aussi journaliste
au très progressiste The New Republic.
Cette théorie cherche
plutôt à rétablir un équilibre et ne retombe
pas non plus dans un déterminisme génétique qui serait
à l'opposé du relativisme culturel à la mode. Le livre
est toujours captivant, facile à lire pour les non-initiés
et surtout extrêmement convaincant. Une lecture essentielle pour
quiconque s'intéresse à la nature humaine et veut voir sur
quoi se baseront les sciences sociales et une philosophie plus terre à
terre au XXIe siècle.