(Le Devoir, 7 mai 1994) |
par Martin Masse
|
Dans
sa chronique du 16 avril dernier, Daniel Latouche se demande si démocratie
et nationalisme vont ensemble et si le Québec pourra devenir un
modèle pour le monde sur ce plan. Tout dépend de la façon
dont on définit le concept de nationalisme, qui peut exprimer plusieurs
réalités politiques bien différentes. M. Latouche
ne le fait pas et donne l'impression qu'il faut choisir entre les deux
alternatives qu'il présente, alors qu'elles sont toutes deux défendables.
La démocratie doit-elle
s'incarner à l'intérieur d'un espace collectif possédant
une certaine cohésion pour être vraiment effective? Oui, sûrement,
sinon elle dégénère en simples luttes de pouvoir plus
ou moins stériles et possiblement violentes. On peut qualifier de
Dans son acception péjorative,
le nationalisme est toutefois une idéologie collectiviste qui mythifie
certains aspects d'une réalité sociale donnée, et
qui vise à transformer la réalité pour qu'elle corresponde
à ce mythe. Pas besoin d'un long cours d'histoire du monde pour
savoir que dans ce cas, nationalisme et démocratie ne font pas bon
ménage. Et le nationalisme québécois n'est pas plus
que d'autres à l'abri des dérapages.
Inutile de remonter aux
lubies antisémites et proto-fascistes du chanoine Groulx. Qu'on
se souvienne de la suggestion d'un défenseur de la nation notoire
comme François-Albert Angers, qui proposait de n'accorder le droit
de vote qu'au
Cette proposition carrément
antidémocratique recevait l'appui d'une forte minorité des
militants péquistes. Notre grand poète national
La mode est au respect
des droits. Mais, malgré ce légalisme de façade, il
y a des citoyens qui ont raison de craindre que certains des leurs soient
menacés advenant la séparation du Québec, à
cause des excès du nationalisme.
C'est dans ce même
Parti québécois que des associations de comté ont
déjà proposé de simplement abolir les institutions
anglophones dans un Québec souverain, pour solutionner la question
linguistique. C'est un autre sauveur de la nation - et possible candidat
péquiste dans Borduas -, Guy Bouthilier du Mouvement Québec
français, qui affirme que
Heureusement, les péquistes
Donc, les
Entre eux, les nationalistes
se congratulent du fait que les anglos soient de toute façon
Le nationalisme québécois
ne sera un modèle pour le reste du monde que si l'on trouve une
solution satisfaisante à ce problème des
M. Parizeau croit avoir
fait sa part lorsqu'il a dit:
Le chef péquiste
aime bien aller raconter son boniment en anglais à des auditoires
de Toronto ou de Washington. Pourquoi ne vient-il pas plus souvent ici
même à Montréal s'adresser à 12% de ses compatriotes
qui parlent cette langue?
Un autre geste concret,
et qui aurait sans doute un effet dévastateur sur la défense
fédéraliste, serait de proclamer que le prochain gouvernement
péquiste gardera la nouvelle loi 86 sur la langue votée par
le libéraux.
Le mouvement d'opposition
à cette loi n'a jamais décollé. Contrairement à
ce qu'annonçait la Société Saint-Jean-Baptiste de
Montréal et autres prophètes de malheur, la population ne
s'est pas soulevée et aucune lueur d'apocalypse linguistique ne
s'est pointée à l'horizon depuis son entrée en vigueur.
Cette loi est juste et reflète bien la réalité du
Québec, parce qu'elle assure la présence du français
partout et de façon prépondérante, toute en laissant
la liberté d'utiliser l'anglais à quiconque le désire.
Le PQ devrait aller plus
loin pour véritablement inclure tous les Québécois
dans son projet souverainiste et en finir une fois pour toutes avec sa
vieille rengaine nationaliste anti-anglaise. Il reste quelques mois aux
dirigeants péquistes pour montrer à 750,000 de leurs concitoyens
qu'ils ont vraiment une place dans le pays qu'ils souhaitent construire,
et pour faire mentir ceux qui croient que nationalisme et pluralisme démocratique
sont incompatibles à tout point de vue.
articles précédents de Martin Masse