(Le Devoir, 24 août 1994) |
par Martin Masse
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Ça
me fait toujours rigoler d'entendre les péquistes et les multiples
commentateurs qui partagent leur philosophie interventionniste dénoncer
le
Un laisser-faire qui serait,
selon eux, la source des problèmes économiques que connaît
actuellement le Québec.
Rien n'est pourtant plus
éloigné de la réalité. Comme leur nom l'indique,
les libéraux croient en une version du libéralisme économique,
mais cette version est loin d'être radicale comme celle pratiquée
par exemple en Nouvelle-Zélande ou en Alberta en ce moment.
Le Parti libéral
est en fait simplement plus modéré que le Parti québécois
dans son penchant interventionniste.
Mais les deux se rejoignent
dans la croyance que chaque fois qu'on identifie un problème ou
un manque quelque part, l'État a la responsabilité morale
de venir à la rescousse pour y pallier.
Daniel Johnson a donné le ton avant même le début de
la campagne, lorsqu'il a annoncé une garantie de prêt de 85
millions$ par le gouvernement à Domtar de Lebel-sur-Quévillon,
à l'intérieur d'un plan de relance de 250 millions$ de la
compagnie.
Qu'est-ce-que ça
signifie? Que Domtar a réussi, sur la base des informations disponibles
concernant les risques et les profits potentiels, à convaincre banquiers
et investisseurs de lui prêter un certain montant.
Et qu'elle a ensuite pu
obtenir 85 millions$ de plus grâce à une garantie du gouvernement
que celui-ci assumerait cette partie des pertes si le plan de relance tournait
à l'échec.
Le premier ministre a affirmé
à la télé ce jour-là
Pourtant, M. Johnson et
les fonctionnaires impliqués dans cette transaction ne disposent
d'aucune information que ne possèdent pas aussi les investisseurs
privés sur l'avenir de la compagnie. Si l'affaire est si bonne et
si peu risquée qu'elle mérite 85 millions$ d'investissements
supplémentaires, ces investisseurs sont à même de le
déterminer et d'engager leur argent dans cette entreprise. L'intervention
du gouvernement n'est pas nécessaire.
Si, par contre, l'affaire
est vraiment plus risquée que ne veut l'admettre le premier ministre,
il a alors pris la décision d'engager notre argent dans une aventure
qui n'a pas de rationalité économique. Et si l'affaire tourne
mal, comme elle a par exemple mal tourné chez Hyundai de Bromont,
ce sont les payeurs de taxes qui encaisseront la facture, plutôt
que des investisseurs qui ont pris un risque calculé en toute connaissance
des faits.
Quiconque comprend le fonctionnement
d'une économie de marché et croit vraiment dans les bienfaits
du libéralisme n'aurait jamais pu acquiescer à une telle
intervention étatique.
Les fonds supplémentaires
qu'on est allé chercher pour ce projet ne sortent pas du néant,
il ont été soutirés de l'économie d'une façon
ou d'une autre et ne sont plus disponibles pour une utilisation plus bénéfique.
La donnée de base de tout système économique est que
les ressources sont limitées.
Les politiciens clament
sans cesse qu'ils vont créer tant d'emplois ici avec tel investissement,
tant d'emplois là avec tel programme. Ce qu'ils ne disent pas, c'est
combien d'emplois il détruisent ou empêchent de créer
ailleurs, en détournant des ressources qui seraient utilisées
à meilleur escient si on laissait le marché décider
plus rationnellement de leur affectation.
On pourrait donner des
tas d'autres exemples d'actions et de promesses illibérales faites
par ce gouvernement de soi-disant libéraux.
On prétend pouvoir
aider les PME, les jeunes couples qui achètent une première
maison, les personnes âgées, les agriculteurs, les étrangers
qui veulent investir au Québec, les sans-emploi, les minorités
ethniques, les familles, etc.
Comment donc le gouvernement
peut-il
Chaque fois qu'on crée
un nouveau programme
Bien des problèmes
économiques réels ou inventés disparaîtraient
si on laissait les citoyens et les entreprises s'aider eux-même,
disposer de leurs ressources selon leurs propres besoins et non selon ceux
que des bureaucrates et des politiciens croient mieux percevoir.
L'un des bienfaits de l'indépendance
est qu'elle nous permettrait de nous débarrasser d'une couche de
cette classe parasitaire. Mais Jacques Parizeau ne cesse de nous assurer
qu'il va la recréer en totalité et même lui permettre
d'étendre son emprise - entièrement à partir de Québec
- s'il gagne son référendum.
Quant aux libéraux,
ils promettent un libéralisme timide à Québec, et
le feu vert à leurs grands frères d'Ottawa pour qu'eux puissent
intervenir partout, sous la houlette de Jean Chrétien et au nom
de l'unité canadienne. Un beau dilemme électoral pour les
- vrais - libéraux!