Montréal,  22 janvier 2000  /  No 54
 
 
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Jean-Luc Migué est président du Conseil scientifique de l'Institut économique de Montréal.
 
OPINION
 
MENACÉS PAR LA MONDIALISATION?
 
par Jean-Luc Migué
  
  
          C'est surtout l'agitation des activistes qui a attiré l'attention des médias à Seattle à l'occasion de la ronde de négociations du millénaire de l'Organisation Mondiale du Commerce. Pourtant, aucune des argumentations invoquées par ces trouble-fête contre la libéralisation du commerce ne résiste aux faits ni à l'analyse.
 
          L’un de ces arguments veut que la mondialisation accentue les inégalités entre les riches et les pauvres à l’intérieur de chaque pays. Cette position est contraire à l’opinion presque unanime des analystes. Et il n’est pas sans intérêt de souligner que, faisant fi de tout souci de cohérence, les mêmes activistes s’attaquent à la mondialisation à la fois au nom du progrès des pays pauvres et au nom de la sauvegarde des « jobs » dans les pays industrialisés. Le fait est que le commerce hausse le niveau de vie et des pays riches et des pays pauvres. 
  
Camoufler les véritables enjeux 
  
          De même, en 1999, comme à l’occasion du débat sur l’adhésion du Canada à l’ALÉNA, les activistes ont la prétention de s'instituer les protecteurs de l'environnement et des travailleurs du monde entier. Mais derrière son air de vertu écologique et sociale, cette position ne fait que camoufler le véritable enjeu de l'opération, qui est de hausser le prix des importations venant des pays pauvres au profit des membres des monopoles syndicaux et des écologistes du monde industrialisé. 
   
          Enfin, le sacrifice de souveraineté nationale est présenté par les protectionnistes comme la perte d’autonomie par chacun d’entre nous comme individus consommateurs, épargnants ou producteurs. L’État national dans cette conception incarne une volonté sociale abstraite. Il devient le gardien, l’incarnation du bien-être social. Les finalités qu’il poursuit définissent le bien commun, supérieur au bien des individus qui composent la société.  
 
  
     « Les opposants aux initiatives de l'OMC se composent essentiellement des groupes les plus politisés de la société, qui sont aussi les plus subventionnés et les plus protégés. » 
 
 
          Rien n’est plus éloigné de la réalité. Cet État platonique n’a jamais existé et n’existera jamais. Chaque fois qu’un gouvernement perd du pouvoir par suite de contraintes imposées par le marché mondial, ce prétendu sacrifice se fait non pas au profit des multinationales, qui elles aussi sont soumises aux contraintes de la concurrence accrue, mais plutôt au profit de chacun des individus que nous sommes. 
   
          On comprend ainsi que les opposants aux initiatives de l’OMC, à qui le gouvernement canadien entend conférer un rôle officiel, se composent essentiellement des groupes les plus politisés de la société, qui sont aussi les plus subventionnés et les plus protégés: on y retrouve les représentants des industries culturelles, les porte-parole des Églises organisées, les chefs des monopoles syndicaux, les regroupements de bureaucrates, les intellectuels, les représentants des mouvements écologiques et pacifistes, les nationalistes de tout genre ainsi que les conspirationnistes et anarchistes de tout acabit. 
   
          On aura reconnu ceux qui il y a dix ans faisaient campagne contre le traité de libre-échange Canada-États-Unis et plus récemment contre l’Aléna. En découvrant lucidement que la globalisation les menaces, ces gens confirment par leurs actes que cette évolution se fait à l’avantage du reste d’entre nous. Les ententes de l’OMC ne font que circonscrire l’arbitraire des décisions protectionnistes des gouvernements nationaux. 
  
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