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Montréal, 19 février 2000 / No 56 |
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par
Jean-Luc Migué
Il faut reconnaître au départ que le modèle québécois, associé à la révolution tranquille, n’est ni un modèle, ni exclusivement québécois. Il est en fait la version québécoise de la politisation généralisée de la société qui a marqué les sociétés occidentales dans les 40 dernières années. À l’instar de l’Europe, le Québec n’a que poussé un peu plus loin son engagement dans le collectivisme universel, dans le corporatisme, le dirigisme, l’étatisme. |
L'explosion
des dépenses et des taxes
Concrètement, modèle québécois et révolution tranquille ont voulu dire gonflement de la taille de l’État par l’explosion des dépenses et l’alourdissement consécutif de la fiscalité: la part de l’État de l’activité économique est passée de 27-28% en 1960 à plus de 50% au début des années 90. Spécifiquement, cette poussée s’est traduite par la mise en place d’une gigantesque structure de monopoles publics pour offrir des services d’assurance à 90% de la population qui n’en avait aucun besoin. Le monopole public de l’éducation en est une composante, mais aussi le régime de pension du Canada (et du Québec), le trou noir que constitue l’assurance santé et le régime destructeur d’emplois qu’est l’assurance-chômage, et le faux instrument de planification qu’a été Hydro-Québec. En matière de fiscalité, là où le Canadien moyen verse 86.79$ en taxes de toutes sortes, et l’Ontarien 93,16$, le contribuable québécois est allégé de 100,00$. L’Américain de son côté n’est affligé que d’un fardeau de 76,22$. Il n’y a guère que le Français et l’Italien moyen, de tous les habitants du G-7, qui portent un fardeau plus lourd. Le jour J de l’année où les Québécois cessent de travailler pour les gouvernements tombe le 6 juillet. Les Québécois sont bons derniers au Canada en cette matière depuis 1985. Nous sommes le territoire le plus lourdement taxé d’Amérique du Nord.
Selon l’indice des libertés économiques conçu par le Fraser Institute, la réglementation québécoise impose des coûts économiques égaux à 37,8% du chiffre d’affaires des entreprises; le même ratio ne dépasse pas 24,5% en Ontario. Les énormes pertes issues des réglementations sectorielles généralisées dans l’agriculture, les transports, les communications, etc., ne perdent leur caractère dramatique que lorsqu’on les compare à la succession d’interventions réglementaires et fiscales qui se sont abattues sur la main-d’oeuvre depuis 35 ans. Même la part du secteur public ne mesure que partiellement l’emprise de l’État sur la société. Parmi les étaux qui l’écrasent, il faut en effet compter aussi la multitude des entreprises contrôlées directement par l’État et la Caisse de Dépôt. L’importance des entreprises publiques peut se mesurer par le calcul du ratio entre leur passif et le PIB. Or en 1994, ce ratio s’élevait à 32% au Québec, à 17% en Ontario. En 1981, les chiffres respectifs étaient de 41% et 16%. Les coûts économiques Toutes les taxes exercent des effets dépressifs sur l’économie, parce que toutes affectent de façon négative les incitations des agents économiques à travailler (chômage durable), à épargner, à investir, à prendre des risques (sous-performance des bourses canadiennes) et à innover. On estime qu’au Québec, une augmentation de un dollar du fardeau fiscal entraîne une baisse de 99 cents de la production et donc des revenus de l’économie privée. La relation qui relie croissance et taille de l’État révèle qu’une baisse de 10 points (% du PIB) des taxes s’accompagne d’une hausse approximative de un point (%) de la croissance. Au total, le budget de dépenses publiques explique 42% des variations de croissance entre les pays de l’OCDE. Si donc la part des dépenses gouvernementales dans le revenu national était à 30% comme au début des années soixante, l’économie québécoise réaliserait un taux moyen de croissance d’environ 4% plutôt que du 1-2% observé ces dernières années. Selon certaines estimations, le revenu familial québécois atteindrait presque le double de ce qu’il est présentement, si on avait réservé à l’État la place qu’il occupait en 1960. Relation illustrée au Canada par la prospérité relative de l’Ontario et de l’Alberta; et négativement par le dépérissement du Québec et de la Colombie-Britannique. L’Ontario comptait Et si on remonte un peu dans l’histoire moderne du Québec, on découvre que depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à la fin des années 50, le Québec vivait une croissance forte, parallèle à celle de l’Ontario. Cette poussée de richesses n’a jamais été reproduite depuis. Il est donc vrai que la révolution tranquille a marqué chez nous un tournant de l’évolution économique et sociale, mais un tournant pour le pire. Qu’on mesure le dépérissement par la chute relative des investissements, par l’évolution de la population (baisse précipitée du taux de natalité et faible attraction des immigrants) et de l’emploi, ou par le revenu de ses habitants, le Québec recule relativement à ses partenaires d’Amérique du Nord.
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