Montréal, 18 mars 2000  /  No 58
 
 
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Yvon Dionne est retraité. Économiste de formation, il a travaillé à la Banque du Canada puis pour le gouvernement du Québec. On peut lire ses textes sur sa page personnelle.
 
OPINION
  
LE BUDGET LANDRY:
ENCORE DU PÉTAGE DE BRETELLES
 
par Yvon Dionne
  
  
          Pour avoir suivi des discours du budget depuis environ 25 ans, je me suis habitué à voir les politiciens se faire du capital politique avec l'argent qui ne leur appartient pas. Ces discours, au cours des ans, sont devenus de plus en plus un spectacle pour les gouvernements. C'est à se demander s'ils ne devraient pas être présentés un 25 décembre.
 
Exercice de style  
  
          Sans doute que le ministre des Finances Bernard Landry, le 14 mars, a dû faire de nombreux efforts pour maximiser la portée politique du budget. La préparation d'un budget se prête d'ailleurs, à chaque année, à une parade de quêteux voulant accroître les bénéfices qu'ils reçoivent de l'État. 
  
          Le crédit pour l'excédent budgétaire que le ministre peut redistribuer selon les choix politiques de son gouvernement revient réellement à la croissance économique et aux contribuables. Ses données préliminaires pour l'année qui s'est terminée le 31 mars ne comprennent pas le 840 M $ laissé dans un compte en fiducie; notre petit cachottier a voulu déjouer sa propre loi sur le déficit. Il ne voulait pas appliquer ce montant à la réduction de la dette; son budget du 14 mars ne prévoit d'ailleurs aucune somme pour diminuer l'impact sur les générations futures des services financés par endettement, endettement qui a surtout servi à défrayer les salaires des fonctionnaires de l'État. D'ici 2003, le gouvernement est donc figé sur son objectif de déficit zéro atteint l'an dernier. 
  
          M. Landry alloue 75% des excédents budgétaires anticipés aux dépenses, y compris le remboursement des déficits accumulés des secteurs de l'enseignement et de la santé. Il récompense ainsi, du moins dans une certaine mesure, les établissements qui ont pu être mal gérés. Ce n'est pas en ajoutant continuellement de l'argent dans ces secteurs que l'on va réduire le coût par habitant des services publics, ce coût étant plus élevé au Québec qu'ailleurs sans que l'on obtienne ici des services d'une valeur réelle plus élevée. Au cours des deux prochaines années, les dépenses des opérations courantes augmenteront de plus du triple (2,6 MM $) du montant des revenus autonomes (800 M $). C'est une orientation qui risque de fragiliser davantage les finances publiques du Québec. 
  
  
     « S'il faut parler de "transparence", le ministre devrait montrer le coût, en termes de pertes de revenus fiscaux, de toutes les déductions fiscales et crédits d'impôt. »  
 
 
          Quant aux baisses à l'impôt sur le revenu des particuliers, il n'y a rien là qui permet de pavoiser. Plusieurs mesures sont à retardement et le gouvernement va en reparler dans les deux années à venir. Les syndicats du secteur public sont heureux puisque ces baisses d'impôt valorisent les hausses salariales qu'ils viennent d'obtenir. Ce sont d'ailleurs les seuls gagnants à la fois du côté des revenus et des dépenses. Le ministre n'a même pas retenu l'application de l'indexation à compter de cette année. La non-indexation permet au gouvernement d'accroître automatiquement ses revenus même en l'absence de croissance réelle de l'économie. Le ministre se défend en disant que la baisse des taux étalée sur trois ans est supérieure à l'indexation. 
  
          S'il faut parler de « transparence », le ministre devrait montrer le coût, en termes de pertes de revenus fiscaux, de toutes les déductions fiscales et crédits d'impôt. Plus il y a d'interventionnisme fiscal, plus les taux d'imposition doivent être élevés pour le financer et plus les choix économiques sont biaisés en faveur des préférences du gouvernement. 
  
          Un petit exemple d'interventionnisme fiscal: personne ne va s'opposer à l'octroi d'un crédit d'impôt pour favoriser l'entrée des PME dans le commerce électronique; l'objectif est louable. Mais une question se pose: est-ce que le retard du Québec dans ce domaine est dû à l'absence d'un tel crédit d'impôt par le passé? Réponse: non! Avec l'ajout à chaque année de nouvelles mesures fiscales pour soi-disant favoriser les investissements ou certaines autres dépenses, le régime fiscal du Québec est devenu un labyrinthe réservé aux experts. En somme, le parti voué à l'indépendance du Québec a surtout été celui de la dépendance des Québécois envers l'État. 
 
 
 
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