Aussi bien le préciser tout de suite. S'il y a une chose à
laquelle je tiens par dessus tout c'est bien mon indépendance d'esprit.
Je ne me revendique ni de la droite ni de la gauche. Ceci étant
dit ça ne m'empêche pas de trouver bizarre certaines tendances
actuelles. Dont celle qui fait en sorte que quiconque rappelle un simple
fait ne faisant pas l'affaire d'un milieu donné se voit automatiquement
étiqueté comme néo-conservateur. Les réactions
au dernier livre de Christina Hoff Sommers, The War against Boys,
en sont un bel exemple.
Prenez simplement les réactions suite au dossier que le magazine
Voir lui a consacré. Dans une lettre subséquente du
courrier des lecteurs on pouvait y lire: « Il est ici
question de la diffusion massive d'idées qui séduisent les
Républicains américains, l'Alliance canadienne, le Reform
Party et les intégristes catholiques. » Attendez
ce n'est pas fini: « Même si le journaliste ne
l'a pas signalé, les solutions que préconise Christina Hoff
Sommers dans son livre The War against Boys – la discipline et la
non-mixité dans les écoles – sont les deux mots d'ordre à
la mode dans les milieux conservateurs ».
Imaginez un peu. La discipline devenue soudainement de façon inhérente
une « méchante » valeur de droite. J'imagine
que les étudiants asiatiques que la gauche se targue tant de défendre
sous le couvert de la promotion des minorités réussissent
si bien à l'école parce qu'ils n'ont aucun sens de l'auto-discipline
et qu'ils passent les journées à danser sur leurs pupitres...
Quant à la mixité dans les écoles, les raisons éventuelles
pour ou contre celle-ci doivent certes faire l'objet d'un débat.
Mais comme le souligne Hoff Sommers et d'autres avant elle, est-ce une
raison pour rester aveugle devant toute forme de double standard à
cet égard?: « Pendant ce temps lors de son discours
inaugural en 1994 à titre de présidente du Barnard College
l'anthropologiste Judith Shapiro défendait les institutions non
mixtes pour les femmes parce qu'elles étaient importantes pour l'estime
de soi et pour l'avancement professionnel. Cependant les institutions scolaires
non mixtes pour hommes (les académies militaires par exemple) étaient
vues comme produisant un comportement dégradé. »
(Lionel Tiger, The Decline of Males, 1999).
Quant à ces idées séduisant les soi-disant intégristes
catholiques, je rappellerais simplement que le site du Jewish
World Review a fait trois critiques fort élogieuses de l'ouvrage
de Hoff Sommers et que le magazine Commentary notait pour sa part:
« ce sont maintenant les garçons qui font face
aux plus formidables obstacles. Dans son nouveau livre Christina Hoff Sommers
fait une contribution des plus étendues à ce titre... Mais
tout comme un certain nombre de "social scientists" qui ont souligné
des tendances alarmantes seulement pour être ridiculisés et
rejetés d'abord et pour se voir donner raison ensuite, Christina
Hoff Sommers semble être bien en avance sur son temps. »
Si le magazine Commentary fait droite religieuse chrétienne
dans l'esprit de certains, alors là on a un sérieux problème
de perception.
Des
idées préconçues
Depuis la publication de cet ouvrage, des critiques tant élogieuses
que sévères se sont faites entendre. Or quant à ces
dernières, force est de constater qu'elles touchent principalement
à certaines idées préconçues au sujet des véritables
intentions de l'auteur. Une de celles qui reviennent le plus souvent prétend
que Hoff Sommers fait l'éloge d'une soi-disant « vraie
» masculinité au sens, on le devine, un peu péjoratif
du terme. Comme si l'auteur ne faisait aucune nuance.
À ce chapitre il est intéressant de voir qu'alors que Hoff
Sommers distingue clairement ce dont elle parle, ses détracteurs
n'évoquent pas le passage suivant de son livre: « les
criminologistes distinguent entre l'hypermasculinité (ou masculinité
de protestation) d'une part et la masculinité normale et saine des
jeunes hommes d'autre part. Les jeunes hommes hypermasculins expriment
leur masculinité à travers des comportements anti-sociaux
surtout envers d'autres hommes, mais aussi à travers des agressions
violentes envers les femmes. Les jeunes hommes sains expriment leur masculinité
lors d'activités de compétition souvent physiques. Alors
qu'ils deviennent matures, ils prennent des responsabilités, visent
l'excellence, réalisent des choses et "gagnent". Ils affirment leur
masculinité lors d'activités qui requièrent des habiletés
physiques et intellectuelles ainsi que de l'auto-discipline. Malheureusement
plusieurs éducateurs sont devenus convaincus qu'il y a quelque chose
de vrai dans cette affirmation sans cesse répétée
que la masculinité est en soi la cause de la violence. »
« Les doubles standards et les jugements biaisés existent
bel et bien dans nombre de milieux académiques, qu'ils soient féministes
ou non. Christina Hoff Sommers a raison de s'y attaquer. »
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Une seconde accusation se veut plus subtile. Par une étrange association
d'idées on voudrait nous faire croire que les défenseurs
de Hoff Sommers ou d'une certaine forme de masculinité (chose tabou
s'il en est une aujourd'hui) ne pourraient donc par extension n'être
que de virulents homophobes d'une part, et que d'autre part tout homme
ne se revendiquant pas de Hoff Sommers serait nécessairement, lui,
on ne peut plus heureux d'acquiescer aveuglément à tous les
dogmes professés par le féminisme lesbien.
Mais alors si on accepte que les défenseurs de la masculinité
soient automatiquement de virulents homophobes réactionnaires, que
sont alors les hommes gays? Tout sauf masculins? Dans le cas contraire,
s'ils le sont (et dieu sait que ce milieu en perpétue des stéréotypes
masculins) pourquoi les féministes ne les attaquent-elles pas de
front au lieu de trouver progressiste d'interdire à un enfant de
six ans de courir sous prétexte d'attitude « violente
»? Après tout, comme le dit si bien une autre féministe
avec laquelle nombre de personnes ont de la difficulté à
composer, « seuls les hommes gays préservent
le culte de la masculinité » (Camille Paglia).
Où sont les attaques féministes et féministes lesbiennes
contres les hommes gays alors? Ces mêmes hommes gays aujourd'hui
coupables entre tous de défendre cette « horrible »
chose qu'est la masculinité. Quant on connaît le fort ressort
lesbien ou bisexuel du féminisme académique présent
ou passé (Helen Cixous, Monique Wittig, Adrienne Rich, etc., etc.)
facile de comprendre pourquoi ça pourrait être, disons, un
peu délicat...
Misandrie
et hétérophobie
Une autre accusation commune est celle selon laquelle la popularité
de Hoff Sommers ne serait pas ce qu'elle est sans un indéracinable
fond de misogynie dans nos sociétés. Comme quoi on peut constater
que certains doubles standards se portent toujours bien. Une critique justifiée
des excès du féminisme académique ou des méthodes
d'enseignement inadaptées aux garçons serait nécessairement
misogyne, mais la misandrie et l'hétérophobie qui sont issues
de ce même milieu académique devraient bien sûr être
acceptées à titre de discours non biaisé. Considérez
un peu ceci:
« Décidez de ne pas participer à l'institution
de l'hétérosexualité » (Joyce Trebilcot,
philosophie et études féminines à la Washington University
à St-Louis).
« Les hommes ont créé les idéologies et les
pratiques politiques qui ont continuellement naturalisé l'hétérosexualité
féminine dans chaque culture et ce, depuis l'aube du système
patriarcal » (Marylin Frye, enseignante à la
Michigan State University).
Ce type d'affirmation ne s'arrête pas là. En voici d'ailleurs
une autre excellente rapportée par Daphnai Patai dans son ouvrage
Heterophobia au sujet de certains propos de la lesbienne séparatiste
Sheila Jeffreys: « La révolution sexuelle, soutient
Jeffreys, se fait au détriment des femmes. Le but de la libération
des femmes et particulièrement de la libération des lesbiennes
est la destruction de l'hétérosexualité en tant que
système... Le désir hétérosexuel est l'érotisation
des différences de pouvoir. Loin d'être motivé par
un ressort biologique, le désir hétérosexuel trouve
son origine dans une relation de pouvoir de l'homme envers la femme, bien
qu'elle admet que des différences de pouvoir peuvent aussi exister
dans le cadre de relations entre individus de même sexe. »
Et c'est là où le délire devient encore meilleur:
« Mais là où le sado-masochisme ou les
jeux de rôle se produisent, Jeffreys explique qu'il faut alors parler
de relations... hétérosexuelles »!
Au fait, avez-vous vu les derniers vidéos XXX « hétérosexuels
» à la mode? Trois gars qui baisent ensemble avec séance
de dressage, discipline, costumes militaires et scènes multiples
de domination/soumission... Plus hétéro que ça tu
meurs!
Mieux encore, toujours de l'ineffable Jeffreys qui enseigne à l'UNIVERSITÉ!:
« Les féministes lesbiennes sont un problème
parce qu'elles questionnent la nécessité pour toute femme
d'organiser sa vie autour de l'érotisation de sa propre subordination.
» Mais évidemment celle qui raconte des élucubrations
c'est celle qui publie un livre sur « la guerre contre
les garçons » avec une rigueur intellectuelle
et des recherches documentées alors que celle qui dit des choses
sensées c'est celle qui nous dit que le désir hétérosexuel
est une construction sociale où toutes les femmes ne font que «
jouir » de leur oppression... Au fait une écrasante
majorité d'hommes gays disent que l'homosexualité n'est pas
une construction sociale mais qu'ils sont nés comme ça. Décidément
cette chère Sheila a beaucoup de travail devant elle.
Lesbiennes
féministes radicales
Mais poursuivons un moment sur quelques-unes des autres critiques formulées
à l'endroit de Hoff Sommers. On a dit que tout ça ne faisait
que donner mauvaise presse aux féministes en exagérant l'importance
d'une certaine forme de radicalisme biaisé dans nombre de facultés
universitaires de sciences humaines. Or voudrait-on exagérer ou
inventer certains cas, qu'on ne pourrait même pas faire mieux.
« Il y a plusieurs années, des étudiantes
d'une classe d'art féministe ont couvert des murs d'un campus avec
des feuillets portant la mention: ces hommes sont des violeurs potentiels.
À côté de ceux-ci apparaissaient les noms d'hommes
choisis au hasard à partir du bottin étudiant »
(Cathy Young, Jewish World Review, 10 février 2000).
J'imagine déjà la réaction si un prof d'université
avait décidé dans sa classe d'écrire au hasard le
nom d'étudiantes sous la mention Potential gold diggers...
La journée même on aurait avec raison congédié
cet imbécile. Rappelons ici encore une fois qu'il s'agit là
d'un événement qui s'est produit dans une UNIVERSITÉ.
Considérez maintenant cet autre exemple tiré du Devoir
du 16 mars 1999, qui rapporte les propos de Claudette Gagnon, auteur d'une
thèse sur la réussite selon le sexe: « Plusieurs
se demandent si on doit adapter l'école aux garçons. À
mon avis, dit Claudette Gagnon, on n'arriverait à rien, car ils
ne sont pas victimes du système scolaire mais plutôt de leur
propre culture de sexe. C'est sur cette dernière qu'il faut axer.
» Mieux encore, lors d'une entrevue à l'émission
Le Point (SRC, 21 septembre 1999) elle ajoutait au sujet de l'échec
scolaire des garçons: « l'effort et l'investissement
leur semblent féminins ».
Savoureuse affirmation s'il en est une. Voici maintenant l'absence d'effort
dans un cadre donné (où est le manque d'effort des garçons
dans certaines activités de compétition?) et dans des circonstances
précises, devenue un manque inhérent pouvant être associée
en bloc à un sexe donné.
Imaginez maintenant ceci: Aujourd'hui, 97 % des entreprises de Sillicon
Valley sont fondées et dirigées par des hommes. On se demande
avec raison pourquoi il n'y a pas plus de femmes à Silicon Valley.
Un chercheur masculin se penche alors sur la question pour nous dire que
c'est parce que « pour les femmes (sans nuance importante
en égard au contexte) l'effort et l'investissement leur semblent
masculins ». J'imagine la réaction. On enverrait
promener cet halluciné. Mais dans l'autre sens ce n'est évidemment
que vérité, science infuse et analyse rigoureuse.
Les doubles standards et les jugements biaisés existent bel et bien
dans nombre de milieux académiques, qu'ils soient féministes
ou non. Hoff Sommers a raison de s'y attaquer.
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