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Montréal, 28 octobre 2000 / No 70 |
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par
Brigitte Pellerin
Ça y est, nous voilà encore en pleine campagne électorale. Youppie.
Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais je commence à
trouver cette histoire politique (tous niveaux confondus) de plus en plus
ironique. Même que si je me lâchais lousse, je serais tentée
de traiter l'affaire comme une manifestation un tantinet surréaliste
de notre ambiguïté socioculturelle. [Oooohh, qu'est-ce que
je sonne creux, quand je veux.]
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Le
devoir du citoyen
À en juger par le nombre de fois où l'on est appelés aux urnes, on se croirait au beau milieu d'un véritable délire démocratique. Provincial, municipal, fédéral, scolaire, hospitalier, référendums-à-répétition... un scrutin n'attend pas l'autre. C'est qu'on en décide un coup, nous les citoyens. C'est Rousseau qui doit se retourner dans sa tombe. Mais que décide-t-on, au juste? Certains cyniques pensent qu'on se choisit un dictateur tous les quatre ans (parfois moins, lorsque par exemple on a affaire à un déclencheur précoce – pour reprendre l'expression de Stéphane Laporte dans La Presse de dimanche dernier). D'autres répliquent que bien au contraire, les élections servent un grandiose et noble but: on se choisit des représentants qui iront s'asseoir dans l'immense salle-au-tapis-vert-malade pendant quatre ans, cogitant sans répit les grandes lois qui nous Oui, bon. D'accord, je veux bien. Jouons le jeu et tentons d'accomplir notre soi-disant devoir de citoyen en allant voter comme des grands pour le représentant de notre choix. Pour ce que ça change, anyway. [Ooops, me revoilà aussitôt cynique. Tsk, tsk, suis-je-tu incorrigible.] Seulement cette fois-ci, j'ai une bonne excuse: les représentants eux-mêmes se sont plaints dernièrement, et à grands coups d'articles dans les journaux svp, de ce qu'ils n'avaient pratiquement aucun pouvoir au sein d'un gouvernement où toutes les décisions importantes sont prises par une poignée de gens non élus qui siègent, peinards, au Bureau du Premier Ministre, édifice Langevin (pour ceux qui savent: juste de l'autre côté de la rue, en face du Parlement. Pour l'ironie, alors là, chapeau). Par exemple, les députés Clifford Lincoln du Québec, Reg Alcock du Manitoba, Roger Gallaway de l'Ontario, George Proud de l'Ile-du-Prince-Édouard et quelques autres ont crié à l'aide dans les pages du National Post le mois dernier. Ils demandent au Premier ministre de relâcher quelque peu la discipline de parti qui ignore les talents législatifs qui se gaspillent sur les banquettes arrières et qui transforme les députés en simples
Les pauvres choux. On ne les laisse rien faire, rien décider, tout seuls. Me font penser aux grands flancs mous qui se laissent mener par le bout du nez par leur femme et/ou leur meuman, et qui braillent devant qui veut les entendre qu'on ne les laisse pas vivre leur vie comme ils l'entendent. Leur solution? Demander à la bonne femme de leur donner du lousse. Supplier le pouvoir tyrannique de les laisser libres de faire ce qu'ils veulent. [Allôô?] De détermination et de courage Il y en a qui croient aux miracles, je vous jure. Comme si, du jour au lendemain, on pouvait transformer un tyran en boy scout. Juste parce qu'on lui demande poliment de devenir plus gentil. Whatever. Ce n'est pas avec des prières qu'on se débarrasse d'un(e) dictateur(trice). C'est avec des couilles; ce mélange de détermination et de courage qui n'a malheureusement rien à voir, ou si peu, avec l'anatomie masculine. Nos pauvres députés ont le pouvoir de se débarrasser des limites encombrantes d'une discipline de parti qui les empêche de faire leur job et de nous représenter correctement. Tout ce qu'ils ont à faire, c'est de se lever debout et de dire Ou quelque chose du genre. Avec une majorité serrée comme celle du Parlement qui vient de se faire hara-kiri, il suffit d'une poignée de députés qui se lèvent comme un seul homme et qui défendent leur position pour ébranler l'édifice partisan. Et s'ils le faisaient une fois, une seule, le gouvernement se mettrait à les écouter. Comme par magie. Les chiffes molles peuvent toujours se plaindre d'être sous la domination de quelqu'un d'autre – et supplier l'étrangleur de relâcher l'emprise. Leurs complaintes n'attristent personne puisque, comme le suggérait l'abolitionniste américain Frederick Douglass, les tyrans ne peuvent exercer leurs pouvoirs QUE sur des chiffes molles. Les tyrans s'effondrent de façon tout à fait pathétique dès qu'on leur résiste. Tout ce que ça prend, c'est juste assez de cran pour résister une première fois. Le reste vient pratiquement tout seul. Posez-donc la question au cogneux de portes qui se présenteront chez vous; demandez-leur s'ils pensent avoir assez de couilles pour résister à la ligne de parti. Ça vous donnera au moins une occasion de rigoler en famille.
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