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Montréal, 11 novembre 2000 / No 71 |
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par
Pierre Desrochers
Imaginez une université dont la mission avouée est d'enseigner et de répandre les principes éthiques, légaux et économiques d'une société libre composée d'individus responsables. Imaginez un campus verdoyant dont l'un des principaux bâtiments est la bibliothèque Ludwig von Mise et où tous les étudiants, peu importe leur discipline, sont tenus de suivre deux cours d'économie autrichienne dans l'auditorium F.A. Hayek. |
Un
rêve éveillé me direz-vous? Pas du tout. Une telle
institution existe et j'ai récemment eu l'occasion de la visiter
lors d'un colloque académique sur la propriété intellectuelle.
Il a toutefois fallu que je prenne l'avion jusqu'à Guatemala City.
C'est en effet dans la capitale du Guatemala qu'il y a maintenant près de trente ans un entrepreneur local, Manuel F. Ayau, a décidé de changer la culture politique de son pays en fondant l'Université Francisco Marroquin. Paradoxalement, M. Ayau s'est inspiré des méthodes des Fabians, un mouvement socialiste qui avait entrepris à la fin du dix-neuvième siècle de remodeler le paysage politique britannique, notamment par la création de la London School of Economics. M. Ayau, qui avait participé à la fondation d'un think tank deux décennies plus tôt, a fondé son université avec les moyens du bord en 1972. Je peux aujourd'hui témoigner que son institution n'a pas grand-chose à envier à la plupart des petites universités d'élite nord-américaines et a même des allures de grand luxe lorsqu'on la compare aux universités françaises. Les bâtiments sont fonctionnels et l'on y observe aucun graffiti. Les ordinateurs sont récents, l'équipement audio-visuel adéquat et la bibliothèque contient plus d'ouvrages libertariens que la plupart des institutions réputées d'Amérique du nord. Fonder une université vouée à la promotion de la liberté est une chose me direz-vous, mais produire des gradués en demande par les entreprises du pays en est une autre. Là encore, l'Université Francisco Marroquin semble avoir relevé le défi de façon admirable. Plusieurs entreprises n'examinent en effet que les dossiers de candidats diplômés de Marroquin. Et ce n'est certes pas parce que les universités publiques du pays manquent de ressources, bien au contraire, car la constitution du pays (rédigée en bonne partie par des professeurs d'université) leur assure une portion notable du budget national. Le problème des universités publiques guatémaltèques est plutôt qu'elles ressemblent à bien des égards aux cégeps québécois des années soixante-dix décrits dans un monologue de Rock et Belles Oreilles (Ma huitième année au cégep, 1972): elles sont gratuites, les standards y sont extrêmement faibles et un étudiant peut recommencer ses cours aussi souvent qu'il le souhaite. Une bonne partie d'entre eux s'y attardent donc souvent près d'une dizaine d'années. De plus, les facultés de sciences sociales et les associations étudiantes y sont contrôlées par des groupes marxisants. Le Guatémala compte également deux autres universités privées, mais elles ne jouissent pas d'un prestige comparable à Marroquin. S'il est vrai qu'au fil des années Marroquin a attiré la crème des étudiants guatémaltèques qui ne va pas poursuivre ses études à l'étranger, il est faux de croire que cette institution ne vise que la clientèle privilégiée du pays. En fait, même si les frais de scolarité y sont plus élevés qu'ailleurs, aucun étudiant méritant n'y est refusé car nombre de prêts sont disponibles. Tout n'est évidemment pas parfait à Marroquin. La charge d'enseignement des professeurs est très élevée et leurs salaires sont faibles, même à l'échelle du Guatémala. La plupart d'entre eux doivent donc arrondir leurs fins de mois de diverses façons et n'ont pas le temps d'effectuer de la recherche académique. La capitale du Guatémala est de plus un endroit dangereux où les soldats armés et les garde du corps pullulent (les restaurants respectables affichent tous le même écriteau à l'entrée:
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