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Montréal, 25 novembre 2000 / No 72 |
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par
Martin Masse
Au moment d'écrire ces lignes, la saga judiciaire autour du recomptage des votes se poursuit en Floride et il semble que l'équipe démocrate prendra tous les moyens à sa disposition pour réussir son coup d'État par tribunaux interposés. La légitimité constitutionnelle est toutefois du côté de George W. Bush et il est probable que ce soit lui qui prête serment en janvier prochain. Au contraire du monstre étatiste Al Gore, un être dont toutes les fibres semblent vibrer à la seule idée d'exercer le pouvoir et d'imposer sa vision d'un monde parfait à ses concitoyens, Bush est un homme conscient des limites de la nature humaine, y compris les siennes. Sa sensibilité conservatrice le rend plus sceptique devant les solutions interventionnistes et centralisatrices qui font rouler la machine bureaucratique à Washington. Sa victoire changera-t-elle toutefois vraiment quelque chose? |
Si on se replace dans la perspective plus large de la politique américaine
au XXe siècle, un contrôle de la Maison blanche et des deux
chambres du Congrès par les républicains constituerait une
rupture, en surface à tout le moins. Il s'agirait en effet d'une
première depuis l'élection de 1952(1).
Dwight Eisenhower, élu cette année-là, n'avait d'ailleurs
pas pu profiter bien longtemps de sa lune de miel avec la branche législative.
Les démocrates revenaient en force dès les élections
de mi-mandat en 1954, pour conserver la majorité à la Chambre
des représentants jusqu'à ce que Newt Gingrich et son Conserver l'incohérence On a tendance à l'oublier à cause du discours alarmiste des journalistes et commentateurs gauchistes qui nous mettent constamment en garde contre la Le Parti républicain est loin d'avoir été un parti C'est Barry Goldwater, sénateur à la sensibilité très libertarienne de l'Arizona, qui a le premier redonné un nouveau souffle à l'aile conservatrice du parti lors de sa victoire aux primaires républicaines de 1964, victoire malheureusement suivi d'une défaite retentissante à l'élection de l'automne. Quatre ans plus tard, Richard Nixon a repris la présidence pour les républicains mais a lui aussi gouverné au centre-gauche et son administration a sombré dans les scandales que l'on connaît. Ronald Reagan a sans doute été le premier président sincèrement en faveur du libre marché à occuper la Maison blanche depuis Calvin Coolidge à la fin des années 1920. Les importantes réductions d'impôts qu'il a réussi à faire adopter ont enclenché la période de prospérité dont nous profitons encore aujourd'hui. Mais Reagan a dû composer avec un Congrès dominé par les démocrates et opposé à des réformes majeures dans le sens d'une réduction de l'interventionnisme étatique. Pratiquement aucun programme ou département bureaucratique n'a été aboli pendant les huit années de sa présidence. Outre la déréglementation de quelques secteurs industriels et une politique étrangère de confrontation qui a sans doute accéléré l'effondrement des régimes communistes d'Europe de l'Est, on n'observe pas de réduction de la taille de l'État fédéral sous sa gouverne. La croisade stupide contre la drogue qu'il a entreprise a par ailleurs contribué à un effritement encore plus important des libertés individuelles. George Bush père passera probablement à l'histoire comme le président qui a renié sa promesse de ne pas augmenter les taxes après avoir dit Quant à la soi-disant Pleutres et opportunistes Bref, il n'y a pas eu de George W. Bush a fait campagne avec le slogan de
Il a par exemple mis de l'avant un projet de réforme de la Sécurité sociale (le programme de pension publique pour les retraités) qui permettrait aux travailleurs qui le souhaitent d'investir une partie des taxes qui leur sont soutirées dans des espèces de régimes d'épargne privés. Ce programme instauré par Roosevelt il y a 65 ans est menacé de faillite d'ici quelques décennies si on ne trouve pas de nouvelles façon de le financer. La réforme proposée est un pas dans la bonne direction, mais pourquoi ne pas imiter le Chili et carrément proposer une privatisation plus complète? Bush suggère également de promouvoir la compétition entre les écoles et l'établissement de programmes de bons (ou Sur la base de ce qu'on sait aujourd'hui, il serait donc difficile de prédire des réformes radicales au cours des prochaines années. Le nouveau président a toutefois promis moins d'intervention de l'État dans l'économie ainsi que des réductions d'impôt substantielles et, sur ce plan, on peut espérer qu'il ne suivra pas l'exemple de son père en reniant sa parole. C'est sans doute ce qui aura le plus d'impact pour nous, au Canada. Comme elles l'ont fait au début des années 1980, ces baisses d'impôt donneront un élan supplémentaire à la productivité et à la croissance de l'économie américaine. Ottawa n'aura pas le choix de suivre cet exemple pour que nous demeurions compétitifs. Dans un monde où les libertés économiques restent l'exception (voir LA RICHESSE DES NATIONS LIBRES, le QL, no 71), la prospérité américaine sera également la preuve la plus claire de la supériorité du libéralisme pour les gouvernements et les populations du monde entier. Des raisons d'être optimiste D'autres considérations permettent d'être optimiste à plus long terme. George W. Bush s'oppose à un contrôle accru des armes à feu ainsi qu'aux programmes de De façon plus cruciale, Bush pourrait, au cours de son mandat, avoir l'occasion de nommer jusqu'à quatre des neuf juges de la Cour suprême dont on prédit la démission au cours des prochaines années. Il a répété à plusieurs reprises au cours de la campagne que son choix se portera alors sur des magistrats qui partagent une interprétation stricte et conservatrice de la Constitution. Depuis les nominations de Roosevelt au cours de son deuxième mandat dans les années 1930 Cette situation a été partiellement renversée ces dernières années avec la nomination de juges conservateurs par Reagan et Bush. Si Bush fils devaient nommer d'autres magistrats de la trempe des Antonin Scalia et Clarence Thomas, comme il l'a laissé entendre, les conséquences pourraient être énormes et affecter la politique américaine pour des décennies à venir. Déclin, renaissance Les étatistes ont mis plus de 150 ans à créer le Léviathan qui domine aujourd'hui à Washington. Même si la république américaine a été conçue à l'origine comme un rempart contre la tyrannie gouvernementale et celle des majorités démocratiques, ce sont eux qui ont le mieux profité de ce régime jusqu'ici. S'il faut en croire l'historien Arthur A. Ekirch Jr. (The Decline of American Liberalism, Longmans, 1955 – le titre réfère bien sûr au libéralisme dans son sens classique), les droits individuels commencèrent à s'effriter dans la nouvelle république dès les premières décennies suivant la révolution. La guerre de Sécession de 1861-1865 a vu la première période intensive de centralisation fédérale. Puis, pendant les cent années qui ont suivi, les vagues de centralisation, de bureaucratisation, d'interventionnisme et de socialisation se sont succédé. C'est vrai, pour la première fois depuis trois quarts de siècle, des républicains plus ou moins conservateurs contrôleront peut-être la présidence et les deux chambres du Congrès. Des gouverneurs républicains sont à la tête de 29 des 50 États de l'Union. Des juges relativement conservateurs formeront peut-être bientôt la majorité à la Cour suprême. Qui plus est, les mouvements conservateurs et libertariens n'ont jamais été aussi actifs et influents intellectuellement qu'aujourd'hui en Amérique du Nord. La philosophie du libre marché, marginalisée et décriée par toute l'élite intellectuelle, politique et même d'affaires il y a quarante ans, est maintenant incontournable. M. Ekirch, décédé il y a un an à un âge avancé, a-t-il raté de peu le début de la renaissance du libéralisme américain? Un système politique aussi stable et fractionné que celui des États-Unis ne se transformera pas du jour au lendemain, même avec des réformateurs à sa tête. Si cette élection a permis d'éviter le pire – une administration entièrement démocrate dirigée par ce fou socialiste et écologiste qu'est Al Gore – il est toutefois beaucoup trop tôt pour prédire que le balancier est clairement sur son retour et penchera dorénavant vers moins d'État et plus de liberté.
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