Montréal, 25 novembre 2000  /  No 72
 
 
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LE
DÉFERLEMENT
DE L'ÉTAT
  
Les dépenses publiques au Canada, en pourcentage du PIB:
   
1926           15%  
   
1948           21%  
   
1966          30%  
   
1995         46%  
   
(Source: Statistique Canada) 
  
  
  
  
  
MOT POUR MOT
  
LA RÉVOLTE DES BANLIEUES
 
 
           Comparant le degré de liberté dont jouissaient les Canadiens et les Français, un observateur d'ici écrivait il y a plus de cent ans que « Les libertés communales ne coulent pas à pleins bords en France comme chez nous. Partout l'autorité de Paris se fait sentir; c'est du bureau du ministre de l'intérieur que part l'impulsion donnée au préfet, chef du département, qui la communique au maire de la dernière commune. [...] Il n'y a pas encore bien longtemps, les maires étaient nommés par le ministre de l'intérieur. On a décentralisé dans une faible mesure, mais qu'il y a loin de là à notre liberté municipale! » (voir LIBERTÉS ANGLO-AMÉRICAINES VS LIBERTÉS FRANÇAISES, le QL, no 66) 
  
          Ce temps est bel et bien révolu et le jacobinisme français a complété sa traversée de l'océan pour faire son nid à l'Assemblée provinciale. Notre « liberté municipale » vient de foutre le camp avec le dépôt par la ministre Louise Harel d'un projet de loi visant la disparition de dizaines de municipalités de banlieue et la consolidation des régions métropolitaines en mégavilles. Sur l'Île de Montréal, ce sont 28 municipalités qui seront fusionnées à la Ville de Montréal, un monstre bureaucratique déjà trop gros, endetté, mal administré et sur lequel les citadins n'ont aucun contrôle.  
  
          La filiation française est plus que symbolique. Comme la Révolution française, notre « révolution tranquille » a essentiellement été un exercice d'étatisation et de centralisation du pouvoir (voir LA RÉVOLUTION FRANÇAISE AU QUÉBEC: DU REJET À L'ACCEPTATION, le QL, no 66). Lucien Bouchard l'a clairement exprimé: « Le Québec est en train de compléter la Révolution tranquille en faisant en sorte que le morcellement des pouvoirs cesse, qu'il y ait de l'harmonie dans nos municipalités, qu'on se donne un moyen d'intervenir massivement dans l'économie internationale, qu'on puisse faire créer de l'équité fiscale dans nos villes » (La Presse, 20 novembre 2000). Dorénavant, le pouvoir sera encore plus concentré dans les main d'un tyran à Québec au lieu d'être dispersé le plus près possible du peuple.  
  
          Plusieurs groupes font la lutte au gouvernement péquiste pour faire échec à ce projet. Les sites de Non aux fusions et de DémocraCité offrent de l'information et des suggestions pour faire pression sur les politiciens. Nous reproduisons ci-dessous un extrait de l'allocution du maire de Ville Saint-Laurent en banlieue de Montréal lors de sa conférence de presse du 16 novembre 2000, qui explique bien le point de vue des opposants. 
 
 
 ALLOCUTION DU MAIRE DE SAINT-LAURENT
  
 
Mesdames, 
Messieurs, 
Membres de la presse, 
Distingués invités, 
 
          Le gouvernement du Québec vient de déposer son Projet de Loi sur la réorganisation municipale concernant notamment la région métropolitaine de Montréal. Malheureusement, nos pires craintes ont été confirmées: ce projet de loi est antidémocratique, inutile et même nocif pour les populations concernées. 
 
          Pire encore, le gouvernement du Québec agit dans la précipitation et l'improvisation, aggravant ainsi le caractère foncièrement antidémocratique de sa démarche. Cette réforme imposée par le gouvernement constitue une véritable agression contre la démocratie et les principes les plus élémentaires de la souveraineté populaire. C'est très grave et c'est pourquoi Saint-Laurent est en deuil. 
  
          (...) 
  
          Pourquoi est-ce aussi grave? Le projet gouvernemental est fondamentalement nocif. Il prévoit plusieurs dispositions qui sont inutiles ou inadaptées à Saint-Laurent et le résultat net, c'est que ça va tuer notre dynamisme. Ce dynamisme qui nous a justement permis de nous développer et devenir ainsi la deuxième ville industrielle au Québec. Les impacts négatifs du projet gouvernemental sont nombreux:  
  • Il enlève la motivation des citoyens et responsables locaux;
  • Il dilue l'imputabilité essentielle à une prise en charge locale des responsabilités;
  • Il génère des coûts élevés sans valeur ajoutée;
  • Il bureaucratise inutilement les décisions importantes pour le milieu;
  • Il décourage la performance et le développement;
  • Il détourne l'argent des contribuables québécois dans des structures au lieu des services à la population;
  • Il nuit à l'émulation intermunicipale;
  • Il brise les mécanismes de concertation volontaire;
  • Il augmente les taxes aux citoyens;
  • Il provoque le mécontentement des personnes et des organisations concernées;
  • Il fait fi de l'identité et du sentiment d'appartenance des citoyens par des fusions forcées sous le couvert de « regroupements ».
          La liste est longue et nous n'avons pas eu le choix de conclure que la réforme municipale du gouvernement du Québec… ça n'a pas de bon sens!  
  
          (...) 
  
          Le gouvernement n'a pas fait la démonstration de la nécessité ou du besoin de chambarder ce qui va bien. Il n'a pas fait non plus la démonstration que ça va améliorer quoi que soit ou corriger certains problèmes; problèmes d'ailleurs dont nous ne sommes pas convaincus de l'urgence ou de la gravité. Le gouvernement ne nous a pas non plus convaincus que les solutions proposées allaient apporter davantage aux citoyens. 
 
          La démarche est d'autant plus antidémocratique que les impacts financiers de cette réforme ont été cachés à la population concernée. Aucune étude d'impact n'a été rendue publique. Le citoyen a été informé seulement cette semaine qu'il devra probablement payer des hausses de taxes et ce pendant plusieurs années. C'est rien pour le rassurer, bien au contraire. 
 
          Il aurait été nettement préférable et plus productif de partir sur des bases solides, en prenant appui sur les acquis et une réelle solidarité régionale. Voici quelques avenues qui seraient nettement préférable au projet antidémocratique du gouvernement. 
 
          S'appuyer sur les instances supramunicipales volontaires déjà en place et en élargir le mandat et les responsabilités si nécessaire. Saint-Laurent est d'accord pour renforcer, améliorer ou accroître les mécanismes de concertation supramunicipale, avec une représentation équitable des conseils municipaux. 
 
          Déléguer volontairement une tâche ou une activité au niveau supramunicipal, s'il s'agit là d'un bénéfice pour la population et après consultation des citoyens.  
 
          Poursuivre et renforcer les efforts en cours qui ont permis la renaissance économique de la région de Montréal; bref, s'inspirer des modèles de réussite plutôt que de détruire ce qui existe déjà. 
 
          Effectuer une étude objective des coûts/bénéfices/inconvénients en rapport avec la fiscalité pour les entreprises et les résidants dans chaque ville de l'île de Montréal, avec une évaluation des équipements/infrastructures des villes centres dont bénéficient l'ensemble de la communauté régionale. Basé sur les résultats de cette étude, Saint-Laurent s'engage à contribuer sa juste part en fonction des services dont bénéficient ses citoyens. 
 
          Subordonner l'aménagement urbain local au plan d'aménagement de l'ensemble de l'île de Montréal, défini par un organisme supramunicipal sur lequel siègent des représentants des conseils municipaux. 
 
          Garder le niveau décisionnel le plus proche possible de l'action ou du milieu concerné afin de maintenir et améliorer la qualité des services à la population. 
 
          Les villes se sont déjà mises d'accord sur un certain nombre de choses et des formes de collaboration. Les ententes intermunicipales se font quand même, malgré ce que peut penser le gouvernement. 
 
          Les villes de taille plus humaine favorisent une gestion plus serrées et plus proche des citoyens. Saint-Laurent a d'ailleurs démontré sa capacité à fournir des services de première ligne qui fonctionnent bien. Peut-on en dire autant des villes centre… 
 
          En conclusion, il n'est pas nécessaire de faire disparaître des villes qui sont déjà en mesure de livrer des services adaptés aux besoins de leur population. 
 
          La réforme municipale du gouvernement a été et demeure une démarche erratique et douteuse. 
 
          Comme de nombreux autres maires, je déplore l'imprécision des intentions du gouvernement et ce depuis le début. 
 
          Le gouvernement n'a jamais su répondre clairement à cette question: En quoi son projet de réforme procurera des bénéfices tangibles aux citoyens compte tenu des coûts importants qui en résulteront? Tout cela était imprécis dès le début et le demeure encore avec le projet de loi. 
 
          En outre, qui a demandé une réforme de cette nature, inspirée par des mandarins et des technocrates? Certainement pas les citoyens, ni les élus, ni les milieux d'affaires, ni les travailleurs. 
 
          Enfin, où est l'urgence? Le gouvernement agit dans la précipitation et l'improvisation, mettant ainsi en péril les bases même de notre démocratie. Pour faire respecter les droits et les intérêts de ses citoyens, Saint-Laurent prendra tous les moyens que la démocratie met à disposition et utilisera toutes les tribunes disponibles, qu'elles soient locales, nationales ou internationales, afin de faire entendre raison au gouvernement du Québec. 
 
 
Le maire, 
Dr Bernard Paquet 
 
 
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