Ce n'est pas en nommant Michel Clair à la Santé, comme le
veut une rumeur, que la contrainte budgétaire va être levée
magiquement. C'est François Legault qui déclarait le 25 janvier
que « les choix sont irréconciliables entre les
baisses d'impôt, la santé et l'éducation »;
lui bien sûr donne la priorité à l'éducation.
Médecine
soviétisée
La plupart des commentateurs ont louangé les recommandations de
la commission, sauf celle de « l'assurance vieillesse
» (qui n'est en fin de compte qu'une nouvelle taxe servant
à constituer un fonds pour financer des dépenses déjà
en partie assumées par le système public). La commission
a redécouvert les vertus de la prévention, du médecin
de famille et des cliniques privées – qu'elle propose toutefois
d'étatiser dans leur fonctionnement en les soumettant aux directives
de la régie régionale, pour ce qui est des cliniques de médecins,
ou de l'hôpital dans le cas des cliniques de spécialistes!
Mais la commission est totalement passée à côté
du problème de fond du système public. C'est ce que n'ont
pas vu certains éditorialistes qui sont tombés en extase
devant quelques arbres mais qui ont perdu de vue la forêt. C'est
un régime où il y a une séparation presque totale
entre les besoins, leur financement, et finalement les décisions
prises pour satisfaire ces besoins selon les ressources disponibles. Ce
système tant choyé, inspiré dit le rapport par des
« valeurs fondamentales de solidarité, d'équité
et de compassion », ne peut changer que suite à
des études, des recommandations, des directives! Il ne peut s'adapter
de lui-même. Des années s'écouleront et le gouvernement
décidera de lancer une autre commission d'étude...
Dans un régime étatisé les problèmes de production
sont toujours associés à un manque de planification.
Donc pour préserver le régime (ses défenseurs ne sont
pas nécessairement désintéressés...) les scribouillards
qui vivent des taxes recommandent une meilleure et davantage de planification!
Ce sont les planificateurs, dans cette médecine soviétisée,
qui évaluent les besoins et décident comment les satisfaire
(ou ne pas les satisfaire).
« De par sa nature même, la production étatisée
ne réagit pas automatiquement à la demande. Tous les acteurs
de la santé, les médecins, infirmières, etc., sont
devenus des fonctionnaires et n'ont pour ainsi dire aucun pouvoir décisionnel.
»
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C'est ce qu'a fait la Commission Clair. Face à la montée
incontrôlable des coûts qui prendront une part de plus en plus
importante du budget du gouvernement, la commission admet enfin que les
services devront être rationnés. Ils le sont d'ailleurs depuis
longtemps malgré les fameux principes de la loi fédérale
sur la santé. Et qui dit rationnement, dit « choix
de société »... (i.e., des choix faits
pour vous, mais non par vous).
Captivité
vs choix
La commission ne pouvait accepter d'offrir à la population le choix
d'un régime privé (associé dans son esprit à
un « régime à deux vitesses »)
et sa 23e recommandation demande la formation d'un comité qui va
décider de la couverture des soins, de l'adoption ou du rejet de
nouvelles technologies médicales et des nouveaux médicaments;
pour les services non couverts par le régime public parce que trop
coûteux, vous devrez vous exiler aux États-Unis. «
L'État a la responsabilité de mettre en place les
mécanismes décisionnels permettant de faire de tels choix.
» (p. 6). Ou encore: « Dans le domaine
de la santé, les grands choix sont une responsabilité clairement
politique. » (p. 135). La Commission Clair parle de
l'État comme s'il s'agissait d'un être à part, ayant
sa vie propre, une sorte de Big Brother veillant au bien de tous.
La commission a bien beau claironner que « l'argent
doit suivre le client », à peu près rien
n'est proposé pour qu'il en soit ainsi en pratique. En fait, le
seul choix qu'aura le client, c'est celui de son médecin à
qui il sera d'ailleurs lié dorénavant par un contrat pour
une certaine période! Le régime public rend complexe ce
qui en soi est très simple: la satisfaction du client. Dans
un régime concurrentiel, de marché, si le client est insatisfait
il achète un autre produit. Mais avec le « système
» de « solidarité, équité
et compassion » (les bonnes intentions justifient le
larron) le client est captif.
Prenons l'exemple des soins dits de « première
ligne »: pourquoi le régime public ne s'est-il
pas adapté naturellement à ces besoins? Tout simplement parce
que de par sa nature même, la production étatisée ne
réagit pas automatiquement à la demande. Tous les acteurs
de la santé, les médecins, infirmières, etc., sont
devenus des fonctionnaires et n'ont pour ainsi dire aucun pouvoir décisionnel.
Pour que l'argent suive réellement le client, pour que l'offre de
services s'ajuste à la demande et que l'on puisse enfin connaître
et comparer les coûts, il faudrait instaurer une formule de facturation
aux individus des services rendus (pour qu'ils en voient au moins le coût),
qu'ils soient remboursés par une assurance publique (couverture
de base) ou privée et que ces services soient produits par un établissement
public ou privé (au choix du client). La Commission Clair parle
de performance; un régime concurrentiel, qui permet de comparer
et de choisir, est une condition sine qua non pour cette intention
ne reste pas lettre morte.
Entre-temps, le ministère de la Santé va probablement créer
un comité d'examen pour chacune des 36 recommandations et des 59
propositions de la Commission Clair! C'est de cette façon que les
bureaucraties se créent du travail. Quand on nous parle de «
valeurs de compassion », on peut penser à
ces mots de Pascal Bruckner dans L'Euphorie perpétuelle (Éditions
Grasset, 2000): « Méfions-nous des charognards
du malheur ».
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