Montréal, 17 février 2001  /  No 77
 
 
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Brigitte Pellerin est apprentie-philosophe iconoclaste, diplômée en droit et en musique. Elle prépare un essai sur la liberté de ne pas s'associer en contexte de relations de travail syndiquées et travaille à son premier roman.
 
BILLET
  
LES VOIES DU VALENTIN SONT IMPÉNÉTRABLES
 
par Brigitte Pellerin
  
  
          Ah, l'amour, dites-vous en terminant de digérer vos chocolats fourrés aux cerises de Laura Secord. Qu'est-ce que c'est beau. Surtout quand c'est compliqué. Surtout quand il faut faire des pieds et des mains pour l'obtenir. 
 
          J'ai bien rigolé samedi dernier en lisant Saturday Night, ce magazine inséré dans le National Post, édition du week-end. On y parlait, Saint-Valentin oblige, d'un magasinage un peu particulier: la recherche transatlantique de la femme parfaite.
 
Décalage amour 
  
          L'article parlait d'une compagnie appelée A Foreign Affair (une affaire étrangère) qui recrute des milliers de femmes un peu partout dans le monde, place leur photo sur internet, et organise des voyages pour hommes seuls attirés par la promesse d'une femme gentille, aimante, reconnaissante et, surtout, prête à marier (pour les curieux, allez jeter un coup d'oeil sur www.loveme.com). 
 
          C'est surprenant de réaliser à quel point les gens sont prêts à faire des détours incroyables pour mettre la patte sur ce qu'ils pourraient sans doute trouver au restaurant du coin si seulement ils cherchaient avec les yeux en face des trous. 
 
          Mais bon, c'est ça le libre marché: besoin = service. Que l'on trouve le besoin un peu gnagnan n'empêchera pas les âmes en peine de dépenser tous leurs sous (en plus de se taper des décalages horaires impossibles) pour aller vérifier si l'herbe ne serait pas un peu plus verte à l'autre bout du monde.  
 
          Ce qui m'amène, en toute logique, à vous parler du dernier voyage d'Équipe Canada en Chine. 
 
          Imaginez-vous donc qu'une fois rendus en Chine, les politiciens fédéraux s'entendent à merveille avec leurs cousins provinciaux. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est Jean Chrétien, en première page de La Presse de lundi. Équipe Canada, y affirmait-il, peut certainement être vue comme un modèle de coopération dans la fédération canadienne parce que tous les premiers ministres de toutes les provinces travaillent ensemble. 
 
          Ah, l'amour, disais-je. Que c'est donc beau. Un proche collaborateur de Lucien Bouchard en a même rajouté: « On travaille fort avec nos entrepreneurs, mais aussi avec le fédéral, et ça va très bien. C'est payant à la longue et nous croyons beaucoup à la formule d'Équipe Canada. » 
 
          On aura tout vu. Les mecs séparatistes croient à une formule canadienne. 
 
Décalage horreur 
  
          Ça doit être quelque chose dans les nouilles, sûrement. Bernard Landry, lui, resté bien sagement à la maison, continue de s'empêtrer les guibolles dans les mêmes rengaines pleurnichardes et hautement prévisibles auxquelles le PQ nous a habitués. C'est GRAVE, disait-il le week-end dernier à une centaine de partisans rassemblés à Laval, de gagner la moitié des médailles aux Jeux de Lillehammer et de ne jamais voir le mot « Québec » ou le fleurdelisé affiché publiquement. 
 
          (J'ai beau me gratter le coco, je n'arrive pas à comprendre ce que les vieilles histoires olympiques viennent faire dans le décor.) 
 
  
     « C'est rassurant de savoir que les histoires d'amour entre le PQ et Jean Chrétien ne dureront que le temps d'une mission. Ça m'inquiète un peu, de les voir ainsi se taper dans le dos en rigolant à la ronde. Trop étrange, me dis-je. » 
 
 
          Toujours est-il que c'est rassurant de savoir que les histoires d'amour entre le PQ et Jean Chrétien ne dureront que le temps d'une mission. Ça m'inquiète un peu, de les voir ainsi se taper dans le dos en rigolant à la ronde. Trop étrange, me dis-je. Sans doute préparent-ils quelque chose. Et chaque fois que les politiciens nous présentent quelque chose de nouveau, ça coûte toujours très cher.   
 
          C'est vrai, quoi. C'est bizarre de les voir s'auto-congratuler comme ça à la minute où ils se retrouvent tous ensemble coincés dans le même hôtel dans un pays étranger. Vous ne trouvez pas? 
 
          Pierre Pettigrew, ministre fédéral du Commerce international, croit savoir pourquoi Québec et Ottawa s'entendent mieux à l'étranger qu'au Canada: « Plus on est loin du Canada, dit-il, plus on se sent Canadien. » 
 
          Ah bon, ça explique tout... 
 
 
 
 
          Changeant complètement de sujet, il y avait dans La Presse de lundi un autre article qui m'est tombé dans l'oeil jusqu'aux omoplates. On y causait, en page B1, de ces hommes âgés qui refusent systématiquement d'aller chez le médecin pour de simples examens (lire: ces messieurs refusent d'aller déranger le docteur quand ils ne sont pas malades.)  
 
          Et les bons docteurs de se creuser la tête pour trouver une façon d'attirer les hommes dans leurs cabinets. Pourquoi cela? Parce que, dit-on, ce qui peut sembler n'être qu'une habitude fâcheuse de vieux mononcles grincheux cache en fait – tenez-vous bien – un « grave problème de santé publique. »    
 
          Si, si. Un problème de santé publique. Parce que leur refus entêté de se faire taponner inutilement contribue à la hausse de la mortalité, rapport à l'absence de dépistage des maladies cardiaques, du cancer, etc. 
 
          Ça me dépasse. Dans la vie, on naît tout petit, on grandit, on vieillit, puis on meurt. Les personnes âgées sont censées mourir un jour; en général, elles le font avant les jeunes. La mortalité est une affaire NORMALE, nom d'un petit bonhomme. C'est la fausse sensation d'immortalité (chirurgies plastiques, hormones, et tout le bazar génétique) qui ne l'est pas. 
 
          Croyez-le ou non, il existe encore des gens qui, à choisir, préfèrent vivre leur vie comme ça leur chante – sans pilules, avec un p'tit gin ou un demi-paquet de cigarettes par jour – quitte à trépasser quelques années plus tôt que leurs voisins. Il existe encore des gens qui croient que c'est plus important d'être heureux pendant 72 ans et de claquer d'un coup plutôt que de végéter en serre pendant 77 misérables années. 
 
          Ces gens-là existent. Je sais, j'en fais partie. Les traiter de « problème de santé publique » ne les fera pas changer d'avis. Fichez-nous la paix, bordel. 
 
 
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