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Montréal, 14 avril 2001 / No 81 |
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par
Pierre Desrochers
L'une des choses que j'apprécie le plus de l'Université Johns Hopkins est le nombre remarquable d'invités de marque qui, chaque semestre, visitent les murs de l'institution. J'étais particulièrement curieux la semaine dernière d'aller observer de près l'un des plus respectables prophètes de malheur de la mouvance écologiste américaine, le professeur David Pimentel de l'Université Cornell. |
Vision
déformée
Comme je m'y attendais, le spécialiste de l'écologie des insectes ravageurs s'accroche toujours à divers scénarios apocalyptiques. En résumé, tout va mal et ne peut qu'empirer, car aucune avancée technique n'est exempte de conséquences catastrophiques. Pimentel dénonce ainsi le fait que près de On pourrait donc croire que le bon docteur jugerait les combustibles fossiles un moindre mal, mais ce serait une grave erreur. Selon Pimentel, les combustibles fossiles contribuent à l'émission de CO2 et au réchauffement de la planète. Le CO2 et le réchauffement de la planète – s'il existe vraiment – ne sont-ils pas bénéfiques pour accroître la production de végétaux et autrement moins dommageables qu'un possible refroidissement? Que non, car ils contribuent à la propagation de fléaux comme la malaria qui tuent chaque année des millions d'individus. Mais ne disposons-nous pas d'insecticides efficaces et peu coûteux, tel que le DDT, pour combattre de tels fléaux? Erreur. Les pesticides ne sont pas une solution, car ils sont annuellement responsables de 26 millions d'empoisonnement, dont
Et pourtant, l'évaluation de l'impact du progrès technique sur la condition humaine faite par Pimentel et d'autres alarmistes est contredite par toutes les données historiques que nous possédons ainsi que par plusieurs études contemporaines sérieuses, comme le démontre admirablement bien l'économiste Thomas R. De Gregori, l'un des membres fondateurs de l'American Council on Science and Health, dans son ouvrage Agriculture and Modern Technology: A Defense qui paraîtra sous peu. En fait, peu importe l'indice démographique (espérance de vie, mortalité infantile, etc.) ou économique (production alimentaire, énergétique, etc.) que l'on consulte, presque tout va en s'améliorant(1). De mieux en mieux Il est évidemment impossible dans le cadre de cette chronique d'examiner le détail de l'argumentation de Pimentel et de ses disciples. On peut toutefois considérer le cas de la croissance démographique. Si les propos des opposants au progrès technique étaient fondés, on devrait observer une augmentation dramatique du taux de mortalité. Il n'en est toutefois rien, car la population du globe a bondi de 1,65 milliards au début du siècle à plus de 6 milliards aujourd'hui. Ce qui est particulièrement remarquable, c'est que la croissance démographique du dernier siècle s'explique d'abord et avant tout par une réduction considérable de la mortalité et non pas par une hausse sans précédent de la fécondité. Pour dire les choses de façon plus colorée, la population du globe a augmenté considérablement non pas parce que les êtres humains se sont reproduits comme des lapins, mais bien plutôt parce qu'ils ont cessé de mourir comme des mouches! De plus l'espérance de vie moyenne dans le monde, qui était de 30 ans en 1900, est aujourd'hui de plus de 63 ans, et tous les indicateurs confirment que la population du globe est en meilleure santé qu'elle ne l'a jamais été! Et ceci, encore une fois, est attribuable au progrès technique qui a notamment permis à un nombre toujours croissant d'individus de consommer une eau de meilleure qualité, ainsi que de la viande et des végétaux sans parasites et mieux conservés. Il est vrai que certains êtres humains sont moins bien nourris que d'autres, mais cela s'explique bien davantage par les politiques socialisantes de leur gouvernement que par les retombées néfastes du progrès technique. Le rêve de certains écologistes de renoncer au progrès technique au profit d'un mode de vie plus bucolique s'inspire encore une fois d'une vision déformée du quotidien de nos ancêtres. J'espère qu'un jour les historiens qui produisent les manuels de nos étudiants jugeront ces données irréfutables sur l'amélioration des conditions de vie de la population du Québec et du reste du globe suffisamment dignes d'intérêt pour leur faire un peu plus de place entre les Troubles de 1837 et la Révolution Tranquille.
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