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Montréal, 14 avril 2001 / No 81 |
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par
Gilles Guénette
La fièvre des sommets s'est emparée de la Belle Province depuis quelques semaines. Il ne se passe plus une journée sans que les médias fassent abondamment état du fameux Sommet des Amériques qui aura lieu du 20 au 22 avril à Québec. D'un côté, nos politiciens (toutes allégeances confondues) qui s'accusent de tout et de rien, de l'autre, des militants quasi professionnels qui travaillent sur ce qui pourrait bien s'avérer être le show télévisé de l'année. Tout ce branle-bas de combat et ce gaspillage d'énergie (et de fric) pour deux toutes petites journées de discussion à guichets fermés. C'est à se demander pourquoi les chefs d'État n'optent pas pour la vidéo-conférence! |
Pour
une bonne cause
Sur place, parmi les squeegees, les pro-pauvres et les anarchistes, il y aura bien entendu des artistes – ils ont déjà ressorti leur vieux succès Non à la mondialisation pour l'occasion. Le 5 avril dernier, une trentaine d'entre eux partageaient une scène à Montréal pour ce qu'ils appelaient la Plusieurs événements artistiques à saveur contestataire sont prévus avant, pendant et après (pour reprendre une formule désormais populaire) l'événement. Un Turn it on again
Tous les ingrédients sont présents:
Comme si tout le marché québécois ne tenait qu'à une série de mesures coercitives renforcées par un État nationaliste et paranoïaque. Que leur simple retrait modifierait à tout jamais nos habitudes de consommation, faisant de nous des êtres enclin à ne consommer que des produits étrangers. Envisager un tel scénario, c'est avoir une bien piètre opinion de ses concitoyens. Les consommateurs qui achètent Boulay ou Gratton ne le font pas parce qu'ils y sont forcés par un quelconque alinéa législatif. Les téléspectateurs qui suivent Fortier sur TVA ou Enjeux à Radio-Canada ne se mettront pas tout d'un coup à ne regarder que des soaps américains sous prétexte qu'ils sont moins coûteux à produire. De même, les entrepreneurs québécois (qui sont présentement payer par l'État pour produire de la culture) ne se mettront pas à investir massivement dans des productions américaines ou dans des traductions de productions américaines sous prétexte qu'il n'y a plus rien qui ne les en empêche et que ça leur coûte moins cher. Les diffuseurs ne cesseront pas de programmer des produits québécois parce qu'ils ou leurs conseillers pensent que les gens préféreraient des produits américains. La demande se mesure. Elle existe malgré eux. Et si le marché réclame des produits québécois, la meilleure chose à faire c'est de lui en donner. Pas besoin d'un décret pour ça. La culture québécoise ne disparaîtra pas même si on la soumet aux règles économiques d'une éventuelle Zone de libre-échange des Amériques (ou du monde entier). Ceux qui le prétendent – les politiciens, lobbyistes, manifestants professionnels et artistes/fonctionnaires qui sans programmes d'aide feraient autre chose de leur dix doigts – vivent trop souvent de la culture sans être artistes. Ils ont intérêt à ce que les choses ne changent pas; il s'agit là de leur gagne-pain. Comme le regretté cinéaste Jean-Claude Lauzon disait, au Québec les rares qui vivent vraiment de l'art sont soit fonctionnaires, soit secrétaires d'un des nombreux organismes culturels. Ce sont généralement eux qui font le plus de bruit lorsqu'il est question de revoir les règles de financement de l'art. Gageons que certains d'entre eux se retrouveront sur la ligne de feu lors du Sommet de Québec.
Beaucoup d'encre a coulé depuis qu'une partie de la liste noire de Robert Lepage a été mise à jour (bien malgré lui) à la fin mars. Pour ceux qui auraient passé les dernières semaines sous une roche quelque part, le scandale a éclaté lorsque trois journalistes de la région montréalaise – Luc Boulanger, responsable de la section théâtre de l'hebdo Voir, Stéphane Baillargeon, journaliste culturel au Devoir, et Robert Lévesque du Ici et de la radio de Radio-Canada – se sont vus interdire l'accès à une conférence de presse présentée par l'homme de théâtre dans le cadre d'un des nombreux festivals de la métropole. Pressé de s'expliquer, Robert Lepage s'est contenté de dire qu'il n'avait de compte à rendre à personne et qu'il pouvait bien faire ce qui lui plaisait... « C'est un leurre. Rien n'est plus faux, a répliqué Franco Nuovo du Journal de Montréal. Monsieur Lepage n'a que des comptes à rendre parce que monsieur Lepage est subventionné jusqu'à l'os ». En fait, dans un contexte de libre marché,
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