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Montréal, 28 avril 2001 / No 82 |
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par
Gilles Guénette
Les critiques et commentateurs médiatico-artistiques ne sont jamais à court d'idées lorsque vient le temps d'expliquer le manque de popularité du cinéma québécois. Ils pointent tantôt vers un manque de fonds alloués aux campagnes de promotion, tantôt vers une mauvaise coordination dans les sorties de films. Mais l'argument le plus souvent évoqué est sans aucun doute celui qui veut que nos écrans soient dominés par les productions américaines. Cette |
Dominant/dominé
Plus de 80% des films projetés en salles ici sont américains. Cette statistique refait toujours surface lorsqu'on tente d'expliquer pourquoi tel ou tel film n'attire pas autant de public qu'il le devrait. Pour les apôtres du complot contre la culture autre qu'américaine, notre cinématographie n'a aucune chance de s'épanouir et/ou de faire ses preuves ici à cause de sa position de dominée. Ainsi, nos films sont condamnés à l'impopularité parce qu'ils ne sont pas projetés sur des périodes assez longues ou dans suffisamment de salles. Dans un monde parfait, ces films tiendraient l'affiche des semaines durant dans des salles équipées à la fine pointe de la technologie dispersées aux quatre coins de la province et les cinéphiles en redemanderaient toujours plus. Mais ce monde parfait n'existe pas. Et c'est la faute des Américains, nous dit-on.
Il y a bel et bien une
Des films comme The Matrix, The Full Monty ou Les Visiteurs, Elvis Gratton II: Miracle à Memphis de Pierre Falardeau, La vie après l'amour de Gabriel Pelletier ou Les boys I et II de Louis Saia ont tous dominé les écrans à leur façon au Québec. Ils ont battu des records d'assistance et fait des profits! Certains ont même détrôné des mégaproductions américaines comme Star Wars: Episode 1 – The Phantom Menace à leur sortie. Ce sont toutes des comédies. La vie après l'amour et Les boys II ont été projetés sur une soixantaine d'écrans dans la grande région métropolitaine. Elvis Gratton II: Miracle à Memphis sur près d'une centaine (on peut imaginer qu'ils étaient aussi présents dans tous les mégaplexes de toutes les régions de la province). Une domination qui en vaut bien une autre! Les films (toutes nationalités confondues) qui fracassent des records au box office sont des films d'action, des comédies et des drames. Si le Québec n'a pas de tradition de films d'action ou de drames, ce n'est pas de la faute des Américains. Nos cinéastes sont trop occupés à réaliser des fictions atmosphérico-existentialistes pour paumés branchés du Plateau qui répondent d'abord aux goûts des bureaucrates qui les approuvent. Inutile de dire que ceux-ci sont loin d'être représentatifs des goûts de la population en général. Une privatisation du secteur cinématographique québécois ne pourrait qu'améliorer la situation – et ne provoquerait pas nécessairement une spécialisation dans le cinéma commercial et la grosse comédie grand-public. Nos cinéastes, au lieu de réaliser des films qui répondent aux goûts de quelques fonctionnaires de l'art déconnectés du vrai monde, seraient forcés d'en faire qui répondent un peu plus aux goûts d'un public de cinéphiles. En attendant, plutôt que d'expliquer le manque de popularité du cinéma québécois par de vastes complots mondiaux visant à nous exterminer ou des cas patents de concurrence déloyale the american way, nos cinéastes et leurs amis critiques/commentateurs feraient mieux d'assumer leurs choix artistiques. Si tous ce beau monde ne veut que du cinéma d'auteur, qu'il se le paie et qu'il en accepte la visibilité. Parlant de cinéma et d'Américains, une cinquantaine de comédiens membres du Syndicat des artistes/fonctionnaires du Québec ont manifesté dernièrement devant un mégaplexe du centre-ville pour protester contre la décision de Columbia de faire doubler ses films en France. Sous le thème Mais les membres de l'Union sont si détachés de la réalité du marché que leur second réflexe (après la manif) n'est pas de faire en sorte qu'ils soient plus compétitifs en matière de coûts de doublage – ou de réclamer de la France qu'elle retire sa loi obligeant les majors à doubler en Europe tous les films destinés à ses salles –, leur second réflexe est... de réclamer une nouvelle loi.
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