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Montréal, 9 juin 2001 / No 84 |
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par
Hervé Duray
Les fumeurs sont dans l'oeil du cyclone depuis quelques années, et les cigarettiers avec eux. L'État veut les voir arrêter de fumer pour les uns et arrêter de produire pour les autres. Lois discriminatoires, amendes, restrictions, taxes, etc. Toutes les formes d'interventions gouvernementales y passent. Et les libertés trépassent. Les arguments de l'État interventionniste en matière de tabagisme répondent à plusieurs logiques et forment un tout complémentaire. Mais chaque argument, aussi solidement ficelé soit-il, présente des failles et il existe à chaque fois des solutions moins coûteuses, aussi bien en monnaie qu'en libertés. |
Le
coût de la répression
Le premier argument défendu est le suivant: Les fumeurs, tant qu'ils s'adonnent à leur vice, n'ont en aucun cas à subir les conséquences de leurs actes. Et quand ils sont malades, que la mort les guette, les conséquences financières leurs sont épargnées. Les non-fumeurs deviennent malgré eux les bons samaritains, et après s'être faits emmerder par les fumeurs les voilà qu'ils volent à leur secours, par impôts interposés. Peut-être prendrez-vous la défense des fumeurs en disant: Pourtant, le problème de ce Mais pour les fumeurs l'aubaine est grande: ils ont la garantie d'avoir des soins gratuits en cas de problème. Alors au lieu de chercher à empêcher les fumeurs de vicier l'air qu'ils respirent (ah, quel bonheur l'air doublement pollué), il faudrait penser à privatiser l'appareil de santé. Les comptables macabres (mais un comptable saurait-il être gai?) ne nous renverront ainsi plus leur chiffres inhumains, où l'utilité d'un groupe se réduit au bilan des entrées et sorties dans les comptes de l'État. Cachez cette cigarette... Un deuxième argument heureusement peu mis en avant concerne la moralité de fumer. Fumer serait en soi une activité immorale, condamnable, un vice, et l'État devrait réduire les vices de Cet argument est à manier avec une extrême prudence, car il rejoint une logique conservatrice prohibitionniste basique: ce qui est mal doit être poursuivi en tant que tel, même s'il n'existe pas de dommages à autrui. C'est cette logique qui pousse l'association Famille de France à demander la classification d'un film en Les seules limites à un tel raisonnement sont celles de la propre La morale ne peut être le résultat que des choix individuels. Sous la contrainte, cette notion disparaît. Comme le disait récemment Christian Michel: D'autre part, les compagnies de tabac, par leur marketing habile, pousseraient à essayer les produits nocifs, puis pris au piège de l'addiction, les fumeurs ne pourraient plus sortir du piège tendu.
Pourtant, j'ai un mal fou à croire que le marketing des cigarettiers puisse avoir un effet si important sur les nouveaux fumeurs. Exploiter la crédulité des consommateurs en présentant des images de cow-boys galopant dans les grands espaces américains, voilà qui me semble un peu facile comme raccourci pour déresponsabiliser les fumeurs. Ignorance Zéro Tout le monde sait les ravages du tabac sur l'organisme, et nous Français avons tous vu vers l'âge de 10/12 ans des photos de poumons noircis par le goudron. Nous ne pouvons invoquer l'ignorance face au tabac. La motivation pour essayer vient d'ailleurs: l'entourage, le style que l'on veut se donner, parfois on fume pour maigrir (en vain), ou pour se déstresser. Parfois aussi, les films deviennent vecteurs de publicités camouflées: je leur souhaite d'être détectées, et que les films soient boycottés. Si cela ne choque personne, à quoi bon interdire ce type de publicité? Quelles que soient les addictions pourtant, il vient un moment où certains fumeurs souhaitent s'arrêter, volontairement. Et il existe bien des solutions au tabagisme: patchs, médicaments, acupuncture... L'élément clé du succès de réussite du traitement réside dans une volonté réelle d'arrêter de fumer. Les autres? Ils continuent. Ils ne manifestent pas la volonté d'arrêter... sauf dans les sondages peut être! Plus sérieux est l'argument du tabagisme passif, et ses 3000 victimes (dixit France Infos) par an. Voilà qui est pour le moins intéressant: des victimes à l'évidence non consentantes, innocentes, de quoi justifier l'intervention de l'État n'est-ce pas? Eh bien non. Les lieux soi-disant Le problème ne vient donc pas d'un manque de réglementation, mais tout simplement de respect de la propriété privée, ou d'un choix des propriétaires des lieux. Les directeurs de discothèques et de restaurants ont beaucoup de fumeurs dans leur clientèle? Ils laisseront fumer dans leurs locaux. Je conviens volontiers que cela soit dégoûtant, aussi bien qu'insécure, ou carrément gênant comme dans un restaurant, mais c'est le fait. La solution étatique oppose la propriété privée à la nécessaire protection des 3000 victimes. Moi j'oppose ma non-présence dans les lieux enfumés. Désolé, cette salle est enfumée, trouvez-moi une table où je puisse humer la nourriture, sans quoi je pars. Aujourd'hui, il se trouve que personne n'exploite le créneau fumeur/non-fumeur comme outil marketing. Dommage! Il viendra bien un jour où des non-fumeurs préféreront tel lieu à tel autre, et des entrepreneurs leurs donneront raison. Mais que la loi vienne à prohiber la cigarette partout, y compris des lieux privés, et ce mécanisme naturel ne pourra voir le jour. Il n'y aura alors que des victimes: les fumeurs privés de leur vice, les propriétaires floués de leurs biens, les non-fumeurs aussi, nouveaux fascistes de la propreté totale. Raisonnement fumeux Les défenseurs de l'intervention de l'État ne s'arrêtent pas là dans leur argumentaire. Il est souvent opposé à la liberté le principe de précaution, ou d'autres termes fumeux et mal définis. Pour la cigarette, c'est pareil: il faut protéger les citoyens malgré eux. On voit ici toute la perversité du raisonnement. Il faudrait en fait Je vois déjà d'ici venir la taxe à la calorie dans les supermarchés au motif que les vendeurs de soda produisent des enfants obèses, que le McDo confirme la tendance à l'adolescence, et qu'ensuite les cassoulets en boîte mettent le point final à la courbe de poids quand l'adolescent est devenu étudiant. Ceci n'est pas possible. Enfin, si, étatiquement parlant, c'est possible. Mais imaginez donc la bêtise d'une telle solution. Il y a quelques semaines de cela une commission parlementaire rendait un rapport alarmiste sur la consommation de sel en France (trop élevée). Vous n'y trouvez rien d'absurde? Je vais vous donner une grille de lecture pour ce genre d'arguments: ils ne servent qu'à créer des commissions, des observatoires et des instituts. Ils ne servent qu'à alimenter la croissance de l'État. Seules les personnes concernées peuvent prendre soin de leur santé, pas une circulaire ministérielle. Et puis que ferez-vous de ceux qui ne veulent pas arrêter de fumer, quels que soient les dangers? Car il en restera toujours... Voilà, je pense avoir fait le tour de l'argumentaire étatique contre le tabac, les fumeurs, les compagnies productrices, etc. Maintenant je vais m'attacher à montrer comment les solutions que je propose apportent un réel bénéfice à tous, aussi bien en termes de liberté qu'en termes d'efficacité. Solution privée La liberté ne peut se séparer de son pendant, la responsabilité. Les fléaux du tabac sont en grande partie causés par cette dichotomie surréaliste: les fumeurs ne supportent pas les conséquences financières de leurs actes. Pour les inciter à s'arrêter avant qu'il ne soit trop tard, rien ne vaut un bon avant-goût de cette déroute financière: il faut privatiser l'assurance santé, et les primes s'ajusteront en conséquence pour les fumeurs. Ils présentent un risque 20x plus élevé de cancer du poumon? Prends ça dans ta prime. Cancer du colon x12? Et encore ça en plus dans la prime. Ce sera autant d'arguments en moins pour les partisans de l'intervention, et à coup sûr cette méthode aurait l'avantage de responsabiliser les fumeurs. Peut-être cela les amènerait à réfléchir un peu sur la réalité de leur geste: vous détruisez votre santé, messieurs et mesdames les fumeurs. La prise en charge par les assureurs privés aurait un autre avantage auquel on pense peu: les compagnies d'assurance confrontées à des cohortes de fumeurs chercheraient à limiter les dégâts. Les compagnies s'associeraient à des programmes de sevrage, proposeraient des services d'aides spécialisés, ou les financeraient. Les incitations financières pour les compagnies d'assurance sont ici immenses: contrairement à l'individu qui voit sa prime augmenter, mais peut-être pas de manière démesurée, les assureurs vont être confrontés à des milliards de francs de dépenses. Les campagnes d'avertissement contre le tabagisme, les recherches sur les cures antitabac prendront alors une nouvelle ampleur. Contrairement aux programmes gouvernementaux de quelques dizaines ou centaines de millions de francs, les nouveaux programmes auront certainement plus d'efficacité: les compagnies privées payent réellement les dépenses, alors que l'État ne fait que déplacer des ressources prises par la force. Faisons confiance à l'initiative privée, et rendons la responsabilité de leurs actes à ceux qui les commettent. Plaider l'ignorance des fumeurs n'est pas possible, et même si les cigarettiers utilisent des artifices pour vendre du rêve au lieu du poison, personne ne saurait être dupe. Quant aux lois sur le tabagisme passif, loin de protéger les non-fumeurs, elles ouvrent de nouveaux conflits, passant outre le droit de propriété. Alors, puisqu'il existe des solutions au tabagisme, pourquoi ne pas les appliquer dès maintenant? Parce que la raison d'être de l'État c'est d'appliquer ses pouvoirs de coercition, et que les hommes politiques en vivent. Espérons que certains soient plus lucides que d'autres. Il en va de la vie de beaucoup.
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