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Montréal, 7 juillet 2001 / No 85 |
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par
Jean-Luc Migué
Notre régime de santé socialisée repose sur un certain nombre de préjugés intenables. L'un de ces postulats pose que le traitement médical revêt un caractère strictement professionnel et scientifique. Dans cette vision, le patient souffrirait d'une ignorance à peu près intégrale de ses besoins. Il serait incapable de faire des choix éclairés et n'aurait qu'à s'en remettre intégralement à la discrétion du médecin et en général des offreurs de services. Il importerait donc d'exclure toute considération financière de son jugement. La tarification des services de santé serait une erreur analytique. Le marché n'aurait pas de place dans ce secteur. |
Dans ce modèle naïf, l'industrie de la santé se doublerait
d'une deuxième caractéristique: la nature scientifique et
immuable du diagnostic et du traitement approprié. La question à
poser en matière de traitement médical ne serait que scientifique.
La procédure à suivre dans le traitement est-elle exempte
de danger et effective? Si oui, elle deviendrait
L'énoncé le plus net et le plus récent de ce schéma
Tarification et comportement des patients-consommateurs
Or l'analyse et l'observation quantitative établissent une réalité
diamétralement contraire à cette évaluation des faits
et des comportements. Les incitations qui s'exercent sur les patients et
sur les offreurs de services comptent. L'observation confirme aussi que,
comme en tout autre domaine, les consommateurs ne sont pas ignorants des
questions médicales qui les concernent. D'autre part l'incertitude
qui préside au choix du traitement exclut le traitement standard
unique et incontournable. Nombres de décisions impliquent des préférences
personnelles. L'industrie de la santé possède les caractéristiques
d'un marché qui fonctionne.
C'est une enquête exhaustive de Rand Corporation qui a définitivement établi il y a quelques années que la gratuité suscitait une demande excessive et inefficace de services. Grâce au suivi de deux échantillons de milliers de patients, l'un soumis à la tarification et l'autre doté de la gratuité intégrale, la Rand a pu démontrer que le groupe soumis à un tarif réduisait sa consommation de 45% relativement à l'autre (de 67% pour les visites médicales, de 30% pour les inscriptions à l'hôpital). Une hausse de un pour cent des déboursés s'accompagne d'une baisse de 0,2 pour cent de la consommation. La dimension significative de cette enquête est que l'impact de la baisse de services sur les patients tarifés était nulle. Ce qui démontre que la baisse de consommation aujourd'hui ne suscite pas la hausse des coûts à long terme, en un mot que les gens responsabilisés savent, mieux que l'appareil politico-bureaucratique, mesurer leurs besoins de services de santé. Les études du ministère de la Santé américain confirment également que les personnes âgées jouissant de l'assurance publique Medicare et qui s'assurent en même temps (par ce qu'on désigne comme le Medigap) pour couvrir la franchise et les frais supplémentaires, dépensent 28% de plus en frais médicaux qu'elles ne feraient autrement. Succès d'une innovation institutionnelle: le managed care Le caractère déterminant des considérations matérielles est aussi établi par le succès phénoménal de ce qu'on a qualifié de plus grande innovation institutionnelle médicale du XXe siècle (le managed care dont les HMO ne constituent qu'une variante). Avant l'implantation de cette formule, aucun décideur n'avait intérêt à limiter les dépenses. Les patients savaient qu'ils n'auraient pratiquement rien à débourser pour leur visite chez le docteur, ou pour leur admission à l'hôpital. Les médecins de leur côté y trouvaient leur compte à multiplier les tests et à engager des sommes énormes pour des améliorations négligeables de la santé des gens. Les compagnies d'assurance héritaient d'une fonction: assumer passivement les frais. Pour être parvenu à intégrer dans une même démarche la production de services et l'assurance santé, le managed care a réussi à freiner les dépenses de santé. C'est en filtrant certains traitements ou certaines références aux spécialistes (gatekeeping) par l'estimation du coût/bénéfice que l'institution réalise son objectif. Mais c'est aussi en substituant progressivement la capitation ou la participation au profit à la rémunération à l'acte que ce nouvel aménagement contribue à susciter des économies. On découvre que ce régime réalise des économies variant de 10 à 40% relativement aux plans d'assurances traditionnels, et qu'il le fait sans compromettre la qualité des soins (David Dranove, The Economic Evolution of American Health Care, Princeton, 2000). Pas étonnant que la formule ait été importée dans de nombreux pays d'Asie et d'Europe de l'Est. Une menace pèse toutefois sur cette institution aux États-Unis, la Rémunération et comportement du médecin et des infirmières Le médecin pas plus que le reste d'entre nous n'obéit aux seules considérations professionnelles. Le régime de rémunération unique imposé aux médecins par le régime centralisé n'est pas de nature à atténuer la tentation des patients d'abuser du système. La même enquête Rand révélait que, dans les organisations de managed care qui prévoient la rémunération fixe des médecins, le budget de dépenses de santé par patient baisse de 28% relativement au régime de rémunération à l'acte. Le nombre d'admissions à l'hôpital et de jours d'hospitalisation diminue de 40%. Et sans impact notable sur la santé respective des patients de chacun des régimes. En général, le nombre d'actes médicaux est proportionnel au nombre de médecins dans un milieu. Le souci matériel est aussi à l 'origine de la détérioration incessante du personnel infirmier. Ce seraient les femmes les plus talentueuses et les plus vouées à la profession qui auraient délaissé le secteur de la santé, ces dernières années. Avec le mouvement de
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