La
confusion des termes
Plus surprenant pour une association « apolitique »,
un grand nombre d'hommes politiques y sont tout à fait régulièrement
inscrits et invités. J'y reviendrai. Le tout est mené par
Bernard Cassen, directeur général du fameux «
Monde
Diplo » (docus?), la Pravda
à la française.
L'ennemi de ce rassemblement? La mondialisation, Grand Satan de ces nouveaux
ayatollahs. Bernard Cassen a donné en juin dernier les grandes lignes
de l'organisation, dans un texte
relayé par de nombreux journaux, y compris le « Figarose
».
D'abord, il y a sa définition de la mondialisation: la «
corporate-led globalization ».
Notez au passage l'anglais, qui ici en France est la langue de l'ennemi
nord-américain qui refuse nos fromages et notre vache folle. Que
lui reproche-t-il donc? Et bien tout simplement d'être «
impulsée par les transnationales et les marchés financiers,
et à leur seul profit ». Au passage vous me direz
si vous n'avez pas trouvé profit à avoir une [insérez
votre marque de véhicule] dans votre garage plutôt qu'une
marque locale. Si tant est qu'il existe une marque locale (je pense ici
à nos amis québécois). Et vos Nike aux pieds? Je n'en
dis pas plus, cette « globalization »,
nous la vivons tous très bien, et le profit est déjà
partagé.
À noter aussi ce croustillant: « Les politiques
néolibérales, promettant un avenir aussi "radieux" que celles
menées autrefois par l'ex-"socialisme réel" ».
Faut-il croire que le sort réservé aux peuples libérés
ne fut pas si gai que cela? Bernard Cassen renierait-il certains de ses
engagements passés? Sait-il qu'au sein d'ATTAC beaucoup sont aussi
au Parti Communiste et à la Ligue Communiste Révolutionnaire?
Ou alors peut-être croit-il que les « libéraux
» dont il a si peur vont à leur tour construire des
murs? Beaucoup d'interrogations sans réponses. Reste l'inversion
des valeurs, l'assimilation du libéralisme à son contraire.
Et puis, comme d'habitude, dans le brouillard intellectuel l'amalgame est
fait entre crise des systèmes étatiques et de marché
libre: il confond la crise asiatique avec celle d'un marché. Comme
si les prêts du FMI depuis des décennies avaient quoi que
ce soit à voir avec un quelconque marché. La liberté
d'échanger devient même une « liberté
liberticide »!
Comme les futurs militants d'ATTAC ne sont pas tous motivés par
l'amour indéfectible des pauvres, mais par leur propre enrichissement,
voilà qu'il faut convaincre la clientèle possible d'ATTAC
que l'échange n'est pas non plus profitable à nous autres.
Difficile exercice car comme je le disais au-dessus, il suffit de regarder
autour de soi pour voir le triomphe du libre-échange. Mais il y
a là un piège différent: échanger permettrait
à certains de s'enrichir plus que d'autres! Quel maheur, des I-N-É-G-A-L-I-T-É-S!
Des
débats faussés
Faut-il croire qu'ATTAC renonce à ramener la prospérité
à la population? Tout de même pas: quelques statistiques hâtivement
interprétées, comme par exemple celle des 2 millions de personnes
en prison aux É.-U., reflet de l'efficacité de la police
américaine à appliquer des lois prohibitionnistes sur les
drogues, qui se transforme en « chômage camouflé
». Mais même ainsi modifié, le taux de chômage
des États-Unis resterait toujours bien en dessous de la moyenne
européenne (9%). Voilà de quoi convaincre les crédules
que la liberté économique n'est pas le chemin à prendre
pour assurer la prospérité.
Plus on lit les documents d'ATTAC,
plus on est certain que Le Grand Fléau va tous nous précipiter
dans l'abîme. ATTAC ne veut pas redonner à l'économie
un « visage humain », comme autrefois
on a pu entendre le « socialisme à visage humain
». ATTAC veut aller plus loin. Pour cela une entreprise de
« changement des esprits, cette désintoxication
nécessaire » est en marche, et leur université
d'été en est le point d'orgue.
Au menu de cette « université », sise dans
la Chambre de commerce d'Arles: « De la monnaie à
la Bourse et à l'emprise financière »,
« De l'emprise financière aux licenciements de
convenance », « De l'emprise internationale
du capital à la condition féminine dans le monde »,
ou encore « l'économie solidaire: illusion ou
voie d'avenir », « Le clonage ou
la marchandisation du vivant », « La
criminalité financière et les paradis fiscaux ».
« ATTAC ne veut pas redonner à l'économie un "visage
humain", comme autrefois on a pu entendre le "socialisme à visage
humain". ATTAC veut aller plus loin. » |
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Les interrogations des militants sont le reflet de ces débats faussés,
où toute considération envers la liberté est définitivement
abandonnée: « Avec l'appropriation des médias
par les grands monopoles, comment préserver ses enfants des méfaits
de la pensée unique? » La personne qui a écrit
ceci doit ignorer les abonnements qui font vivre Le Monde, Le
Figaro, et toutes les publicités des Conseils Régionaux
dans les journaux locaux. Et puis quid des 3 chaînes publiques
sur 6 chaînes hertziennes? Pire encore: « Quand
je pousse mon Caddy dans un hyper, quels moyens ai-je de peser sur les
pratiques néfastes de la grande distribution? »
Mais personne ne vous force. C'est un choix que d'aller dans un supermarché
plutôt que dans des magasins « solidaires »
ou « bios ». Car ils existent! C'est un de ces
« miracles » de l'écologie économique
que de pourvoir à toutes les niches possibles et imaginables. Pourquoi
ATTAC ne cherche-t-elle pas à ouvrir des magasins de ce type? Peut-être
tout simplement parce que de la même façon qu'il existe une
loi de la gravité, il existe un certain nombre de lois économiques:
il faut des capitaux, des clients, des patrons, des employés, des
comptables, etc., pour faire un business indépendant de subventions.
Déjà qu'ATTAC veut interdire les licenciements dès
lors qu'une entreprise fait un peu de profit, on imagine que tout le monde
sera obligé de sombrer dans l'économie solidaire (entendez:
économie de troc et de pénurie). Quant au rapport entre condition
féminine et la finance... je reste songeur. J'avoue ne voir aucun
lien entre les deux! En tout cas, eux l'ont trouvé, et certainement
de nouveaux prétextes d'interdictions ou d'obligations diverses
avec! Le point focal de toutes les batailles d'ATTAC reste la taxe Tobin,
symbole de la « lutte » contre la finance. À
peine 0.5% sur toute transaction internationale! Pour les pays du Tiers
Monde, cela signifierait la fin de l'accès au marché des
capitaux, un repli qui contrasterait sévèrement avec la volonté
affichée d'ATTAC d'aider le Tiers Monde, quand bien même le
montant de la taxe serait reversé à ces pays. Et qui s'occuperait
donc de cette taxe? L'ONU
bien sûr...
Droite
gauchisée
Si les conférences de l'université ATTAC ont de quoi faire
sourire, le mouvement revendique tout de même 30 000 adhérents
(loin des 100 000 de Contribuables
Associés!) et pas moins de 100 députés se sont
associés dans un groupe ATTAC à l'Assemblée. Le contenu
des discussions est donc on ne peut plus sérieux, et dès
lors on perçoit nettement les menaces sur la liberté qu'elles
font peser. La résonance politique d'ATTAC risque fort de peser
sur la campagne présidentielle. Mais ce ne sont plus des hypothèses
désormais. Nous en avons eu la confirmation de toutes parts.
Curieusement, c'est à droite d'abord que ce sont élevées
des voix pour faire choeur avec celle d'ATTAC. Christine Boutin d'abord,
après les affaires Danone, LU et autres, s'était rendue à
la réunion organisée par le groupe ATTAC de l'Assemblée
nationale. Et qu'y a-t-elle dit? « Le travail est une
richesse ». Et moi qui croyait que le travail n'était
pas une fin en soi, je me trompais. Voilà bien une inversion de
toute logique que seuls des marxistes forcenés peuvent affirmer.
Après tout, ils en vivent. Si les loisirs venaient à être
trop importants, comment pourraient-ils crier à la lutte des classes?
D'après Mme Boutin, « on ne peut tolérer
les licenciements pour des raisons financières ou boursières
». Elle ne doit à peu près rien connaître
à la finance, mais elle l'affirme sans broncher. Elle espérait
combien de voix pour cette déclaration? Peut-être était-elle
en service commandé, sur ordre de Chirac? On ne le saura probablement
jamais. Toujours est-il que la droite se gauchise nettement.
Bon, vous allez me dire, Christine Boutin, passe encore. Elle tient lieu
d'épouvantail dans la « droite » française,
tenant des positions très conservatrices sur nombre de points. Mais
j'ai bien mieux que ça comme citation: Chirac lui-même a proféré
ceci: « la spéculation frénétique
est le sida de nos sociétés ». C'était
en 1995!! Non, décidemment, cet homme a gardé ses convictions
des premiers âges: c'est un communiste!
Gauche
droitière
À gauche par contre, les socialistes sont méfiants. L'extrême
gauche prend de plus d'ampleur et finalement pourrait devenir le «
Front National » de Jospin. Ainsi pris en tenaille
entre la droite qui reprend presque mot à mot les déclarations
d'ATTAC, en adoptant tout y compris le vocabulaire (les médias aussi),
et la gauche qui est à l'origine de ce chahut, le PS ne sait plus
où se mettre. Alors pour l'instant, c'est le silence radio. Nul
doute que Jospin devrait ressortir ses discours brésiliens, où
il parlait de la nécessaire communion des peuples, du partage de
la richesse et autres régulations nécessaires pour mettre
tout le monde au pas. Quid de la création de richesse? Quid
de la liberté nécessaire pour cette création et que
beaucoup de pays du Sud réclament face au protectionnisme du Nord
(ce fut l'un des thèmes de l'anti-Davos à Porto Alegre!)?
Les résultats les plus tangibles à court terme de cette agit-prop
bien organisée, c'est qu'une partie de la campagne électorale
va se jouer sur ces sujets. Exit le chômage toujours proche de 10%
(taux d'activité: 50% de la population de 16-75 ans, contre 75%
aux États-Unis), les retraites (qui ne seront pas versées
car pas capitalisées), de la criminalité (notez l'évolution
par rapport au 1er semestre 2000. Vols à main armée = Seine
St-Denis: 65% / Yvelines: 68% / Hauts de Seine: 51%; en Seine St-Denis,
30% des auteurs interpellés sont des mineurs. Vols avec violence
= Seine St-Denis: 39% / Paris: 42% / Hauts de Seine: 35%. En Seine St-Denis,
61% des auteurs interpellés sont des mineurs). Au fait: +7% d'augmentation
sur 10 ans signifie un doublement. +60% pendant 10 ans ça donne
quoi?
Cela n'aurait aucune importance en fait si les médias n'étaient
pas dirigés eux-mêmes par les anciens camarades de lutte de
Cassen et Krivine, car les élucubrations d'ATTAC n'auraient alors
aucun écho. Mais le fait est que les médias ont adopté
sans ciller le discours d'ATTAC, jusque dans les expressions «
licenciements de convenance » ou du «
capitalisme actionnarial » (contraire du capitalisme
d'État sans doute?). Et l'éducation finit par payer. Selon
Le Monde: « Les Français souhaitent un
contrôle plus étroit sur les multinationales et les marchés
financiers ». Comme ça, les politiciens sont
« légitimés »!
Mais le pire dans toute cette bouillie, c'est tout de même ce chiffre
de 20% de professeurs dans les rangs d'ATTAC, soit pas loin de 8000 profs.
Imaginez donc un peu les élèves quand une prof d'histoire
géo déclare: « Je vais relater sur internet
le contenu des conférences ». Ajoute cette enseignante
en histoire-géographie: « l'université
va me servir pour mes cours, puisqu'on étudie la mondialisation
et l'internationalisation des échanges en 3ième, 1ère
et terminale depuis 1998! »
Vous êtes prévenus: ne laissez pas traîner vos enfants
n'importe où!
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