Montréal, 1er septembre 2001  /  No 87  
 
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Marc Grunert enseigne les sciences physiques dans un lycée de Strasbourg et anime le Cercle Hayek, consacré à la réflexion et à la diffusion du libéralisme.
 
CHRONIQUE DE RÉSISTANCE
 
ÉTAT MONDIAL CHERCHE CLIENTS
 
par Marc Grunert
  
  
          La lutte contre le racisme est depuis longtemps devenue le fond de commerce de toute une clique de parasites à la recherche de subsides pour vivre aux dépens des autres, depuis les bureaucrates en quête de tous les prétextes pour accroître leurs budgets, jusqu'aux ONG spécialisées dans la promotion des « causes humanitaires » pour imposer leurs objectifs collectivistes, en passant par les politiciens professionnels tous unis dans leur intérêt commun de conserver le pouvoir en créant l'illusion de leur utilité. 
 
          Tout ce beau monde s'affaire en vue de la grand-messe onusienne sur le racisme qui a lieu du 31 août au 7 septembre à Durban, en Afrique du Sud. Elle nourrira à nos frais pas moins de 3 000 représentants d'ONG qui, pour la plupart, profiteront de l'occasion pour plaider sans surprise en faveur de l'instauration de la taxe Tobin, ce serpent de mer dont la fonction inavouée n'est autre que de détruire le capitalisme de l'intérieur, ruinant en même temps tout espoir de développement des pays pauvres. C'est cela la « réduction des inégalités »! Le mieux qui puisse se produire lors de ces rencontres internationales sous l'égide de l'ONU, c'est que les participants s'en tiennent aux discours incantatoires. 
  
          Il faut le dire haut et fort: ces institutions mondiales sont par nature une menace pour les libertés. Et la lutte contre le racisme n'est qu'un prétexte pour renforcer ces institutions dont l'essence consiste à répandre les valeurs du collectivisme. Pire que cela, les conférences de l'ONU tentent d'imposer des objectifs politiques à l'échelle planétaire en définissant des pseudo-problèmes globaux: l'écologie, l'éducation, la lutte contre la pauvreté, bref « la survie de l'humanité »! 
  
L'État mondial en marche 
 
          L'État mondial est en marche et les libertés individuelles sont en péril. On peut trouver dans les publications officielles d'organisations internationales les premiers jalons théoriques d'un contrôle des individus par un gouvernement mondial. Ainsi lit-on dans le Rapport de la Commission sur la gouvernance globale publié en 1995 et intitulé Our Global Neighborhood: « L'heure de créer un forum global qui assure la direction dans les domaines de l'économie, du social et de l'environnement est maintenant arrivée – et même passée ». Et Le Monde du 2 octobre 1998 d'interpréter une autre partie de ce texte de référence: « […] faire du FMI un véritable gouvernement du monde en transformant le comité intérimaire, instance consultative, en un conseil politique décisionnaire ». 
  
          On  peut trouver cela risible, utopique, mais les valeurs du mondialisme s'imposent d'abord dans les esprits, et ensuite se concrétisent dans les institutions. Les conférences de l'ONU ou de l'UNESCO sont les principaux organes de ce bourrage de crâne assimilable à une vaste tentative de lavage de cerveau. Le problème est que ces institutions internationales outrepassent leur rôle de gardien des droits individuels à l'échelle mondiale et s'attribuent de plus en plus les fonctions gouvernementales classiques: invention de droits sociaux, réalisation de la « justice sociale » c'est-à-dire de l'écrasement de l'individu sous le poids d'un troupeau de moutons et de l'État son berger. L'ONU et sa cohorte de bureaucrates alliés aux ONG porteuses des valeurs collectivistes, mais aussi les chefs d'État et la classe politique, toute cette clique de parasites planifie sous nos yeux la construction de fait d'un État mondial. 
  
          La conférence sur le racisme et la mise en délibéré de la question des « réparations de l'esclavagisme » sont des moyens, pour la bureaucratie onusienne, de créer les premières structures d'un État redistributeur par l'achat d'une clientèle. Le clientélisme est le principe même de la stabilité politique, et, a fortiori, de sa genèse. Nous en avons quotidiennement le spectacle au niveau national. Les politiciens achètent une clientèle d'électeurs en lui offrant un droit, une subvention, une fiscalité particulière, etc. Les groupes d'intérêts montent à l'assaut et obtiennent chacun leurs privilèges, au détriment des autres.  
  
          Ainsi un État redistributeur peut naître et croître jusqu'à ce que chacun vive aux dépens de tous les autres. Un État mondial, pour exister, doit donc acheter l'adhésion de nations, les autres payant l'addition. L'argument de la « justice sociale » sert de paravent à ce marchandage dont seul profite finalement une nomenklatura mondiale. Pour que cet État mondial prenne forme il faut donc convaincre les nations qu'elles ont intérêt à appuyer l'ONU dans son rôle de garant d'une justice « universelle ». La discrimination positive, qui sévit aux États-Unis, devient une norme éthique internationale. Il faut favoriser un ou plusieurs groupes en raison des préjudices de l'histoire. Et tout cela aux frais des innocents et de ceux qui parviennent à gagner leur vie malgré la prédation d'État. 
  
     « La discrimination positive, qui sévit aux États-Unis, devient une norme éthique internationale. Il faut favoriser un ou plusieurs groupes en raison des préjudices de l'histoire. Et tout cela aux frais des innocents et de ceux qui parviennent à gagner leur vie malgré la prédation d'État. »
 
          L'État mondial sera totalitaire ou ne sera pas. En effet, on peut sans exagération qualifier de totalitaire le contrôle par le haut des fins individuelles. Les institutions internationales et le pouvoir politique fixent les objectifs globaux et laissent la liberté des moyens aux individus. Ainsi l'illusion de la liberté demeure, sauf pour ceux qui s'aventurent aux rivages de l'interdit en se donnant des objectifs incompatibles avec ceux du pouvoir (comme résister au vol légal qu'est l'impôt par exemple, ou porter une arme de poing comme un dernier rempart de la dignité individuelle). La mise en question des objectifs « sociaux »: l'antiracisme, la lutte contre l'effet de serre, la solidarité officielle, relève donc du « crimepensée » et le déchaînement médiatique aura vite fait de réduire au silence de l'infamie le libre penseur. 
  
          Le vol camouflé en « justice sociale », tel est le grand art de tous ceux qui se préoccupent de « l'intérêt général ». En soi, l'existence de l'ONU est une oeuvre d'art. Et les mille subterfuges employés pour justifier l'existence de cette nébuleuse de parasites sont fondés sur les techniques visant à en appeler à l'émotion plutôt qu'à la raison des individus. D'où l'éclosion quotidienne d'une multitude de causes « humanitaires ». Par exemple la question des « réparations » pour l'esclavagisme. 
  
À qui profiteront les réparations? 
 
          Certains voudraient bien qu'à la conférence soit discutée l'indemnisation « des États ouest africains d'où sont partis les esclaves à destinations des Amériques jusqu'au XIXe siècle » (Le Monde, 30 juillet 2001). Ainsi, « la communauté internationale » se préoccupe de l'Afrique, des pauvres, des exclus, des esclaves du passé, des opprimés du présent et de l'avenir. Big Brother pense à tout. 
  
          Si on réfléchit au lieu de s'émouvoir, on peut se demander à qui tout cela profite. Certainement pas aux esclaves qui sont morts depuis longtemps, ni à leurs descendants qui peuvent prospérer aux États-Unis ou au Canada. Les réparations profiteront en premier lieu « aux États ouest africains » c'est-à-dire aux hommes au pouvoir et à leurs comptes en banque numérotés; ensuite, ces discussions mêmes avortées serviront à convaincre l'opinion publique de la nécessité de fixer des objectifs au niveau de la planète, premiers jalons d'une gestion collectiviste de toute l'activité humaine et d'une « révolution culturelle » qui doit conduire à un État mondial.  
  
          « Une réparation » pour esclavagisme, qu'est-ce d'autre qu'une mesure coercitive d'un État redistributeur? Les États africains concernés voudraient bien avoir un retour sur investissement et profiter du prétexte moral pour détourner des biens qu'ils n'ont pas créés. Et pourtant, quand on voit comment ils traitent leurs propres « citoyens » on peut avoir quelques doutes quant à la sincérité de leur appel à la justice. Finalement, l'appât du gain n'est pas l'apanage des capitalistes. 
  
          Mais le plus cocasse est peut-être de voir inscrits à l'ordre du jour deux points (racisme et réparations de l'esclavagisme) susceptibles de faire jouer aux mêmes États les rôles successifs de victime et d'accusé. Les guerres ethniques africaines ont fait beaucoup de victimes, la plupart innocentes méritant réparation, sans que l'Occident ou l'esclavagisme en soient la cause première. 
  
          Heureusement, l'administration Bush résiste à la mise en place d'un vaste système « d'objectifs sociaux » à l'échelle mondiale. Le protocole de Kyoto et les diverses conférences onusiennes sont les marchepieds du contrôle politique des individus et de leur soumission aux principes du socialisme. Mais « une politique de la chaise vide pourrait également refroidir les relations avec l'Afrique du Sud de l'après-apartheid, pour qui cette conférence revêt une forte valeur politique et symbolique, » lit-on dans l'article du Monde. Ce n'est pas avec des symboles que les Sud-Africains et les Africains en général s'en sortiront! 
  
          Alors permettez-moi, tout à fait symboliquement, de me lever et de laisser ma chaise… vide! 
  
 
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