|
Montréal, 1er septembre 2001 / No 87 |
|
par
Jean-Luc Migué
Contrairement aux préjugés courants, l'ouverture au commerce n'implique nullement que nos travailleurs doivent se résigner aux salaires des pays du Sud. Les salaires, dans les économies avancées comme dans les pays pauvres, reflètent la productivité des travailleurs de ces pays. Ainsi, l'écart entre les salaires chez nous et les salaires des pays en développement ne font que refléter notre productivité supérieure. Nos salaires peuvent être de dix fois supérieurs à ceux des pays du Sud, mais notre productivité est aussi de dix fois supérieure. |
Voilà pourquoi il n'en coûte pas plus cher par unité
d'output à un employeur de chez nous d'embaucher un travailleur
de chez nous, qu'il n'en coûte à un employeur chinois d'embaucher
un travailleur de chez lui. En fait, il en coûte souvent beaucoup
moins. Le fait est que, avec la mondialisation et à cause d'elle,
les salaires de nos partenaires commerciaux du Sud ont augmenté
beaucoup plus rapidement que les salaires canadiens ou américains
depuis une génération. Soyons conscients que les pays en
développement ont la ferme conviction que l'efficacité féroce
des occidentaux menace de les supplanter tous.
Le commerce élévateur Il se trouve incontestablement des emplois et des entreprises de chez nous qui ont souffert de l'ouverture au commerce. C'est d'ailleurs pour cette raison que le commerce international élève le niveau de vie de tous, en imposant la spécialisation de chaque économie dans les secteurs où elle est la meilleure. S'il ne changeait rien, le commerce ne se ferait pas. Mais en même temps, la libéralisation des échanges a suscité une poussée fantastique des exportations qui a créé plus d'emplois que les importations n'en ont détruits. Au Canada en particulier, la reprise de l'emploi depuis 3 ou 4 ans est presque entièrement imputable à la flambée de nos exportations. On observe partout une corrélation étroite entre croissance des importations et emploi. Soulignons enfin qu'en conséquence des écarts de productivité, à chaque emploi non qualifié qui se perd ici, correspond de nombreux emplois nouveaux en Malaysie, en Inde et en Chine, emplois qui offrent aux travailleurs de ces pays la chance d'accéder au monde moderne. Lorsque leur intérêt est en cause, les âmes sensibles de notre establishment intellectuel et politique ne pèchent pas par excès de cohérence.
La question du travail des enfants et en général des conditions de vie des gens du Sud suscite toujours l'indignation verbale des bien-pensants cossus d'Occident, mais peu d'analyse. Notons d'abord que l'Organisation Mondiale du Commerce n'a jamais statué contre les efforts des différents pays pour éliminer le travail des enfants. La question ne lui a d'ailleurs jamais été soumise. Quant à la question de fond en cette matière, rappelons que la mondialisation est le phénomène le plus progressif du dernier demi-siècle, et donc le plus favorable aux défavorisés des pays pauvres. Sachons que le Rapport des Nations Unies sur le développement humain révélait que sur les 79 pays pour lesquels on avait des données, un seul (la Zambie) avait connu une baisse de son score en matière de développement humain entre 1975 et 1997. Un enjeu insoupçonné L'analyse théorique l'aurait prédit, puisque la seule façon d'aider les pays pauvres à s'extraire de leur misère est de leur offrir nos investissements de riches épargnants et d'ouvrir nos frontières à leurs exportations. C'est la seule voie qui leur garantisse un jour les revenus grâce auxquels les parents pourront retirer leurs enfants des usines et les envoyer à l'école. C'est le commerce qui fera que les gens ne seront plus forcés d'accepter des salaires de misère et d'envoyer leurs enfants à l'usine. Comme c'était le cas en Occident il y a un siècle et plus, le choix qu'ont aujourd'hui les enfants du Tiers-Monde n'est pas entre l'usine et l'école, mais plutôt entre l'usine et la rue, la prostitution et la mort par sous-alimentation. Soyons lucides: derrière son air de vertu écologique et sociale, l'idée d'imposer des conditions de travail et d'environnement aux pays pauvres ne fait que camoufler le véritable enjeu de l'opération, qui est de hausser le prix des importations venant des pays pauvres au profit des membres des monopoles syndicaux et des écologistes du monde industrialisé.
|
<< retour au sommaire |
|