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Montréal, 15 septembre 2001 / No 88 |
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par
Brigitte Pellerin
Il faut que je vous dise: il y a des fois où vous me découragez tellement que j'ai envie de courir au bout du monde et de sauter en bas. Encore récemment, vous avez réussi à me gâcher un superbe début de mois de septembre. J'étais heureuse d'être contente, moi. Je ne demandais rien à personne, sinon de bien vouloir cesser d'encombrer les trains de Via Rail avec la marmaille pour que je puisse enfin allonger mes patouches en tout confort et dans un silence relatif. La joie de retrouver le calme de la rentrée suffisait à mon petit bonheur tranquille. |
Puis vous vous êtes ramenés. En troupeau et rien de moins.
Toute la gang de tricotés-serrés que vous êtes. Et
que ça braille en choeur à pleine page dans les journaux.
Eh misère. Jamais capables de rien faire par vous-mêmes, il
faut toujours que vous attendiez le cue du metteur en scène
pour vous y mettre.
Retour au chignage Ça a commencé avec le chignage du retour à l'école. Que ça coûte cher, les soquettes Tommy. Que c'est ridicule, de dépenser une petite fortune pour une casquette Nike que le petit dernier risque de se faire chiper par les gros méchants bullies. Que c'est donc compliqué, de trouver les Duo-Tangs-en-plastique-bleu-à-trois-trous plutôt que ceux en-carton-jaune-à-deux-trous. Que ça n'a pas d'allure de demander des sous pour la surveillance du midi ou les sorties de classe. Vous avez tous chiâlé en même temps, puis vous vous êtes tus. Plus un mot. On passe à un autre appel. Ce fut au tour de la cent-quatre-vingt-millième réforme scolaire d'y goûter. Tout d'un coup, tout le monde s'est retrouvé expert en la matière. En veux-tu des interventions de Jos Public, en v'la! Puis, comme par enchantement, plus rien. Pleins feux sur les garderies à cinq dollars. Horreur et consternation, on manque de place. Le gouvernement avait promis que tout le monde aurait accès au service, mais (comme d'habitude), on manque de fric. Alors les listes d'attente s'allongent. Tellement que c'est rendu que des femmes y inscrivent des enfants qui ne sont pas encore nés, non mais sans blague.
Moi, ça me fait bien rigoler. Après tout, voilà au moins une génération de marmots qui sera habituée à faire la file pour recevoir son bout de saucisson et son pain sec. Quand on veut jouer les socialos, il faut jouer jusqu'au bout. Si on n'est pas prêt à payer le prix de la gratuité nationale, aussi bien abandonner et laisser les gens s'organiser librement. Mais bon, ça ne vous rentre pas dans la tête, ça. Le gouvernement vous a dit que vous auriez droit à des services gratuits, et vous y tenez mordicus. Jusqu'à ce qu'on vous fasse signe de changer de sujet, puis vous passez à autre chose. Lecture en groupe La lecture, tiens. Un mautadit beau sujet – et enfin! un vrai plaisir solitaire. Lire un livre, c'est refermer sa coquille en disant au monde d'aller se faire cuire un oeuf pendant qu'on dévore tranquillement les 134 dernières pages de notre roman. Sauf que… Sauf que tout habitués que vous êtes à tout faire en groupe, vous n'avez pas su résister à la tentation Comme le disait l'écrivain Marco Micone dans La Presse de samedi dernier: J'ai toujours pensé que les gens devraient passer moins de temps à croupir devant la télé et plus de temps le nez dans les bouquins, mais jamais au grand jamais souhaiterais-je que tout le monde se mette à lire un même livre en même temps, comme s'il s'agissait d'une corvée nationale. Mais pas vous. Vous aimez ça, vous, les voyages organisés et les sorties de groupe. Et je vois d'ici la vision d'horreur: en gang dans la rue, votre copie dûment autorisée du livre officiel entre les mains, reprenant en choeur le même refrain: 1. Sonia Sarfati,
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