On célébrera la « vertu d'indépendance
» qui signifie « notre acceptation de la
responsabilité de former nos propres jugements et de vivre du travail
de notre propre esprit » (Ayn Rand, La vertu d'égoïsme).
Ce beau scénario que Bastiat nous contait déjà en
1850 peut se réaliser. Mais le machiavélisme du pouvoir politique
en fait une entité difficile à désintégrer
tant le désir de contrôler la vie des autres pour améliorer
la leur est ancré dans la nature parasitaire de beaucoup trop d'hommes.
La mondialisation fait vivre un parasite de plus en plus avide: le mondialisme
politique.
La
mondialisation de l'État
Toutes les conférences de l'ONU, de l'UNESCO, mais aussi le FMI,
le G8, l'OMC sont les prémices d'un État mondial, ils sont
l'État mondial. L'argument avancé par les fonctionnaires
mondiaux et les chefs d'État réside dans la «
nécessité de contrôler les excès de la
mondialisation ». Ce n'est évidemment qu'un prétexte
pour accroître la masse totale du pouvoir politique, assurer l'avenir
de ceux qui se croient indispensables en parasitant la vie des autres.
Quant à la pertinence du propos, c'est comme si un astrophysicien
déclarait que l'univers, mal parti depuis le Big Bang, doit être
ramené sur le bon chemin de l'évolution cosmique. Depuis
Mises et Hayek, nous savons que les technocrates et les politiciens ne
savent rien, et que lorsqu'ils interviennent en s'appuyant sur leur ignorance
ils créent des déséquilibres qu'ils imputent ensuite
au « dérèglement » du marché
– je reconnais que l'astrophysicien réformiste imaginaire, lui,
brasse dans le vide; il ne peut que constater les choses, pas les modifier.
Nous entendons beaucoup parler, du côté des libéraux,
de subsidiarité et de décentralisation. Mais, ce qui doit
nous alerter c'est que les politiciens et leurs penseurs en service commandé
utilisent aussi ces concepts et prétendent en plus les mettre en
application. Peu importe ce qu'est réellement la subsidiarité;
le fait est qu'elle est devenue un argument pour hiérarchiser politiquement
la société selon le principe suivant: l'échelon supérieur
impose sa loi à l'échelon inférieur. C'est exactement
le contraire de la véritable subsidiarité. Il en va de même
avec la décentralisation: des potentats locaux dirigent les activités
des individus, les collectivités locales sont manipulées
par l'État central, lui-même aux ordres de l'État fédéral
européen, qui obéit aux normes et aux objectifs négociés
au sein de l'État mondial. Quant à la souveraineté
de l'individu, elle a totalement fondu dans ce magma politique. Allons-nous
continuer à accepter cela « comme quelque chose
d'inaltérable, comme le ciel »?
L'analyse du contrôle politique des individus, qui est l'autre face
de l'illusion de la liberté (je peux aller où je veux, acheter
mon pain, lire le journal, etc.), passe par une analyse de l'État
et de la croissance du pouvoir politique, par le marchandage perpétuel
auquel se livre l'État démocratique pour obtenir l'adhésion
des citoyens. Cette logique implacable a été démontée
par Anthony de Jasay (L'État, Les Belles Lettres, Coll. Laissez-faire).
On peut reprendre sa grille d'analyse pour expliquer comment l'État
mondial se constitue. « Pour l'État avec qui
[le groupe d'intérêts] traite, promouvoir le parasitisme fait
partie intégrante de la constitution de clientèles sur laquelle,
à tort ou à raison, il a choisi de faire dépendre
son pouvoir. La constitution d'une base d'adhésion au moyen de la
redistribution politique est étroitement déterminée
par les contraintes de la compétition électorale »
(de Jasay). La logique de la croissance du pouvoir découle de cette
quête d'adhésion: « De fait, plus l'État
étend ses compétences, plus grand est en général
le gain potentiel à solliciter son assistance, et par voie de conséquence
l'avantage à former le groupe. »
Ainsi chaque fois que l'on entend parler de conférences de l'ONU
sur « les réparations de l'esclavagisme
», ou sur les « rapports Nord-Sud
», ou d'un rendez-vous de chefs d'État sous l'égide
du FMI pour discuter de « la diminution de la dette
» des pays endettés, on peut être certain qu'il
s'agit d'un acte fondateur d'un État mondial redistributeur, dont
l'avenir consistera tout simplement à se structurer comme un État
fédéral centralisé.
« Nous entendons beaucoup parler, du côté des libéraux,
de subsidiarité et de décentralisation. Mais, ce qui doit
nous alerter c'est que les politiciens et leurs penseurs en service commandé
utilisent aussi ces concepts et prétendent en plus les mettre en
application. » |
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Je voudrais rendre compte d'un autre point de vue, fort pertinent lui aussi,
qui s'appuie sur l'analyse des méthodes de contrôle social
et de l'usage qu'en font les fabricants du pouvoir politique, et particulièrement
les mondialistes. Il est dû à Pascal Bernardin. Son livre,
L'empire écologique (voir sur le site d'Euro92),
démontre comment le prétexte d'un problème «
global » permet aux instances politiques internationales d'imposer
des objectifs collectifs et des valeurs aux nations et aux individus. Pour
lui, il s'agit rien de moins que de réaliser ce qu'il appelle la
Révolution, c'est-à-dire le collectivisme totalitaire pour
lequel l'individu n'est pas une fin en soi mais le moyen pour réaliser
une société « rationnelle ». Le
communisme n'était qu'un moyen répressif pour réaliser
la Révolution anti-libérale. L'État mondial agit par
la définition consensuelle d'objectifs planétaires, «
pour la survie de l'humanité », tels que
la réduction de l'émission de gaz à effet de serre.
La Révolution collectiviste peut se réaliser non par la répression,
mais par l'engagement dans des voies dont les portes d'entrée semblent
belles et « humanitaires » et dont l'issue, implacable
mais trop lointaine, est le contrôle totalitaire de toutes les activités
des individus.
La thèse du livre de Bernardin n'est pas loin de la théorie
du complot mais il en évite les écueils en mettant en évidence
une logique à laquelle obéissent les mondialistes sans avoir
vraiment besoin de se concerter, même si « l'université
des Nations Unies » ou le club de Rome sont des moyens
de coordonner les actions de propagande. L'idée est que le mondialisme
est programmé par les idéologues communistes depuis la mort
de Staline. La perestroïka a été pensée bien
avant Gorbatchev comme une période de transition au cours de laquelle
la Révolution passerait d'une phase répressive qui a échoué
à une phase non « aversive » où
le contrôle de la société par le corps parasitaire
des hommes de l'État résulterait d'une succession de choix
irréversibles. Tous les obscurs penseurs qui travaillent à
l'élaboration d'une société « rationnelle
» sont inconnus du public et pourtant ils n'en influencent
pas moins les orientations politiques de l'ONU ou de l'UNESCO.
Leurs armes idéologiques résident dans l'usage de la théorie
des systèmes. Cette théorie n'est que la nouvelle rhétorique
scientifique des collectivistes. Il ne s'agit pas de préjuger de
sa validité scientifique mais de montrer son usage à des
fins totalitaires. Le totalitarisme repose toujours sur l'idée que
rien n'existe indépendamment du Tout. Les parties n'existent que
par les liens qu'elles ont entre elles, elles n'ont de valeur que par rapport
au Tout qu'elles constituent. La théorie des systèmes est
une sorte d'expression plus rationnelle de la dialectique hégélienne.
Elle a l'avantage d'éviter « la ruse de la raison
» qui justement consistait à donner à tous les
hommes, y compris les chefs d'État ou les comploteurs, le statut
de marionnettes de l'Histoire. La théorie des systèmes subdivise
un système total, par exemple la planète, en sous-systèmes,
les Nations par exemple, qui interagissent les uns avec les autres tout
en ayant leurs objectifs propres. Les sous-systèmes eux-mêmes
se subdivisent. La nature du système global dépend évidemment
des objectifs que se donnent les sous-systèmes et réciproquement.
Dans la réalité internationale tout se passe, en effet, comme
si la théorie des systèmes était appliquée
par les totalitaires. Au niveau du système global, les objectifs
« supra-ordonnés » sont fixés et
sont imposés aux sous-systèmes qui peuvent librement choisir
leurs propres buts à la condition qu'ils soient compatibles avec
les objectifs supra-ordonnés. Quant aux individus, derniers éléments
du système global, ils sont écrasés par tous les objectifs
sociaux qui s'imposent hiérarchiquement à eux. Ils sont libres
d'acheter leur pain et leur journal, d'aller en vacances mais ils ne prendront
plus la voiture parce que l'État leur offre une prime pour prendre
le train, parce que l'État surtaxe l'essence pour respecter les
quotas de consommation d'énergie, pour éviter d'accroître
l'effet de serre.
L'écologisme est un des moyens de poser des « problèmes
globaux » qui affectent l'état du système
global Terre. Un des théorèmes de la théorie des systèmes,
interprétée par les collectivistes, est que les problèmes
globaux ne peuvent être résolus par les sous-systèmes
indépendants. Il faut coordonner les actions des sous-systèmes.
Les scientifiques-rois, les experts-politiciens, tous ces mondialistes
vont réfléchir et définir consensuellement des objectifs
supra-ordonnés: des quotas de production, des quotas de consommation
d'énergie, des valeurs écologistes dont on va bourrer le
crâne des écoliers ou des lycéens d'État.
Le cauchemar est déjà en train de se réaliser. Les
individus doivent s'aligner sur des valeurs et des objectifs imposés
par chaque échelon politique. Le point de rationalité totale
est au sommet. Et qui trouve-t-on au sommet? Des chefs d'État qui
plaident pour la « survie de l'humanité
» afin que leur pouvoir survive, des ONG qui rêvent
encore du communisme et des fonctionnaires onusiens qui visent à
se reproduire et à gérer le monde à leur profit. La
Révolution socialiste n'a pas été anéantie.
La chute du mur de Berlin n'était pas la victoire finale. Une nouvelle
forme de « destructionisme » (Mises) vient s'ajouter
à la classique social-démocratie. L'intégration politique
finale, le totalitarisme ultime, l'État mondial: voilà concrètement
la nouvelle menace. Si les États-Unis deviennent complices des mondialistes,
à quoi bon avoir Thatcher à l'Élysée? Le danger
plane. Il faut réécrire 1984.
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