|
Montréal, 29 septembre 2001 / No 89 |
|
par
Gilles Guénette
On serait tenté de croire, que les chroniqueurs financiers, contrairement à ceux du domaine artistique, sont des gens rationnels et posés. Ce n'est pourtant pas le cas. En tout cas, pas du côté de La Presse, |
Qu'est-ce
qui fait courir Michel?
Le 25 août dernier, Michel Girard, s'interrogeant sur la Pas deux ou trois films québécois... AUCUN ne verrait l'écran! De la part d'un artiste Pourtant, comme le mentionnait Girard dans sa chronique, certains de nos films ont somme toute fait pas mal de fric. Or, si des Elvis Gratton II, miracle à Menphis ou Les Boys réussissent à aller chercher respectivement des recettes de Sans doute que moins de films d'auteur verraient l'écran. Sans doute que notre industrie du cinéma mettrait quelques années à se replacer. Peut-être, par contre, que plus de films à succès les remplaceraient. Peut-être que notre culture cinématographique, sans public, en deviendrait une vibrante qui ferait courir les foules. Une chose est sûre, l'investissement sans cesse grandissant dans des films que personne ne voit sauf quelques cinéphiles du Plateau sera de plus en plus difficile à justifier – combien de millions $ de fonds publics l'an prochain? Dans dix ans? Il y a deux ans, le film Post Mortem de Louis Bélanger jouissait d'une importante visibilité dans les médias écrits et électroniques. Tout le monde parlait de Le film Maelström de Denis Villeneuve a lui aussi eu une grande visibilité médiatique. Il a récolté trophées sur trophées, il a failli faire partie de la liste des nominés aux Oscars, son réalisateur a été plus que cité et interviewé dans les médias, le Canada anglais l'a même associé à une Pas besoin d'un bac en sciences économiques pour se rendre compte qu'il n'y a pas de marché pour la plupart des films tournés au Québec. Pourtant, ce n'est pas le public qui manque. On le voit lorsque des films comme Les Boys ou les Elvis Gratton sortent. Certains réussissent même à détrôner chez nous les gros blockbusters américains au box office. C'est peu dire! Le Dieu Promo
Le Grincheux a rapporté De tels exercices statistiques ne prouvent rien. Ils ne font que mettre une chose en lumière: l'énormité de l'industrie cinématographique américaine. Bien sûr, le Canada – encore moins le Québec – ne peut rivaliser avec de tels budgets. Et puis après! Aucun pays ne peut rivaliser avec de tels budgets. Aucun non plus ne tourne le genre de cinéma qui se tourne aux É-U. Et c'est tant mieux! Mais quoi qu'en pense Si le succès d'un film repose sur la grosseur de sa campagne de promotion, comment expliquer les échecs de films comme Battlefield Earth qui mettait en vedette un John Travolta dans la peau d'un squeegee du futur et, plus récemment, Final Fantasy, un film qui devait révolutionner – rien de moins – la façon de faire et de voir le cinéma d'animation? Malgré d'imposantes campagnes publicitaires et une visibilité médiatique des plus enviables, ces deux productions, comme des centaines d'autres, ont floppé au box office. Les cinéphiles ne sont pas aussi Comme l'écrivait Tyler Cowen en 1998 dans un excellent article consacré aux impacts négatifs du protectionnisme sur le cinéma français(2): Les avocats du protectionnisme culturel considèrent souvent que la souveraineté du consommateur en matière de culture n'est qu'un mythe. Selon eux, c'est la puissance oligopolistique des distributeurs américains qui, par la publicité, crée la demande pour leurs films. Le public, comme un troupeau de moutons, ne fait que répondre passivement à ce qu'on lui offre, quel que soit le produit offert.Les tenants de la promo-à-tout-prix ne poussent jamais l'audace jusqu'à demander qu'on interdise la promotion américaine – ou qu'on la restreigne à tout le moins. Jamais ils ne militent pour que soient mis sur pied de beaux gros programmes de promotion pour le film québécois. Sans doute craignent-ils de se rendre compte que même si on engloutissait des millions dans des campagnes pour mousser les ventes de films d'auteur québécois, le public ne suivrait pas. Comme le mentionne Cowen, ce sont les films qui ne réussissent pas à s'attirer de clientèle, pas leurs campagnes promotionnelles! Un navet, qu'il soit américain ou canadien, demeure un navet et n'attire personne. Un film d'auteur, qu'il soit américain ou québécois, demeure un film d'auteur et n'attire personne. De réduire le succès d'un film à une simple question de marketing est carrément insultant pour tout cinéaste qui se respecte. Le succès d'un film, même à l'heure d'internet et de l'omniprésente campagne de relation publique, est beaucoup plus souvent assuré par le bon vieux bouche à oreille que par n'importe laquelle des supposées infaillibles campagnes de promo. Si notre cinéma ne pogne pas, ce ne sont certainement pas de grosses campagnes de promotion qui changeront quoi que ce soit.
|
<< retour au sommaire |
|