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Montréal, 29 septembre 2001 / No 89 |
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par
Hervé Duray
Entre libertariens (ou libéraux), nous ne sommes pas vraiment d'accord sur les positions à adopter à la suite des attentats du 11 septembre. Il y a les tenants d'une ligne dure, qui parfois abdiquent toute raison et font valoir que la sauvegarde de l'Occident vaut bien un peu d'étatisme et une bonne guerre, et les colombes qui au cri de |
La
ligne dure des émotifs
La ligne dure a ses partisans chez nombre de ce que j'appellerais les Au sein des faucons il y a cependant des positions plus mesurées. Conscients de l'impact d'opérations militaires sur les foules musulmanes manipulées, certains reconnaissent qu'il faut éviter d'engendrer de nouvelles L'envoi de troupes, même en quantités limitées permettrait d'espérer une efficacité réelle des ressources engagées et en même temps d'éviter un carnage de civils opprimés. La finalité poursuivie par ces commandos serait bien évidemment de tuer ou de capturer les terroristes, mais plus largement de faire tomber les régimes ennemis, de faire peser une menace permanente sur les pays susceptibles de complaisance, d'assécher toutes les sources de financement des terroristes... Sur le fond, les faucons pensent que l'islamisme est un danger suffisamment fort pour légitimer, ou tout au moins rendre supportable, une intervention des États, au-delà même de leurs frontières. L'islamisme interprète le Coran de façon à en faire une doctrine politique complète, visant à contrôler chaque aspect de la vie, enfin, ce qu'il en reste une fois retiré les femmes, les loisirs, et les 5 prières par jour. Il faut donc le dire haut et fort: l'islamisme est un dérivé totalitaire de l'Islam, réclamant la fusion des autorités politiques, culturelles et religieuses. L'économique? Comme pour les femmes, elle devra aussi être recouverte d'un drap. Même si l'islamisme a pu être alimenté en partie par les stupidités des gouvernements occidentaux telles que le bombardement continu de l'Irak depuis 10 ans, ou par les Non, expliquent ceux qui défendent la ligne dure, c'est bien parce que l'Occident représente l'antithèse exacte, et réussie, d'un régime islamique, qu'il doit être châtié, avec la plus grande vigueur, la plus extrême des barbaries. Parce que l'Occident est l'incarnation du Mal selon le Coran il doit être réduit à néant. Abandonner nos libertés pour lutter contre le terrorisme Voilà à peu près la position des faucons. Maintenant, est-elle conforme à nos idéaux de liberté? La persistance d'un état de guerre, donc d'un État pour la mener, est-elle compatible avec la poursuite de la liberté? C'est là où l'argumentaire des colombes prend toute sa dimension: la guerre contre le terrorisme peut mener à l'extinction de notre civilisation plus sûrement que celle des terroristes contre nous, en nous obligeant à abandonner nos libertés, qui fondent notre civilisation.
S'il faut en croire les faucons, il faut aussi mener une guerre d'un nouveau genre, qui passera par une collecte étendue d'informations et probablement la mise en place de règles de sécurité toujours plus strictes dans nos sociétés. Et c'est là que le bât blesse, disent les colombes. Toute guerre étend la surface des lois, de l'État, des administrations, et réduit d'autant celle de la société civile, de l'économie libre, de la confiance mutuelle. Alors avec une guerre contre un ennemi invisible, insaisissable et géographiquement non localisé, imaginez un peu ce que vont devenir L'ennemi est donc d'abord intérieur, nous le connaissons bien, nous libertariens, par notre acharnement à démonter ses rouages À y regarder de plus près, avant même que les combats aient commencé, les États ont déjà mis en place des politiques irresponsables. Ce sont les États qui ont favorisé l'immigration fleuve en Europe par des politiques sociales irresponsables. En France, il y a une communauté de 5 millions de musulmans. Sans lois de regroupement familial, d'aides sociales et de permis de travail, comment ces personnes seraient-elles entrées, mais surtout restées? Résultat, il y a d'aveu même de la police des zones de Je ne donne pas là des arguments aux faucons, pas plus que je ne pratique l'amalgame honni. Je pointe du doigt une déficience de l'État: malgré l'Omniscience et la Toute Puissance qu'on lui accorde, l'État français n'a pas vu venir les problèmes et ne sait pas comment nous en débarrasser. Si parmi les 5 millions de musulmans il y a des terroristes infiltrés, si dans les mosquées d'Argenteuil on trouve des imams irakiens et des Concernant ce danger d'amalgame, couramment décrié par tous nos médias bien pensants, les colombes libertariennes répondent qu'il n'existe pas d'acte collectif. Il n'existe que des actes individuels, et exit dès lors la guerre des mondes. Au lieu de condamner d'emblée les pays soupçonnés de terrorisme, il convient de faire une enquête, délimiter les responsabilités, les engagements, les soutiens. Supposons que ben Laden soit effectivement le principal organisateur. Fini le problème du monde occidental agressé par le monde musulman: on sort du schéma collectif abstrait de la guerre de religion, d'un conflit qui nous dépasse, on lui redonne une dimension humaine. Le problème est un homme, la solution devient simple: une chasse à l'homme. Au passage, ajouterons les faucons, faisons tomber le régime des talibans qui nuit aussi bien aux populations soumises à son autorité qu'à nous-mêmes. Un État en santé Les colombes nous mettent en garde du fait que la guerre est Les budgets militaires? 20 milliards de dollars ont déjà été Parlons maintenant de la reconnaissance faciale. Voilà encore une belle arnaque: dans les foules la capacité à reconnaître réellement un visage est ridicule (voir SMILE, YOU ARE ON CAMERA AGAIN!, le QL, Face à ce débat où il est difficile de trancher entre faucons et colombes – car finalement, il faut bien punir ben Laden, mais il faut aussi nous préserver de l'État – que conclure? Comme beaucoup d'autres, je suis perplexe. En fait, si le but des terroristes est vraiment de faire tomber notre civilisation, alors il faut leur donner tort en ne tombant pas dans le piège d'une guerre totale: tuons les islamistes, ceux qui nous posent problème, mais cessons les interventions ailleurs. Et surtout, ne sombrons pas dans ce piège de l'étatisme pour nous protéger: c'est dans la liberté que s'est épanouie la civilisation occidentale, et il faut la préserver à tout prix. Vaincre le terrorisme, c'est croire en nos valeurs. Je suis persuadé que les libertariens représentent la forme la plus proche de l'idéal occidental de paix et de liberté, et à ce titre nous devons aussi être les premiers à combattre les terroristes qui méprisent et nient nos valeurs. Il n'en va pas seulement de la vie de milliers de personnes, mais de l'avenir de notre civilisation occidentale. Je propose comme premier acte de guerre de reconstruire les tours du Worlld* Trade Center! *
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