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Montréal, 24 novembre 2001 / No 93 |
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par
Marc Grunert
Marc Grunert: Depuis le 11 septembre, on nous somme de prendre position pour ou contre la Pascal Salin: Qu'il faille faire la |
Le point de départ de la réflexion commence évidemment
par le rappel du principe libéral (ou libertarien?) selon lequel
on a le droit de protéger par la force (la L'une des objections fréquentes que l'on oppose à l'utopie libertarienne d'un monde structuré en millions ou en milliards de petites copropriétés en concurrence, c'est qu'il existe toujours le risque que le monde entier ne soit pas structuré de la même manière et qu'il existe, par exemple, un grand terroriste. Les micro-sociétés libertariennes ne pourraient alors pas se protéger des attaques. Mais cette hypothèse suppose implicitement que les individus ne sont pas capables d'être conscients des dangers qui les menacent et de trouver les moyens de les éviter. Très probablement, dans une telle situation, les micro-sociétés passeraient des accords mutuels de défense ou adhéreraient à des organisations de sécurité. Il nous faut certes travailler pour que le monde se dirige vers une organisation en micro-sociétés libertariennes de ce type. Mais il nous faut aussi vivre dans le présent et savoir donner des réponses pour l'action dans un monde de Mais la difficulté vient aussi du fait que les terroristes – mus par un mode de pensée collectiviste – ne s'attaquaient pas spécifiquement aux personnes qui ont été leurs victimes, mais plus généralement à des abstractions collectives, les Il me paraît donc justifié que ceux qui croient à des principes s'organisent collectivement pour défendre leur droit à vivre selon ces principes (s'ils ne portent pas atteinte aux droits des autres). Si les valeurs occidentales signifient le respect et la défense des droits individuels, je n'ai aucune hésitation à dire que je souhaite voir défendre ces valeurs. Mais je me refuserais cependant à qualifier le conflit actuel de conflit entre deux civilisations dans la mesure où il serait erroné de considérer les terroristes, par exemple, comme les défenseurs des
M. G.: Comment interprétez-vous les attentats du 11 septembre? Quelle est, selon vous, la responsabilité de l'Islam dans le conflit actuel? La pauvreté et le capitalisme sont-ils des causes de ces attaques contre l'Amérique? P. S.: N'étant pas un spécialiste de l'Islam, je me garderai de donner ma propre opinion sur l'éventuelle responsabilité de l'Islam dans les attentats du 11 septembre. Je suis frappé de voir que des commentaires diamétralement opposés ont été publiés à cet égard par des personnes que l'on peut a priori considérer comme des Par ailleurs, même si certains pensent que l'Islam conduit nécessairement à la Il me paraît en tout cas ridicule de proclamer, comme cela a été trop fréquemment fait depuis le M. G.: L'utopie libérale d'une société libre est-elle menacée par cette guerre selon vous? P. S.: L'utopie libérale n'est pas menacée par cette guerre, parce que les principes sont universels et éternels et que les chaos de la vie ne peuvent pas les atteindre. Ce qui est par contre caractéristique de notre époque et du manque de culture de nos concitoyens, c'est qu'on a vu fleurir partout l'idée absurde selon laquelle ces attentats étaient la preuve qu'une société libérale ne pouvait pas fonctionner correctement, en particulier parce qu'elle était incapable de se défendre. Nombreux sont donc ceux qui appellent à un renforcement des pouvoirs étatiques. M. G.: Vous êtes un libéral cohérent. Alors, selon vous, peut-on en appeler à l'État pour garantir la sécurité des citoyens? Dans une période de crise internationale, l'intellectuel libéral que vous êtes n'est-il pas tenté par le pragmatisme? P. S.: Il est évident que je ne crois pas que l'État soit capable de garantir la sécurité des citoyens. En effet, les hommes de l'État sont, par nature irresponsables et l'État fait donc toujours moins bien que des personnes privées unies par des liens contractuels. L'idée qu'il faille un État pour assurer la sécurité des citoyens est l'un des grands et dangereux mythes de nos sociétés. Nous sortons d'un XXième siècle atroce et qui a été atroce précisément parce que les États se sont fait la guerre. Ce sont les hommes de l'État, non les Et nous voyons, à une autre échelle, dans la vie quotidienne, que l'État est totalement incapable d'assurer notre sécurité. C'est lui qui a construit les banlieues sinistres et les HLM-poulaillers, c'est lui qui a favorisé une immigration de mauvaise qualité, c'est lui qui est incapable de sévir, c'est lui qui a le monopole d'une justice peureuse et sans moyens. Mais il est vrai que la tentation du pragmatisme existe toujours car devant les dangers immédiats, à l'intérieur comme à l'extérieur, on est tenté de se retourner contre la seule force qui existe, à savoir le monopole étatique (qui tient sa position précisément du fait qu'il interdit aux autres de le concurrencer). Nous devons évidemment souhaiter que, dans l'immédiat, l'État assure le mieux possible notre sécurité, mais demander en même temps qu'il soit concurrencé dans ces tâches.
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