Montréal, 24 novembre 2001  /  No 93  
 
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Marc Grunert enseigne les sciences physiques dans un lycée de Strasbourg et anime le Cercle Hayek, consacré à la réflexion et à la diffusion du libéralisme.
 
CHRONIQUE DE RÉSISTANCE
 
HARO SUR LES PSEUDO-SCIENCES
DE L'ÉDUCATION
 
par Marc Grunert
  
  
          On ne sait jamais si notre Pravda locale exprime son opinion, une vérité, ou si elle prétend donner simplement une information. L'article du Monde « interactif » (sic) « Jack Lang veut relancer la recherche sur l'éducation et la pédagogie » commence par une pétition de principe qui est en même temps un vrai chef d'oeuvre de jargon technocratique: « La rénovation du système éducatif passe par le développement et l'amélioration des recherches scientifiques sur l'éducation. » En clair: pour changer le système sans le changer, il faut développer l'organe qui le justifie, les « sciences de l'éducation ». 
  
          On y apprend que le ministre de l'Éducation nationale s'apprête à redonner des crédits et des commandes aux sciences de l'éducation. Taillée sur mesure pour renforcer le monopole public, cette science lyssenkiste n'est rien d'autre qu'une idéologie d'État.
 
Une science utile pour l'État 
  
          Lyssenko était un agronome soviétique. Il avait, dans les années 1930 à 1950, réussi à devenir le scientifique le plus honoré du régime en traitant de « réactionnaire » la génétique classique et en fabriquant de toute pièce une nouvelle « science » dont le seul critère de vérité résidait dans son utilité pour l'État, dans sa justification de l'idéologie officielle. 
  
          Nous avons donc aussi notre science préfabriquée, formatée pour justifier la machinerie de l'éducation nationalisée. Sciences de l'éducation ou Idéologie d'État? Notre Lyssenko du moment, Jack Lang a tout prévu pour que les « scientifiques » ne soient pas trop tentés de nier la Vérité officielle, l'utilité indiscutable de l'éducation nationalisée. « Pour la première fois », un programme incitatif de recherches sur l'éducation et la formation (Piref) sera lancé. Doté d'un financement propre, à hauteur de 40 millions de francs sur quatre ans, il devra permettre de relancer des recherches « trop rarement évaluées », « trop mal utilisées » et « trop peu coordonnées ». Et aux frais de qui tout cela, je vous le demande? Et pour quel résultat? Eh bien vous le saurez à la prochaine évaluation, puisqu'on vous le dit, tout est prévu dans le plan quinquennal. 
  
          Et quel sera l'objet des recherches? « Ce programme contribuera, selon le ministre, à identifier les enjeux majeurs dans le domaine de l'éducation et de la pédagogie pour, ensuite, proposer des thèmes de recherche. » On croit rêver, véritablement. Quel charabia, quelle langue de bois. On a vraiment le sentiment que la nomenklatura du ministère de l'éducation nationale ne croit plus à la vérité de l'idéologie mais seulement à sa fonction pratique: justifier leur existence. C'est comme ça que le système soviétique avait fini par s'effondrer. Trop de parasites, plus assez de croyants. 
  
     « On a vraiment le sentiment que la nomenklatura du ministère de l'éducation nationale ne croit plus à la vérité de l'idéologie mais seulement à sa fonction pratique: justifier leur existence. »
 
          Poursuivons notre découverte du lyssenkisme éducatif « rénové ». On nous dit que « Le Piref aura vocation à assister l'ensemble des organismes qui interviennent dans le domaine éducatif (IUFM, universités, grands établissements, école, INRP, etc.). Il devra également participer à la diffusion des recherches auprès d'un large public, et notamment des enseignants. » Ah, ça y est, l'atterrissage a eu lieu. Nous sommes au niveau des enseignants et donc des clients, les parents et les élèves. Cette litanie de sigles, véritable marque de fabrique du soviétisme à la française, PIREF, INRP, IUFM nous indiquent clairement que c'est toujours la même méthode centralisée, constructiviste, bureaucratique, soviétique, qui est à l'oeuvre. 
 
          Une clique d'experts va donc diffuser la bonne parole aux enseignants qui ne sont déjà plus que des marionnettes. Quant aux clients captifs, ils n'auront rien à dire; d'ailleurs ont-ils seulement la liberté du choix? 
 
          Et tenez-vous bien, nos chercheurs sont priés de tout reprendre à zéro. C'est qu'on s'y était mal pris avant. On avait plus ou moins fait confiance à l'expérience et à la liberté pédagogique (et là j'idéalise beaucoup) mais désormais, le « discours de la méthode » sous les yeux, on va commencer par la base de toute réflexion pédagogique: « concrètement, le ministère a demandé à l'Institut de lancer une recherche sur le thème "comment apprenons-nous?" pour mieux comprendre les processus d'apprentissage. » 
  
          Nul doute que le projet est prométhéen, nul doute non plus que c'est une vaste fumisterie qui coûtera cher et ne servira à rien. Cette approche est ridicule, bureaucratique. Et on voit bien que ces gens-là n'ont jamais su répondre à la question « comment satisfaire une demande? », et en l'occurrence une demande d'éducation. 
 
          Au lieu de faire confiance en la liberté, en l'intérêt qu'a le producteur de satisfaire une clientèle, en l'expérience des individus, l'éducation nationale, sous la houlette de Jack Lang, crée des commissions d'évaluations, dilapide l'argent dans une pseudo-science. Devrait-on dire plutôt que la bureaucratie investit dans son avenir? Ma foi, vu comme ça, au moins les choses sont claires. 
 
 
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