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Montréal, 5 janvier 2002 / No 95 |
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par
Martin Masse
L'édition du 4 janvier de La Presse nous informe que depuis le 11 septembre, |
Avec plus de 40% du PIB qui passe par le fisc, on aurait pu croire que
la Pousseux de crayon secrets Les N'importe quel agent de renseignement américain – en fait n'importe quel citoyen américain – aurait par exemple dû savoir qu'Oussama ben Laden préparait une attaque contre les États-Unis au cours des derniers mois. En effet, le 23 juin dernier, l'agence Reuters distribuait un reportage intitulé
Comment a-t-on pu laisser passer quelque chose d'aussi gros? Les conservateurs bellicistes et autres amants de l'État prétendent que c'est parce que le budget de la CIA a trop été réduit depuis la fin de la guerre froide et que les agences américaines de sécurité n'ont plus les moyens de faire leur travail correctement. Ce ne sont pourtant pas les structures bureaucratiques qui manquent. Voici la liste des agences américaines de renseignements que l'on connaît (on ne sait pas tout, ce sont des services secrets tout de même), incluant ceux que les Américains partagent avec leurs alliés: Central Intelligence Agency
The Department of Energy: DOE's Office of Intelligence The Department of Treasury: Treasury's Office of Intelligence Support Federal Bureau of Investigation – National Security Division The National Foreign Intelligence Board (NFIB) The Intelligence Community Executive Committee (IC/EXCOM) National HUMINT Requirements Tasking Center Central Imagery Office (CIO) President's Foreign Intelligence Advisory Board (PFIAB) President's Intelligence Oversight Board (IOB) Senate Select Committee on Intelligence (SSCI) House Permanent Select Committee on Intelligence (HPSCI) Selon le Christian Science Monitor, le budget global de toutes ces agences seraient d'au moins La réalité est que les agences de renseignement, malgré le glamour qui les entoure, sont des bureaucraties comme les autres, peuplées de bureaucrates comme les autres. Leur but n'est pas de remplir leur mission le plus efficacement et au coût le moins élevé possible, mais de protéger leurs intérêts corporatistes et d'accroître leur pouvoir. Agent 000 Un reportage du 1er janvier à la BBC nous informe qu'on s'attend à des changements importants dans les agences de renseignement de plusieurs pays à la suite des attentats du 11 septembre. Diverses enquêtes montreraient que les réglementations tatillonnes, les attitudes inflexibles, les analyses bâclées, sont le lot de ces agences et que cela doit changer radicalement si l'on veut combattre efficacement le terrorisme. Des échecs récents seraient dus non pas au manque d'information, mais aux querelles et rivalités intestines entre divers organismes et aux décisions politiques mal fondées. Le reportage cite Tom Blanton, qui dirige la National Security Archive à Washington: Pour survivre, une entreprise privée doit offrir des produits ou services de qualité à un prix compétitif. Lorsqu'elle échoue de façon systématique, elle perd ses clients et ferme ses portes, pour être remplacée par d'autres entreprises qui remplissent mieux la tâche. C'est ce qui fait que l'économie de marché est un système qui s'améliore constamment, qui produit toujours plus et qui tend le mieux à remplir les désirs et besoins des consommateurs. Au contraire, les bureaucraties n'ont pas de compte à rendre à leurs clients. Même si elles en doivent à leurs maîtres politiques – en général, des démagogues avides de pouvoir qui succombent plus facilement au lobby des syndicats et groupes d'intérêt qu'aux doléances des citoyens –, elles sont relativement autonomes et tout à fait à l'abri des pressions des consommateurs. Si elles sont peu efficaces et remplissent mal leur mission, le milieu politique en conclura qu'elles manquent de moyens et on votera un budget supplémentaire. Si elles échouent spectaculairement à leur tâche, comme les agences de renseignement en septembre dernier, on conclura qu'elles... manquent énormément de moyens et on votera un gigantesque budget supplémentaire. En fait, 9-11 aurait dû nous amener à conclure que l'État, dans ce domaine comme dans tous les autres, est incapable d'accomplir sa tâche. Aux États-Unis, non seulement le gouvernement crée-t-il l'insécurité avec sa politique étrangère et militaire interventionniste et impérialiste (voir A NON-INTERVENTIONIST FOREIGN POLICY WOULD HELP PREVENT TERRORISM, le QL, no 92), mais les agences qu'il a mis sur pied pour le renseigner sur les menaces que fait peser cette politique échouent systématiquement à le faire. On aurait dû plutôt en éliminer quelques-unes et réduire le budget des autres, ou encore mieux toutes les privatiser. Au lieu de cela, des budgets et des pouvoirs accrus entraîneront simplement plus de gaspillage et plus de guéguerres internes. Déprimant, mais ceux qui le souhaitent peuvent toujours fuir la réalité et fantasmer sur des agents secrets vraiment efficaces en regardant des films de James Bond...!
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Le Québec libre des |
Alexis
de Tocqueville
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