Pourtant, alors que les procès de Moscou (1935-1936) éveillaient
certaines consciences, le prix Nobel d'économie Kenneth J. Arrow,
pourtant très sensible à la question sociale et à
l'égalité des chances, déclarait: « L'économie
socialiste ne garantit ni la démocratie ni la liberté individuelle.
J'ai eu l'idée naïve qu'en l'absence de classe capitaliste,
il n'y aurait aucun intérêt à l'exploitation d'une
classe par une autre. Il était devenu évident que cette vision
n'était pas vraisemblable. Le défaut le plus grave était
la possibilité que le socialisme, en concentrant le contrôle
de l'économie dans l'appareil d'État, facilitât l'autoritarisme
ou même le rendît inévitable ». Un autre Prix
Nobel, Milton Friedman, a dit un jour: « ce qui est
extraordinaire avec la science économique, c'est que toutes ses
lois tiennent réellement en une page, mais leur simplicité
n'a jamais été acceptée par la plupart des gens
». Enfin, le professeur James Buchanan, lui-même lauréat
du prix Nobel d'économie, ouvrait la réunion de la Société
du Mont Pèlerin à Postdam en octobre 1999 par ces mots: «
Toute personne un tant soit peu éduquée et intelligente
sait que le coeur de la doctrine libérale réside dans la
conviction que c'est d'abord en élargissant le domaine de décision
individuel, au détriment des problématiques reposant sur
des projets collectifs, que l'on peut le mieux faire progresser la société.
»
Certes, on n'aime guère recevoir de leçons au pays de l'exception
culturelle, surtout pas de prix Nobel d'économie américains.
On serait en droit de reprocher aux Américains de tenir au secret
les « recettes » de leur croissance économique;
mais telle n'est pas leur attitude. Les résultats de la science
économique sont connus et sont de la connaissance commune que les
chercheurs s'empressent de diffuser à travers leurs publications.
Mais, les pays qui pâtissent d'une croissance faible sont aussi ceux
qui prétendent ne recevoir de leçons de personne. Ainsi,
c'est parce que l'on s'obstine en France à être sourd à
ces enseignements fondamentaux; c'est parce que l'on s'acharne, dans ce
pays bloqué, à vouloir traiter nombre de dossiers (retraite,
éducation, santé, protection sociale, emploi… etc.) sous
le seul angle collectif que nombre de ces dossiers sont aujourd'hui dans
l'impasse. Et l'impasse aboutit à la faillite et au
pourrissement. Aussi est-il urgent de rappeler quelques principes fondateurs
de la science économique que les modèles sophistiqués
ainsi que le jargon académique – et la langue de bois officielle
– ont tendance à oublier, à force de traiter les problèmes
sous le seul angle technique et spécialisé.
Précepte
1. Intérêt personnel : Personne
ne dépense l'argent des autres avec autant de soin que le sien propre;
il est donc facile d'être généreux avec l'argent des
autres alors que l'on a tendance à être rationnel avec le
sien.
Précepte
2. Croissance économique : La
clé de l'élévation du niveau de vie est de développer
l'épargne, la formation de capital, l'éducation et la technologie.
Précepte
3. Commerce : Lors de tout échange
volontaire, quand ils disposent d'une information précise, l'acheteur
et le vendeur sont tous les deux gagnants; de ce fait, une augmentation
du commerce entre individus, entre groupes ou entre pays est profitable
aux deux parties.
Précepte
4. Concurrence : Étant donné
la réalité universelle des ressources limitées et
des demandes illimitées, la concurrence est un fait universel qui
ne peut être abolie par décret gouvernemental. Mais, la concurrence
n'exclut pas la coopération.
Précepte
5. Coopération : Puisque
la plupart des individus ne sont pas autosuffisants, et que presque toutes
les ressources naturelles doivent être transformées pour devenir
utilisables, les individus – travailleurs, propriétaires, capitalistes
et entrepreneurs – doivent travailler ensemble dans le but de produire
des biens et services de valeur. Mais, la coopération n'exclut pas
la concurrence.
Précepte
6. Division du travail et avantage comparatif : Les
différences de talents, d'intelligence, de savoir et de propriété
conduisent à la spécialisation et à un avantage comparatif
détenu par chaque individu, entreprise ou pays. Il est donc peu
efficace de vouloir tout faire.
Précepte
7. Dispersion du savoir : L'information
sur le comportement du marché est si diverse, importante, changeante
et omniprésente qu'elle ne peut être saisie ni calculée
par une autorité centrale.
« Malheureusement, nos dirigeants sont encore entourés d'experts
qui considèrent que les ménages et les entreprises, qui sont
localisées à l'intérieur du territoire français,
doivent se comporter selon leurs modèles et leurs propres choix
politiques. » |
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Précepte
8. Perte et profit : Le profit
et la perte sont des mécanismes du marché qui indiquent ce
qui doit être ou ne pas être produit dans le long terme.
Précepte
9. Coût d'opportunité : Étant
donné les contraintes de temps et de ressources, il faut toujours
faire des arbitrages. Faire quelque chose demande de renoncer à
d'autres choses que l'on aurait aimé faire aussi. Le prix payé
pour s'engager dans une activité est égal au coût des
activités auxquelles on a renoncé.
Précepte
10. Théorie des prix : Les
prix sont déterminés par l'estimation subjective des acheteurs
(demande) et des vendeurs (offre), et non par un quelconque coût
de production objectif.
Précepte
11. Incertitude : Il existe toujours
une dose de risque et d'incertitude sur l'avenir, notamment lorsque les
gens sont libres d'effectuer des choix, de tirer des leçons de leurs
erreurs et de changer d'avis, ce qui rend délicate toute prédiction
sur leurs comportements à venir et conduit toute tentative de planification
à l'échec, du moins dans une société de liberté.
Précepte
12. Économie du travail : L'augmentation
des salaires sur le long terme ne peut être réalisée
que par une plus grande productivité, c'est-à-dire par davantage
d'investissements en capital pour chaque travailleur; le chômage
chronique est une conséquence de l'action du gouvernement qui prétend
décréter les taux de salaire.
Précepte
13. Contrôles du gouvernement : Les
contrôles des prix, des salaires ou des loyers peuvent bénéficier
à certains individus ou groupes, mais pas à la société
dans son ensemble; car, en fin de compte, ces contrôles créent
de la pénurie, du marché noir et une détérioration
de la qualité et des services. Les repas gratuits, ça n'existe
pas.
Précepte
14. Monnaie: Des tentatives délibérées
pour déprécier la monnaie nationale, ou baisser artificiellement
les taux d'intérêt, ou encore pour s'engager dans des politiques
d'argent facile conduisent inévitablement à l'inflation,
à des cycles prospérité/récession et aux crises
économiques. La monnaie est une expression de la richesse; elle
n'est pas la richesse.
Précepte
15. Le rôle de l'État : Le
gouvernement doit se cantonner à ce que les entreprises privées
ne peuvent pas faire; il ne doit pas s'engager dans des affaires que le
secteur privé gère mieux que lui ni, a fortiori, empêcher
les entreprises de faire ce qu'elles pourraient faire, au moins, aussi
bien que lui (en décrétant un monopole public par exemple).
La compréhension de ces préceptes ne suppose pas d'avoir
un doctorat en sciences économiques. Car, la science économique
s'intéresse à la façon dont les gens s'organisent,
agissent et évoluent effectivement dans la société
et à la manière dont ils parviennent à leurs objectifs
en mobilisant des ressources. Le consommateur ne prend pas telle ou telle
décision parce qu'un chercheur a prouvé qu'il était
optimal de le faire ainsi. Le chercheur aboutit à ce modèle
qui lui permet de prédire ce résultat parce qu'il a observé
des consommateurs agir en ce sens et qu'un chercheur objectif doit être
soucieux de prendre en compte et respecter les faits (avant ses propres
désirs). Malheureusement, nos dirigeants sont encore entourés
d'experts qui considèrent que les ménages et les entreprises,
qui sont localisées à l'intérieur du territoire français,
doivent se comporter selon leurs modèles et leurs propres choix
politiques. D'où leur prétention illusoire à réguler
l'économie et formater la société. Les hommes et femmes
politiques, prétendant aux fonctions suprêmes, se grandiraient
en proposant un État qui restaure les conditions de la liberté
en assurant la protection des droits fondamentaux à la propriété
(qui correspond à la liberté de disposer des fruits de son
travail), à la liberté de circulation et à la liberté
du travail.
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