Montréal, 2 février 2002  /  No 97  
 
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François Morin est conseiller financier dans la région de Québec.
 
BILLET
 
LIBERTARIEN VS POLICE DE QUÉBEC
 
par François Morin
  
  
          Vous vous demandez probablement de quoi retourne mon titre? Rien de bien palpitant je le crains, si ce n'est qu'une simple mésaventure qui m'est arrivée aux petites heures du matin, ce mardi 23 janvier 2002.  
  
          J'étais au volant de ma voiture sur le chemin Sainte-Foy à Québec lorsque les gyrophares d'une auto-patrouille apparurent dans mon rétroviseur. Mon vice allait être puni, je devais rouler 80km/h dans une zone de 50 km/h. Je me range lentement sur la bordure de la chaussée et j'attends sagement ma punition. 
 
          Je n'avais pas l'esprit à argumenter, ni même à me soucier de ce maudit ticket. J'avais hâte de quitter ces lieux et de poursuivre mon chemin. C'est dans cette attitude résignée du petit gars fautif qui attend pénard sa contravention que j'observais l'agente s'approcher de ma voiture à travers mon rétroviseur. 
  
          Je baisse ma vitre et j'attends le contact. 
  
L'agente: Êtes-vous pressé d'arriver quelque part?  
  
          Léger choc je dois l'avouer, je ne m'attendais pas à ce que les premières paroles de l'agente qui venait me punir soient celles-ci. Quel était le but recherché par cette question? Je m'attendais plutôt à quelque chose du genre: Saviez-vous que vous dépassiez la limite de vitesse? 
  
Moi: Non madame, je ne suis pas pressé. 
  
L'agente: Vous arrivez d'où comme ça? 
  
          Oh! Oh! mauvaise question à poser à un libertarien. Bon, je ne cherche pas le trouble, elle avait bien le droit de poser toutes les questions qui lui passaient par la tête, c'est à moi de choisir d'y répondre ou non. 
  
Moi: J'suis désolé madame, mais c'est personnel comme question. 
  
L'agente: C'est personnel? 
  
Moi: Oui madame, c'est personnel, ça ne regarde que moi. (Mon ton était détaché, très courtois. D'ailleurs il ne changea jamais.) 
  
          Bon, elle tentait vraisemblablement de savoir si je n'arrivais pas d'un bar ou quelque chose du genre. Quant à m'arrêter pour vitesse, pourquoi ne pas tendre la perche pour autre chose, si je mords, tant mieux pour eux. C'était de bonne guerre et bien que j'aurais préféré qu'elle ne s'intéresse pas à ma vie privée, je n'en faisais pas un drame. 
  
L'agente: Papiers, s'il vous plaît. 
  
          Je fouille dans mon bordel et je lui déniche mon permis de conduire ainsi que mes immatriculations. Je lui remets le tout. 
  
L'agente: Est-ce qu'elle est à vous la voiture... Ou est-ce que ça aussi c'est personnel comme question? 
  
          J'avais bien entendu, pas de doute, merde qu'est-ce qu'elle me veut à la fin? 
  
L'agente: Il me manque vos papiers d'assurance... à moins que ça aussi ce soit personnel? 
  
          Ça y est, je vais craquer!!! Je lui tends mes papiers d'assurance. 
  
Moi: Madame, je ne comprends pas votre attitude. Vous m'arrêtez pour vitesse et je ne le conteste pas. Pourquoi par contre me provoquez-vous? Est-ce que vous désirez m'accuser pour autre chose que l'excès de vitesse? 
  
L'agente: Comme ça c'est personnel d'où vous arrivez? 
  
          Merde, elle me cherche, elle me cherche, c'est de la provocation. 
  
Moi: Madame, quel est votre nom s'il vous plaît? 
  
L'agente: Mon nom c'est Jocelyne Gariépy [nom fictif] et mon numéro de matricule 3665 [idem]. Si vous voulez porter plainte allez-y. 
  
          Je n'en revenais pas, elle m'attaquait ouvertement et me narguait en me proposant de porter plainte. Est-ce que je vais finir par l'avoir mon foutu ticket que je décampe? 
  
          10 minutes plus tard... 
  
L'agente: Voici vos papiers et votre constat. 
  
          J'ai eu 10 minutes pour réfléchir, mes questions étaient prêtes. 
  
Moi: Au fait Madame, quel délit ai-je commis? 
  
          Je le savais très bien mais à part son allusion du départ elle n'en avait jamais parlé. C'était quand même le but de leur interception non? J'étais en droit de savoir.  
  
L'agente: Vous rouliez 80 dans une zone de 50.  
  
Moi: Est-ce que je peux voir la lecture du radar? 
  
L'agente: Il n'y avait pas de radar, je vous ai suivi. 
  
Moi: Ah bon, j'ai une dernière question pour vous Madame. 
  
          Au moment même où j'ai prononcé cette dernière phrase, elle m'a regardé droit dans les yeux, s'est retournée et a marché en direction de sa voiture.  
  
Moi: Madame Gariépy, j'ai une question à vous poser. 
Moi: Madame Gariépy! 
Moi: MADAME GARIÉPY... 
  
          L'agente ne s'est jamais retournée, elle a marché jusqu'à sa voiture et elle est montée dedans. J'y repense et je rage. C'était hallucinant. J'étais furieux. Toute la scène ne fut qu'un manque total de respect mêlé à du mépris et de la provocation. 
  
Si on n'a rien à se reprocher... 
  
          Je vais porter plainte au Comité de déontologie policière. Je n'ai pas beaucoup d'espoir mais bon, faut pas rester là à se croiser les doigts. 
  
          J'ai longuement réfléchi à toute la scène et je me suis demandé ce qui a déclenché cette attaque en règle contre ma personne. Esprit libertarien accouche d'une réponse libertarienne. Il n'y a aucun doute possible, le fait de refuser de répondre à une question tout à fait personnelle lui a mis le feu au derrière. On ne doit pas être habitué dans la police de se faire répondre: c'est pas de vos affaires d'où j'arrive (poliment, bien entendu).  
  
          Non mais, c'est la police après tout. Les gardiens de notre sécurité collective sont en droit de tout savoir et je gagerais ma chemise qu'à part moi et quelques hurluberlus, personne ne se refuse à leur répondre sur de telles banalités. Pourquoi avoir peur de leur répondre si on n'a rien à se reprocher? N'est-ce pas le premier principe de droit ça? Guilty until proven innocent? À moins que ce ne soit le contraire? Je sais plus.  
  
          Les gestionnaires de ma vie voulaient savoir d'où j'arrivais et comme je ne voulais pas leur dire, je devais avoir quelque chose à cacher. La logique tient parfaitement… pour la Russie ou l'Allemagne nazie. À compter d'aujourd'hui, je me fais un devoir de citoyen de déposer mon agenda personnel de la semaine à mon poste de police de quartier. Tous les lundis matins! Si on agissait tous comme le parfait citoyen que je vais devenir, il deviendrait tellement plus simple de nous gérer non?  
  
          Imaginez, la police vous intercepte à Lévis un lundi soir alors que votre agenda mentionne autre chose. Vous avez certainement commis un délit quelconque, hop on vous embarque pour interrogation. Au poste mon vieux. C'est pas merveilleux comme solution ça? La police connaît tous nos faits et gestes, plus besoin de nous poser des questions personnelles!!! De plus, qu'est-ce que la vie privée lorsque le bien commun est en cause?  
  
          J'ironise, j'ironise, mais l'attitude de cette agente de la paix, qui soit dit en passant est payée par moi, est tout à fait inacceptable. Est-ce généralisé comme attitude? Je me demande si nos policiers comprennent qu'ils sont à notre service et non le contraire. La pieuvre gouvernementale et toutes ses tentacules (lire: police et cie) cherchent par tous les moyens à savoir ce qu'ils n'ont pas à savoir. Il y a toujours une bonne raison d'ailleurs, sécurité publique, santé publique, protection du public, statistique publique, etc. Si vous ne voulez pas coopérer, pas de problèmes, on va passer une loi vous y forçant et comme la loi c'est la loi...  
  
          Qui sait, la prochaine fois, on découvrira peut-être une paire d'espadrilles dans le fond de ma voiture et on m'embarquera pour « activités terroristes ». Ben quoi, elles sont peut-être bourrées d'explosifs mes godasses, faudrait pas prendre de chances… c'est dans l'intérêt public! 
 
 
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