Montréal, 6 juillet 2002  /  No 106  
 
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Hervé Duray est étudiant à l'École Supérieure de Commerce de Grenoble et tient La Page libérale, un site dédié au commentaire des informations sous un angle libéral.
 
LA PAGE LIBÉRALE
 
LE NOUVEL ORDRE MORAL
 
 par Hervé Duray
  
  
          Ces jours-ci à Paris, comme dans beaucoup de métropoles sur toute la planète, était organisé un grand rassemblement, sobrement nommé « Marche des fiertés lesbiennes, gaies, bi et trans » (LGBT). 
  
          Soyons très clair, les choix sexuels des « LGBT » n'appartiennent qu'aux gens qui les pratiquent, entre personnes adultes et consentantes, dans leur intimité. Le fait d'approuver ou de désapprouver à titre moral ce comportement n'implique en rien pour un libéral de vouloir intervenir de façon politique, c'est-à-dire violente, pour amener les gens à le modifier. La liberté sexuelle est du même ordre que la liberté de culte: tant que vous allez à la cérémonie avec vos coreligionnaires, sans forcer personne à vous suivre, dans un lieu qui vous appartient, qui ira vous embêter? 
 
          Bien sûr en France la loi About Picard a sérieusement écorné la liberté de culte, mais il n'est aucunement interdit d'avoir des pratiques sexuelles minoritaires. Et les libéraux, notamment ici même au QL, dénoncent de telles lois (voir PAS DE SECTES S.V.P., NOUS SOMMES FRANÇAIS, le QL, no 88 et LA LIBERTÉ RELIGIEUSE MENACÉE EN FRANCE, le QL, no 85). Après cette mise au point nécessaire pour ne pas encourir l'opprobre et le néologisme « homophobe », je dois maintenant vous parler de cette marche, plus politique que festive. 
  
La course aux « droits » communautaires  
  
          Une manifestation, par définition, c'est un événement public. Ce n'est pas forcément politique en soi, un match de foot ou un concert ont peu de portée politique (encore que...). Néanmoins, pour une activité sexuelle, privée, intime au plus haut point, être exposée dans la rue, ce serait, pour reprendre la comparaison avec la religion, comme si vous alliez chanter la messe dans la rue. Choquant? C'est bien plus que la fête de la musique, qu'une brocante communale ou la fête du quartier!  
  
          Le contenu même de l'événement porte en lui les marques d'un choix individuel qui une fois affiché en public devient évidemment sujet à débat public lui aussi. Pas étonnant si la sexualité des uns et des autres est alors contestée! Ils ne connaissent donc pas l'adage « vivez heureux, vivez caché »? La meilleure forme de reconnaissance c'est l'indifférence pourtant... 
  
          Mais il y a plus que l'exposition de l'intimité: il y a un agenda politique derrière cette manifestation, poussé par des associations se réclamant apolitiques, mais revendiquant sans cesse des « droits ». Oui, vous lisez bien: ils revendiquent des droits liés à leurs préférences sexuelles. 
  
          Il y a effectivement des problèmes concernant les sexualités minoritaires et les changements de sexe (si cela est toutefois possible: on ne change pas ses gènes) au niveau légal. Par exemple, les litiges liés aux successions sont nombreux, le conjoint du même sexe n'étant pas reconnu légalement. Il y a bien sûr le problème symbolique du mariage avec ses extensions fiscales et l'adoption. Il y a les problèmes de logements sociaux ou de calcul d'allocations diverses.  
  
          Mais d'où viennent-ils ces problèmes? Ils viennent de l'État et du droit de la famille! L'État a décidé qu'une famille c'est un homme et une femme, et qu'il faut des dispositions fiscales spéciales pour les couples, que les héritages ne se transmettent pas entre personnes du même sexe, etc. Toutes ces questions n'ont pas à être traitées par l'État: un contrat suffirait à fixer les modalités d'un engagement (fidélité, assistance, communauté des biens…), qui fixe aussi la sortie de l'engagement (divorce) et bien sûr les questions d'héritage. Le contrat pourrait être qualifié de « marital » par les contractants, mais non reconnu par un État, il n'aurait pas cette appellation infamante de « mariage gay ». Si l'Église veut bien qualifier l'union de deux personnes du même sexe, ou une autre institution religieuse ou morale, tant mieux pour les mariés, mais l'État ne doit pas interférer dans les affaires privées entre personnes adultes. 
  
Vers un ordre moral sexuellement correct  
  
          Concernant les problèmes d'assurance divers, d'allocations et autres, c'est encore un effet de l'État-providence: il devient possible pour des groupes, au travers de l'État, d'imposer ses positions morales. Au contraire, par exemple, dans le secteur de l'assurance automobile ou des mutuelles santé, en mains privées, les discriminations n'existent pas: un homosexuel ne s'est jamais vu refuser son assurance auto à cause de son orientation sexuelle, pas plus qu'une mutuelle couvrant les personnes du foyer refusera ses services au conjoint du même sexe!  
  
     « Loin de réclamer moins d'État pour vivre tranquilles, les associations homosexuelles demandent des protections juridiques spécifiques: l'"homophobie", c'est-à-dire le fait de ne pas aimer les homosexuels, deviendrait crime, comme le racisme. »
 
          Certaines compagnies n'offrent d'ailleurs pas les mêmes avantages aux couples hommes/femmes qu'aux autres couples, mais là encore, ces compagnies perdront à la fois de la clientèle du fait de la mauvaise publicité, mais aussi peut-être du personnel quand certains avantages sont refusés aux couples homosexuels. Quant aux propriétaires de logement, s'ils ne veulent pas louer à des « LBGT », c'est eux-mêmes qu'ils punissent en se privant d'un locataire, mais c'est aussi leur droit le plus strict. Car c'est leur choix moral. Mais c'est bien là où le bât blesse. Car si les LBGT veulent pouvoir faire leurs choix, ils voudraient empêcher les autres d'en faire de même. 
  
          En effet, loin de réclamer moins d'État pour vivre tranquilles, les associations homosexuelles demandent des protections juridiques spécifiques: l'« homophobie », c'est-à-dire le fait de ne pas aimer les homosexuels, deviendrait crime, comme le racisme. D'ailleurs, un militant de 29 ans déclare au Monde à propos de son père: « Il était raciste avant d'être homophobe. De l'un à l'autre, il n'y a qu'un pas. » Et ça marche politiquement: « la droite a pris des engagements sur la loi pénalisant les propos homophobes », dixit Jean-Luc Romero, de l'UMP(1)! Sûr de son pouvoir de pression, alors même qu'il souhaite lutter contre le retour de « l'ordre moral », le président de l'Interassociative LGBT déclare que la marche de samedi est un « rappel à l'ordre ». Ils veulent donc bien substituer un ordre pour un autre, le leur contre celui qui précédait, avec les moyens de l'État. Et ils veulent imposer une discrimination « positive » en leur faveur au travers de lois pénalisant l'homophobie. 
  
          On voit bien où les associations veulent en venir en fait: dès lors qu'une personne s'opposera à ce que la communauté homosexuelle (et autres « bi » ou « trans ») ait un droit particulier, elle sera taxée d'homophobie. De même qu'il est interdit de parler d'immigration sous peine d'être raciste, parler par exemple des problèmes éventuels d'éducation au sein d'un couple homosexuel sera « homophobe ». Et ainsi personne ne pourra s'opposer à l'avancement de l'agenda politique des associations.  
  
          Vous ne me croyez pas? Jugez donc par vous-même avec ces quelques citations: « C'est traumatisant de se retrouver gouvernés par [...] des gens qui ont été aussi loin dans la verbalisation de l'homophobie », de dire Caroline Fourest, coprésidente de l'association Prochoix(2). La verbalisation de l'homophobie? kezako? C'est tout simplement avoir été contre le PACS, une sorte de mariage bis pour qui veut contracter, sans les avantages fiscaux du mariage. C'est oser dire que c'est une vision égoïste de la parentalité que de vouloir élever un enfant dans un couple homosexuel. C'est s'opposer politiquement à leur vision de la société. 
  
La tyrannie des homos de l’État  
  
          D'ailleurs, on voit que cette stratégie est mise en oeuvre avant même que le gouvernement ne prenne quelque mesure que ce soit. Ainsi, la président de SOS-Homophobie s'inquiète: « La droite cumule tous les pouvoirs. Qu'est-ce qui va la freiner? » Chez Act-up, la position officielle est: « On sait que sous un gouvernement de gauche on lutte pour obtenir des choses. Sous un gouvernement de droite, pour éviter d'en perdre » 
  
          Si vous doutiez des intentions des associations « LGBT », maintenant vous savez: elles travaillent pour faire de l'État le garant de leur ordre moral. Un aperçu de leurs projets: « Il faut que l'on cesse, à toutes les demandes d'égalité, de nous opposer cette notion d'"ordre symbolique" de la différence des sexes », dixit René Lalement, président de l'Interassociative lesbienne, gaie, bi et trans. Traduction: adieu l'homme et la femme, voici le « gender », l'être légalement asexué. Bientôt les références à la famille ou aux parents devront être effacées, puisque c'est de l'homophobie, une référence insupportable à l'ordre moral!  
  
          En somme, les associations homosexuelles souhaitent ni plus ni moins remplacer la tyrannie précédente par la leur, avec la complicité de l'État. Ce n'est pas avec ce genre de méthodes et de discours qu'elles auront mon approbation. Qu'elles demandent plutôt de replacer les questions d'ordre sexuel là où elles auraient toujours du rester: dans la chambre à coucher! 
  
  
1. L’Union pour la Majorité Présidentielle, parti de Jacques Chirac.  >>
2. Pascale Krémer, « La Gay Pride sous le signe de la vigilance », Le Monde, 1er juillet 2002.  >>
 
 
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