Montréal, 31 août 2002  /  No 108  
 
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Carl-Stéphane Huot est étudiant en génie mécanique à l'Université Laval, à Québec.
 
SCIENCES, INDUSTRIES ET SOCIÉTÉ
 
TRANSPORTS: UN MAILLON ESSENTIEL
DE LA MONDIALISATION
(seconde partie)
 
par Carl-Stéphane Huot
 
 
          Je poursuis aujourd'hui mon exploration des enjeux du domaine des transports. Après les transports maritimes, je passe maintenant aux transports terrestres et aériens, qui sont un peu mieux connus.
 
Dans le ciel... 
  
          Les avions sont de tailles diverses, allant de petits ultra-légers aux grands transporteurs Boeing 747 ou Airbus A380. Cependant, cette analyse ne concerne que le transport des passagers et du cargo, et non ce que je pourrais appeler le divertissement: les propriétaires qui possèdent un petit appareil et volent pour le plaisir. Mentionnons aussi dans cette catégorie les appareils de servitude, soit les avions Canadair, avions ambulance, avions pour arroser les pesticides dans les champs et toute la catégorie militaire. 
  
          La conception des avions est un processus très long et très coûteux. À cause des coûts très élevés de construction, d'entretien, de personnel et de carburant, les ingénieurs en aéronautique sont amenés à calculer avec une extrême précision les dimensions requises des diverses membrures de manière à maximiser le fret payant. Cela implique l'utilisation de matériaux ayant une très grande résistance par rapport à leur poids, comme l'aluminium, le magnésium et aussi, depuis quelques années, les composites et les plastiques, dont les problèmes sont mieux contrôlés. Cela veut aussi dire l'utilisation de marges de sécurité plus faibles, de l'ordre de 3 fois la charge prévue au lieu de 4 dans d'autres domaines. 
  
          L'aviation est très peu utilisée par l'industrie pour le transport de biens. Les frais élevés du transport aérien font en sorte que seuls les passagers, les lettres et colis postaux peuvent être transportés de façon vraiment rentables par avion. Il existe deux exceptions vraiment notables toutefois. Premièrement, le transport des papayes fraîches, qui doit être réalisé par avion – parce que les fruits doivent être consommés dans les jours suivant leur cueillette, à défaut de quoi ils ne seront plus comestibles – et deuxièmement, le transport en région éloignée, comme l'Arctique canadien. 
  
          Le transport aérien est en pleine mutation, et pas seulement à cause des attentats du 11 septembre. Ces dernières années ont vu apparaître des transporteurs à prix réduits qui commencent sérieusement à inquiéter les plus grands transporteurs d'Amérique du Nord, d'Europe et d'Asie, comme on peut le constater en consultant leurs rapports annuels. En effets, tous en parlent comme étant leur principal défi dans les prochaines années. Ces nouveaux transporteurs, qui misent sur un service à prix et service réduits, s'appuient d'abord sur une flotte moderne, moins coûteuse en carburant et ne possèdent que très peu de types d'appareils, un ou deux généralement, de manière à réduire l'inventaire de pièces. 
  
          Ensuite, en maximisant l'automatisation, et en misant sur les technologies de l'information, comme l'internet pour les réservations, ces entreprises pensent pouvoir diminuer sensiblement le personnel requis par appareil, qui est actuellement entre 130 et 170 personnes/avion selon les compagnies. Compte tenu de ce qui précède, nous pourrions voir, au cours des prochaines années, la disparition ou la séparation en plus petites entités de nombreux transporteurs. En effet, les transporteurs traditionnels « à service complet » vont devoir réduire sensiblement leur offre, et créer de nouvelles entités « à rabais » pour suivre les consommateurs.  
 
     « Au Canada, en raison notamment des monopoles gouvernementaux et syndicaux sur les ports, il demeure extrêmement coûteux d'embarquer et de décharger la marchandise, ce qui grève les prix en faveur du camion. »
  
          Cela, bien sûr, déplaît souverainement aux syndicats, qui hurlent à qui veut l'entendre qu'il ne s'agit là que d'une astuce pour leur soustraire des membres et créer de manière artificielle des concurrents susceptibles de les forcer à revoir à la baisse les avantages consentis à leurs membres. C'est présentement le cas avec le syndicat des employés d'Air Canada, qui voit d'un mauvais oeil l'arrivée de Zip, le transporteur à rabais propriété d'Air Canada. Ils sont en pleine préparation d'une demande devant le Tribunal canadien du travail pour faire reconnaître Zip comme partie intégrante d'Air Canada, de manière, ultimement, à empêcher Zip d'offrir ses services à rabais. 
  
          Ceux qui ne le feront pas risquent fort de se retrouver en faillite assez rapidement et j'espère que dans ce cas, nos chers gouvernements refuseront de les renflouer. Le consommateur aura alors choisi un produit différent, et empêcher cette évolution à coup de subventions et de prêts n'y changera rien. 
  
...comme sur terre 
  
          Le transport terrestre est le fief des liaisons intracontinentales. Il se divise en trois, soit le transport par pipeline, le transport par camion et le transport par train. Nous pourrions aussi rajouter dans ce lot les canaux, fleuves et rivières, qui, en Europe surtout, sont assez bien développés. Cette alternative aux moyens purement terrestres est assez intéressante dans bon nombre de cas. 
  
          Les pipelines sont limités aujourd'hui aux transports liquides et gazeux, surtout le pétrole, le gaz, et accessoirement l'eau. Bien qu'ils soient notamment vulnérables en cas d'attaque terroriste directe, et qu'ils ont fait l'objet de nombreuses critiques durant la Guerre froide – surtout ceux qui reliaient l'ancienne URSS à l'Europe de l'Ouest –, ils n'ont qu'une importance relative et peuvent aisément être remplacés par les transports maritimes ou terrestres, à un coût un peu plus élevé toutefois. 
  
          L'analyse des deux autres moyens de transports doit se faire dans l'optique qu'ils sont concurrents sur un même marché. Ainsi, pour un transport donné, ce sera le plus économique qui aura le contrat. Pour calculer ces coûts, il nous faut d'abord tenir compte de la quantité à expédier chaque fois. Pour être économique, le transport par train doit généralement se faire sur des charges au moins deux fois plus lourdes que le transport par camion. Cela exige donc de tenir compte des coûts d'immobilisation dans les entrepôts de l'entreprise et du client. Cependant, l'avantage du train est que le transport par rail en lui-même coûte moins cher, parce qu'il demande moins de carburant et moins de main-d'oeuvre pour une charge donnée.  
  
          Les dimensions de ces engins varient énormément. Pour le train, il n'est pas rare que l'on puisse voir 12 000 tonnes de marchandises tractées par trois locomotives. Pour le camion, cela va de la petite camionnette de livraison du supermarché au train routier, qui comportera jusqu'à trois remorques de 40 pieds – 12,2 mètres – dans l'arrière-pays australien. 
  
          Ici encore, l'aspect environnemental préoccupe bon nombre de gens, en particulier l'utilisation intensive du camion et surtout en Amérique du Nord. Les critiques préféreraient que l'on utilise d'une manière plus intensive le bateau, ou à défaut le train, beaucoup moins polluants. Au Canada, en raison notamment des monopoles gouvernementaux et syndicaux sur les ports, il demeure extrêmement coûteux d'embarquer et de décharger la marchandise, ce qui grève les prix en faveur du camion. Cependant, le train est en train de remonter tranquillement la côte, surtout depuis que le Canadien National (CN) a été privatisé dans les années 90. Aujourd'hui, il s'agit d'une entreprise modèle, qui permet de sauvegarder l'environnement et les routes à chaque fois qu'elle réussit à sortir un camion du marché des transports. 
  
Syndiquer les camionneurs 
  
          Un autre aspect me fait par contre grincer des dents. Il s'agit de la syndicalisation forcée de l'ensemble des camionneurs au Québec. Rappelons un peu cette histoire, notamment pour nos lecteurs européens. Depuis de nombreuses années, il existe au Québec une suroffre de transports par camion, qui s'est traduite par une baisse sensible des prix. De nombreux camionneurs, séduits par l'idée d'être leur propre patron, se sont improvisés propriétaires, sans vraiment s'y connaître. 
  
          Résultat: plusieurs se plaignaient d'être sous-payés et d'être exploités par les entreprises. Le réseau de télévision TQS, au Québec, a par exemple rapporté le cas d'un camionneur qui avait accepté de faire un transport entre Québec et Détroit au États-Unis. Celui-ci est arrivé avec 4 heures de retard, parce qu'il était matériellement impossible de faire ce transport dans les temps impartis. Il a ainsi perdu 240 $. Un dollar par minute de retard, parce qu'il ne s'est même pas demandé s'il pouvait le faire. Combien de ceux qui se plaignent sont comme lui, et acceptent de travailler pour rien? Je ne le sais pas, mais celui-là n'aurait certainement pas dû s'improviser propriétaire de camion. 
  
          Profitant des largesses de nos tribunaux, qui ont accepté que des travailleurs indépendants se syndiquent pour négocier avec leur(s) patron(s) commun(s), les syndicats du Québec ont lancé un vaste mouvement pour mettre en coupe réglée cette industrie et suppléer à la loi de l'offre et de la demande, qui n'apportait pas assez aux propriétaires d'entreprises de transport. Il est cependant à prévoir qu'un grand nombre d'entreprises choisiront de transporter par train ou de déménager leurs pénates ailleurs. Aussi, cela voudra probablement dire l'éclosion d'un marché noir parallèle du transport par camion, comme pour l'industrie de la construction, gangrenée par les syndicats. 
  
          Les transports sont essentiels dans le monde en pleine mutation dans lequel nous vivons. Les enjeux sont nombreux. Le 11 septembre nous a montré notamment une Amérique frileuse, prête à fermer ses frontières au besoin, causant de nombreux problèmes aux entreprises canadiennes et mexicaines. Plus que jamais, les biens doivent pouvoir franchir les frontières de façon à assurer la prospérité de tous.  
  
 
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