Tout d'abord, quel problème y a-t-il si d'autres jouissent de la
même chose que nous? Tant mieux, si d'autres en profitent! Pourquoi
en être jaloux? La civilisation, la langue, la culture, la beauté,
la science, les bonnes manières, la bonne atmosphère qui
règne dans un marché libre, sont autant de «
biens » dont tous jouissent sans que nul n'ait à s'en
plaindre. Y a-t-il des jouissances impossibles à rendre exclusives
qui perdent leur valeur dès lors que des tiers en profitent aussi?
Si la réponse était « oui », alors
ces jouissances, à la fois impossibles à rendre exclusive
et sans valeur (subjective) une fois partagées, sont intrinsèquement
sans valeur. De telles pseudo-jouissances ne seront pas financées
par des individus libres, et c'est tant mieux, car elles ne valent en fait
rien. L'État ne peut faire que du mal en finançant de telles
jouissances qui n'en sont pas, car elles perdront leur valeur par leur
partage même! Si la réponse est « non »,
alors il n'y a aucun problème à ce que ces tiers profitent
d'externalités positives(2)
et ils ne sont pas une gêne à la réalisation de telles
jouissances partagées – au contraire, ils sont des partenaires potentiels
pour financer ces jouissances.
Plaçons-nous donc dans ce dernier cas où le but est de coordonner
le financement d'une jouissance concernant de nombreuses personnes, aucune
n'en profitant assez pour financer seule la chose, et aucune ne pouvant
exclure les autres de la jouissance a posteriori. C'est donc dire
que la coordination doit avoir lieu a priori. Et alors? Le fait
de réunir des capitaux pour une entreprise commune est typiquement
le genre de chose que les marchés libres font de manière
juste, efficace, responsable. C'est une affaire de communication, de marketing,
d'information, de capital confiance, d'investissement à long terme,
etc(3).
En quoi l'État est-il une « solution »?
Il ne fait qu'introduire la coercition et l'irresponsabilité dans
ce qui était sinon une affaire libre et responsable. Diminue-t-il
le marketing, la publicité, ces phénomènes honnis
par nos élites gauchistes bien pensantes? Que nenni! Il remplace
les campagnes d'informations responsables (car financées à
hauteur des bénéfices escomptés par des individus
passibles de poursuites en cas de tromperie) par de la propagande et du
marketing politique irresponsables (car financés par les contribuables
contraints et forcés et les lobbies repus de rackets politiques,
et vecteurs de mensonges et promesses jamais tenues dont les auteurs s'auto-amnistient
si on ose les poursuivre). Pire encore, au lieu des investissements sur
vingt, trente ans et plus, typiques des fonds de pension privés,
ou les investissements sur de nombreuses générations, typiques
des familles dont les successions ne sont pas pillées par l'État,
les États sont le lieu d'une gestion des problèmes au jour
le jour, où les intérêts du public ne sont pris en
compte que dans la mesure où il y a un contrôle électoral,
forcément très lâche, dont l'influence confine toute
prise de décision à ne rien considérer au-delà
de l'horizon du prochain mandat électoral.
La
religion étatiste et son orthodoxie démocratique
Bien loin de résoudre le moindre « problème »
d'externalité, l'étatisme ne fait que concentrer ces externalités
en une externalité centrale, gigantesque, démesurée,
celle du choix du gouvernement. Alors que dans un régime de liberté,
chacune des externalités peut trouver une solution adaptée,
soucieuse des droits de chacun, la politique force à chercher une
solution simultanée à la gestion de toutes ces externalités,
dans une vente forcée titanesque, qui constitue une injure au droit
de chacun et repose ultimement sur la promesse d'écraser les mécontents
dans le sang. Faut-il moins de marketing, de lobbying, pour convaincre
un gouvernement de financer tel projet, qu'il n'en faudrait pour convaincre
les individus concernés? Certainement pas(4).
D'autant moins quand ce gouvernement est issu des urnes, et qu'il faut
auparavant faire un lobbying monstre pour convaincre non pas les 1% à
10% de contributeurs responsables et concernés suffisants pour financer
tel ou tel projet, mais les 51% d'électeurs irresponsables et ignorants
nécessaires pour infléchir la politique du gouvernement(5).
Au lieu qu'il y ait autant d'institutions responsables qu'il y a d'«
externalités » à gérer, chaque dirigeant
devant bien gérer ses affaires sous peine de faire faillite et de
perdre alors sa charge au profit de meilleurs gestionnaires, il y aura
un gros monopole irresponsable, dont la faillite permanente sera à
la charge des contribuables, et à la tête duquel les électeurs
mettront un démagogue choisi pour être le moins insupportable
parmi les multiples maux proposés. Le problème est-il dans
la disparition d'un prétendu sentiment « citoyen »
de responsabilité publique? Mais ce sentiment n'a jamais existé.
Pire encore, c'est l'État, en expropriant les individus de leur
droit de vivre librement selon leurs choix personnels, qui a aboli le sentiment
de responsabilité qui vient naturellement à chaque propriétaire.
Non vraiment, ceux qui voient dans le gouvernement la solution à
quoi que ce soit se mettent le doigt dans l'oeil. Qui plus est quand le
gouvernement, démocratiquement élu, est censé créer
la coordination a posteriori, alors même que ses actions sont
censées dériver leur pouvoir et leur légitimité
de leur conformité à une coordination a priori. En
fait, l'étatisme, en légitimant certaines formes de coercition,
crée des externalités négatives, qui sont le problème
même, la sources des conflits, de la destruction, des comportements
irresponsables dans la société. Par opposition, le libéralisme,
par la définition de droits de propriété, internalise
toutes les ressources contestées, et en responsabilise ipso facto
l'usage; il ne laisse que des externalités positives, qui ne sont
pas des problèmes mais autant d'opportunités de progrès
et de coopération.
L'étatisme,
croyance superstitieuse en l'auto-humiliation
Les étatistes n'ont rien compris à la structure des relations
humaines. Leur vision du monde procède d'un mode de pensée
magique, celui des enfants en bas âge: le mode de pensée selon
lequel il suffirait de crier, pleurer, implorer, ou faire la bonne incantation
pour que soudain la manne vienne d'en haut, provenant directement de la
réserve inépuisable des dieux-protecteurs qui travaillent
pour nous. Or, le marché est une structure d'individus libres qui
chacun ont leur tête et leur âme, mais de par sa nature, il
n'est pas lui-même une personne avec une tête, une âme.
Il n'est pas possible de faire une prière, de se prosterner à
ses pieds, pour qu'il exauce d'un coup de baguette magique les fantasmes
absurdes des oisifs qui aimeraient avoir tout pour rien – bref, les candidats
au parasitisme, tous ceux qui se bercent de l'illusion de jouissances obtenues
magiquement sans travail (du moins pour eux) détestent le marché,
cette réalité humaine qu'ils ne peuvent appréhender;
ils appellent de leur voeu un Dieu à adorer, un Léviathan
aux pieds duquel se vautrer, un roi ou un sorcier qu'ils flatteront, auquel
ils obéiront, devant lequel ils s'humilieront, pour qu'il réalise
leur voeu de jouissance oisive(6).
Or, ce voeu peut à la rigueur être réalisé pour
une caste de privilégiés – les courtisans du pouvoir, ses
ministres et ses spadassins – qui vivraient des efforts d'une masse opprimée
et asservie. Une telle chose est sans doute immorale, injuste, méprisable;
elle est néanmoins possible et réaliste, et moult fois réalisée.
Ceux qui souhaitent rester ou devenir de tels privilégiés
sont des « ennemis du peuple », en
guerre, ouverte ou secrète, avec tous ceux qu'ils veulent opprimer;
mais du moins sont-ils cohérents, et peuvent-ils arriver à
leurs fins. C'est d'ailleurs historiquement ainsi que sont nés tous
les États – des machines à conquérir, à opprimer,
à broyer toute opposition. C'est aussi ainsi qu'ils se maintiennent;
ce qui les caractérise demeure d'être des monopoles de la
force, obtenant par la coercition ce que nul ne pourrait obtenir du libre
consentement d'autrui, au bénéfice d'une caste privilégiée.
Par contre, ce voeu n'est pas réalisable comme bénéficiant
à tous; car il n'y a pas de baguette magique. La seule baguette
qui existe est celle qui sert à opprimer, à réprimer,
à comprimer, à détruire. Les étatistes auront
beau promettre, l'État ne pourra jamais créer. Les hommes
de l'État auront beau réunir ici un tas de richesse, ils
ne le pourront qu'en prélevant ces richesses et davantage auprès
de leurs victimes. Ils auront beau prendre de force, puis redistribuer
une partie, conjuguer le bâton avec la carotte, ils ne pourront jamais
donner plus qu'ils ne prendront – ils donneront même toujours moins,
car la coercition est un jeu à somme négative. Ils pourront
s'arranger pour que les gains marginaux à coopérer, et les
pertes marginales infligées aux dissidents soient tels et telles
qu'ils s'assurent la servitude volontaire des masses (et dans une certaine
mesure, toute servitude est volontaire). Ils pourront même emprunter,
c'est-à-dire détruire les richesses futures, pour acheter
le consentement présent. Mais ils ne pourront pas faire que l'État
crée à partir de rien; ils ne pourront pas faire qu'il donne
plus qu'il ne prend. Ils n'auront jamais comme tout moyen d'action que
la coercition, et ils ne pourront jamais faire de la coercition un acte
positif. L'État-providence en général, et l'État
garant de tels services en particulier (défense, justice, sécurité,
hôpitaux, recherche, éducation, routes, télécommunications,
etc. – la liste n'a pas plus de raison de s'arrêter qu'elle n'avait
de commencer), est un donc mythe sans fondement. Ce mythe peut servir à
tromper les masses rationnellement ignorantes, et à obtenir plus
facilement de ces masses le consentement à leur servage (et le meilleur
escroc est toujours celui qui croit à son boniment); il ne sera
jamais une réalité. Ce n'est qu'une superstition.
L'obscurantisme
religieux des étatistes
D'une intolérance religieuse extrême, les étatistes,
s'ils sont trop lâches pour rien faire isolés, sont prêts,
en meute, à user de toute la panoplie de la coercition – de l'enrégimentement
obligatoire des enfants, à la spoliation des dissidents et à
l'emprisonnement voire l'exécution des résistants – pour
forcer ceux qui n'adhérent pas à leur religion à payer
hommage et tribut à leur Dieu-État, et à nul autre.
Mais, plus que tout, ils abhorrent l'idée, que des esprits plus
libres qu'eux puissent se passer d'une superstition similaire à
la leur, car cette liberté les met face à leur abjection.
C'est ainsi qu'ils haïssent la liberté du tréfonds de
leur âme, et qu'ils ont horreur de son expression, le marché
libre.
« D'une intolérance religieuse extrême, les étatistes,
s'ils sont trop lâches pour rien faire isolés, sont prêts,
en meute, à user de toute la panoplie de la coercition pour forcer
ceux qui n'adhérent pas à leur religion à payer hommage
et tribut à leur Dieu-État, et à nul autre.
» |
|
En effet, on peut voir l'État comme une entité personnelle,
identifiée à ses dirigeants, sensible aux flatteries, influençable,
et susceptible de donner tout pour rien (du moins sans que le coût
ne retombe, en apparence ou en réalité, sur le bénéficiaire
de chaque largesse accordée), et située au-dessus de la société;
on peut oublier tous les phénomènes qui, dans cette société,
sont constitutifs de l'émergence de l'État en particulier
et du fonctionnement social en général. Mais on ne peut pas
du tout implorer un marché libre, l'influencer oisivement, par la
prière ou la magie, par l'auto-humiliation ou la corruption. On
ne peut pas tricher avec un marché libre. On ne peut parasiter un
marché qu'en usant de la force et de la tromperie – bref, en abolissant
sa liberté, en établissant un État. Le marché
libre refuse d'être un Dieu et de se laisser adorer; les superstitieux
doivent l'enchaîner avant de pouvoir l'adorer, et l'enchaîner
toujours davantage pour en extraire des « miracles »
payés au prix du sang.
Les
lois de la nature se fichent bien des superstitions
Une société libre, basée sur le respect des droits
individuels de propriété, est une structure complexe constituée
d'innombrables réseaux interpersonnels, et n'est pas réductible
à une poignée de personnes ou de dieux personnels. La structure
de ce tissu social dont les fibres sont des relations entre individus est
essentiellement invisible et ineffable, dépassant toute compréhension
complète; de même que tout phénomène naturel,
elle est néanmoins régie par des lois physiques, c'est-à-dire
des lois de la nature, connaissables au même titre que les lois de
la mécanique ou de la chimie.
Les étatistes croient pouvoir échapper à cette complexité
par la superstition, et croient pouvoir s'affranchir des lois de la nature
en les ignorant. Mais tels des autruches se cachant la tête, ils
ne changent pas la réalité en refusant de la voir. Dans une
société étatique, la poignée de personnes visibles
n'est que la partie émergée de l'iceberg; la société
dans son ensemble reste une structure soumise aux lois de la nature; les
forces exercées sur ce point névralgique – ou plutôt
cette tumeur – qu'est l'État se répercutent nécessairement
dans tout le système, sans pouvoir violer ces lois sociales universelles.
La réduction de la société à son gouvernement,
qui serait une entité extérieure au système et au-dessus
de ses lois, n'est qu'une illusion, d'où découlent les absurdités
que profèrent les étatistes. Mais du moins cette réduction
conceptuelle peut faire illusion dans le cas d'une société
étatique, tandis que la réalité est incontournable
dans le cas d'une société libre.
C'est ainsi que toute action effectuée par l'État, et justifiée
par les étatistes au nom de calculs faits dans leur modèle
faux où l'État est une entité externe et supérieure,
engendre dans la société dans son ensemble réaction
égale et opposée qui compense les bénéfices
escomptés de leur action, avec au bilan une destruction nette égale
à la coercition mise en oeuvre pour faire appliquer leurs actions.
Le sophisme essentiel sous-tendant toute la « logique »
étatiste est donc celui de ce qu'on voit et ce qu'on ne voit
pas(7):
les étatistes, pour satisfaire leur pensée magique, se raccrochent
à un système où ils peuvent voir et comprendre les
effets positifs bien visibles obtenus en agissant et ne veulent surtout
pas considérer tous les effets secondaires négatifs de leur
action. Ces effets ne sont pourtant qu'une réaction, et le lien
de causalité qui lie leur action à cette réaction
est certain et nécessaire, car il procède inéluctablement
des lois sociales de la nature. Ce lien est toutefois invisible à
l'oeil, seulement accessible à l'intellect, et incompréhensible
pour quiconque se place dans leur paradigme fallacieux. C'est cette incapacité
à vouloir comprendre ou accepter les mécanismes de base de
la société, les lois sociales fondamentales, ou plutôt
cette volonté de ne pas comprendre, cette complaisance à
accepter un paradigme simpliste, qui fait que les étatistes se sont
détournés du respect de la dure mais féconde Liberté
pour se tourner vers ce Dieu faiseur de miracles mais funeste qu'est l'État.
La
personnification du marché en un épouvantail écervelé
Puisque le marché libre ne se laisse pas personnifier comme un Dieu
vénal se laissant corrompre par leurs offrandes oisives et veules
et répondant à leurs simples prières par des miracles,
les étatistes souvent personnifient ce marché comme un esprit
malin dénué de coeur, qu'il ne faudrait laisser jouer que
sous la surveillance de leur Dieu-État. Ce démon négatif
leur est un bouc émissaire facile à blâmer en cas d'insuccès
ou de catastrophe, facile à accabler en cas de malheur, puisqu'il
n'a pas de porte-parole pour le défendre; on peut en profiter pour
le traiter de stupide et déficient. Les grands prêtres économistes-statisticiens
sous la houlette du gouvernement se chargeront d'interpréter les
humeurs de ce démon muet et de justifier toute intervention de l'État
à son sujet, tandis que les bourses d'échanges, sous contrôle
de l'État, feront office de figures à conspuer publiquement,
à haïr aussi bien si elles prospèrent que si elles font
des pertes.
Le concept de « déficience du marché
» est un mythe étatiste dont la justification est circulaire
et non fondée. Les étatistes présupposent que l'État
peut faire mieux, qu'Il dispose de toute l'information dont dispose le
marché et plus encore, qu'Il est constitué d'êtres
supérieurs situés au-dessus des lois sociales, et que Ses
désirs sont des ordres à laquelle la nature elle-même
se plie. En l'occurrence, la seule déficience, c'est la déficience
mentale de ceux qui personnifient des entités abstraites comme «
marché » et « État »,
et en font des dieux aux pouvoirs illimités et aux désirs
arbitraires, d'où ils tirent des conclusions absurdes. La seule
façon rationnelle de comprendre ce qu'est un marché libre,
et ce qu'est un marché dirigé ou réglementé
par l'État, c'est de les analyser comme des systèmes d'interaction
entre individus; et la distinction à laquelle on aboutit nécessairement
est que le premier est basé sur la liberté et la responsabilité,
tandis que le second est basé sur la coercition et l'irresponsabilité.
La prochaine fois que vous verrez dans un reportage ou lirez dans un article
la description des superstitions de telles ou telles sociétés
primitives, et de leurs offrandes rituelles à tel ou tel Dieu protecteur,
ne riez pas. Et ne vous étonnez pas non plus que les sociologues
gauchistes prétendent que toutes les croyances se valent. Car effectivement,
les croyances des gauchistes et autres étatistes ne valent pas mieux
que les superstitions des peuplades les plus frustes. Les étatistes,
pas moins que les barbares les moins civilisés, adorent un Dieu
dont ils attendent des miracles qui violent les lois de la nature, pourvu
qu'ils s'humilient devant lui, et lui fassent le sacrifice humain des quatre
cinquièmes de leur vie (ou si possible de celle des autres), dans
le respect de ses rituels administratifs et électoraux. Cette religion
se maintient par l'apprentissage obligatoire d'un corps dogmatique de croyances,
enseignées dans des cours de catéchisme rebaptisés
« éducation nationale » par
des commissaires politiques formés dans les sempiternelles universités
de théologie, d'où l'on répand les superstitions sur
lesquelles repose la croyance en le Dieu-État moderne. L'étatisme
n'est que la forme moderne de la magie noire(8).
1.
Cette justification en termes de bien public est le cas général
de tout un ensemble de justifications particulières données
concernant un « bien public » spécifique
ou une catégorie particulière de « biens
publics »: sécurité (police, justice,
armée), infrastructure (transports, télécommunications,
éducation, santé), « harmonisation »
de tel ou tel service (information, éducation, langue, droit, nourriture,
standards industriels), certification (identité, cadastre, notariat,
conformité à des normes industrielles), etc. >> |
2.
Dans le jargon économique, une externalité est tout effet
subit par un tiers non consentant lors d'une action ou transaction. L'externalité
est dite positive si l'effet est considéré comme bénéfique
par la tierce personne, et négative s'il est considéré
comme nuisible. Nul ne se plaint d'une externalité positive. Le
problème est celui des externalités négatives. La
« solution » étatiste aux externalités
négatives est de créer des « biens publics »
sous gestion politique, avec une justice pénale pour punir ceux
qui violeraient les règles édictées par le pouvoir,
indépendamment de toute victime réelle. Dans un tel système,
il est impossible d'évaluer les pertes subies, et il n'est pas question
de les réparer; il n'y a qu'une gestion administrative. Chacun aura
dès lors intérêt à exploiter la ressource administrée
du plus qu'il le peut à l'intérieur des règles établies
et effectivement appliquées; ainsi survient dès qu'il y a
des « biens publics » un problème de surexploitation,
bien connu sous le nom de « tragedy of the
commons ». À l'opposé,
la solution libérale est de faire apparaître systématiquement
des droits de propriété partout où il y a contentieux
(et si possible avant), basés sur le droit du créateur et
celui du premier occupant, puis de poser les principes d'une justice réparatrice,
à partir duquel moment toutes les externalités sont «
internalisées ». L'objet de tout contentieux aura forcément
un ou plusieurs propriétaires, déterminés par arbitrage
selon la jurisprudence s'il le faut; les personnes coupables de nuisance
devront alors réparer le mal qu'elles ont fait envers les propriétaires
lésés, ou être débiteurs envers leurs victimes
d'un bien équivalent aux dommages causés (y compris intérêts,
frais de justice et de police), quitte à faire faillite et/ou à
être débiteur à vie sans jamais pouvoir rembourser
complètement. Dans un tel contexte, il n'y a plus d'externalités
négatives possibles. >> |
3.
Pascal Salin remarque judicieusement dans son livre Libéralisme
qu'en fait d'impossibilité à assurer l'exclusivité
de tels prétendus « biens publics »
que les routes, les infrastructures « sociales »,
l'information, etc., l'État ne se prive pas de s'assurer cette exclusivité,
par le contrôle de l'immigration, le mécanisme de la nationalité,
les privilèges de propriété intellectuelle, etc. En
fait, ce sont là autant de biens privés que l'État
a confisqué à ses légitimes propriétaires,
pour lesquels il a érigé un monopole, et par lesquels il
opprime tous ceux qui ne peuvent plus librement entrer et sortir d'un système
qu'il définit par la force et gère de manière irresponsable:
les consommateurs de services à conditions imposées, les
exclus de ces services, et tous ceux qui sont empêchés de
le concurrencer. Les péages et les abonnements, les accords de protection
ou d'assurance mutuelle, le secret et les accords de confidentialité,
les contrats préalables de licence ou de service, les promesses
conditionnelles de transaction, les souscriptions, sont des moyens de définir
et partager des droits de propriété exclusifs sur autant
de prétendus « biens publics » de façon
contractuelle, c'est-à-dire sans violence, entre individus libres
et responsables, sans besoin de recours à une autorité supérieure
irresponsable. À chaque fois, c'est l'État lui-même
qui organise la pénurie à travers les barrières monopolistiques,
privilèges et règlements coercitifs, qu'il monte sous couvert
d'« intérêt général
» et de « réglementation »;
puis il se présente en sauveur et en « régulateur
» quand une entreprise « privée »
est si efficace dans sa façon de gérer ses privilèges
accordés par l'État qu'elle prend une taille gigantesque
(voir les procès anti-trust du gouvernement contre AT&T, Microsoft,
etc.). >> |
4.
Le lobbying est-il moins vicieux et sournois quand la réglementation
l'empêche de se faire au grand jour? Non plus. Les lois de «
moralisation » de la politique ne sont en fait que des moyens
d'accentuer le pouvoir des politiciens établis, de les financer
à l'exclusion de concurrents émergents potentiels, et de
diminuer le contrôle populaire en donnant davantage d'influence aux
tractations qui ont lieu dans l'ombre. >> |
5.
Notons que puisque les externalités sont groupées, les électeurs
voteront en fonction de la poignée qui leur paraissent les plus
importantes sur le moment, quitte à voter pour un candidat dont
la position sur d'autres sujets leur déplaît fortement. Plus
généralement, au lieu de pouvoir décider sur chaque
sujet à qui ils veulent vraiment faire confiance, les électeurs
doivent voter pour un candidat « moins pire »
parmi un choix très limité. Donc, même une écrasante
majorité ne peut qu'infléchir les décisions politiques,
alors que dans un régime de liberté, chaque personne a sur
la marche des choses un effet marginal proportionnel à son travail,
et des minorités organisées peuvent activement faire avancer
les causes qui leur tiennent à coeur sans nuire aucunement aux personnes
non concernées. >> |
6.
Les racines psychologiques de ces superstitions plongent dans le comportement
infantile d'exigence criarde vis-à-vis des parents, mais aussi dans
les pratiques d'auto-humiliation communes chez les primates vis-à-vis
des supérieurs dans la hiérarchie de domination sexuelle
et sociale, un signe de soumission et d'allégeance, pour s'attirer
leurs bonnes grâces et s'épargner leur violence, etc. (cf.
The Moral Animal de Robert Wright). Ce qui est pathologique à
propos de l'étatisme est d'appliquer de tels comportements innés
à des cas où ils n'ont pas lieu d'être. Les étatistes
cherchent à tout prix un être supérieur à implorer
et devant lequel s'humilier; pour cela, ils créent de toute pièce
une idole, en personnifiant des processus sociaux lors même qu'une
telle réduction est inapplicable. >> |
7.
Pour reprendre le titre du célèbre
pamphlet de Frédéric Bastiat. >> |
8.
Voir mon autre article, « Magie
blanche contre magie noire ». >> |
|