Montréal, 31 août 2002  /  No 108  
 
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Marc Grunert enseigne les sciences physiques dans un lycée de Strasbourg et anime le Cercle Hayek, consacré à la réflexion et à la diffusion du libéralisme. Il est également éditeur adjoint du QL pour la section européenne.
 
CHRONIQUE DE RÉSISTANCE
 
LES ILLUSIONS
DU PLANISME MONDIAL
 
par Marc Grunert
  
 
          Le « Sommet de la Terre » de Johannesburg est d'abord l'expression de la conscience de classe des hommes de l'État. C'est le pouvoir politique qui se regarde dans un miroir. Michel de Poncins montre dans un article du présent numéro quels intérêts sont réellement et visiblement défendus (voir LE SOMMET DE LA TERRE: 57 000 FÊTARDS BOUCLENT LEURS BAGAGES, p.13). Et malgré les apparences et les discours, ce sont les « voleurs de pauvres »(1), les hommes des États, de l'ONU, et des ONG qui vont réaliser une bonne affaire.
 
          En réalité nous assistons au retour en force du planisme(2). Cette méthode de gouvernement consiste à construire de toutes pièces une société « meilleure », suivant un plan préétabli. L'étatisme tend à appliquer le planisme à tous les domaines de la vie ordinaire des gens. La frontière entre l'espace privé individuel et l'espace où l'action des individus est soumise à un contrôle de l'État se déplace chaque jour davantage dans le sens d'une militarisation de la société. Tout le monde est enrégimenté de force dans un système de valeurs et de comportements obligatoires. On appelle cela « la citoyenneté ». Comme quoi, la magie des mots demeure une superstition impérissable. 
  
L'arnaque planiste 
  
          Le planisme économique strict a été presque abandonné après avoir connu un échec lamentable en URSS. Il continue d'appauvrir tragiquement la Corée du Nord et Cuba. Cela n'empêche pas tous les gouvernements démocratiques d'utiliser la méthode planiste, ou constructiviste dans le vocabulaire de Hayek. Cette méthode consiste à fixer des objectifs collectifs ou sociaux puis à manipuler un certain nombre de paramètres (la fiscalité, la loi, les subventions...) pour influencer les comportements des individus afin que, une fois totalisés, ils nous conduisent tout droit vers l'objectif visé. 
  
          Le problème de cette méthode est que, premièrement, les objectifs « sociaux » sont toujours des objectifs de quelques-uns. Deuxièmement, les moyens imaginés présupposent une connaissance parfaite et totale de la société. Or malgré l'existence de tous les instituts d'espionnage (INSEE...) et de sondage à la botte du pouvoir, il est impossible de maîtriser de manière centralisée toutes les informations. Cette superstition de la connaissance exacte et totale, cette croyance aux experts et aux statistiques, conduit à des prédictions fausses et à des effets imprévus. Ainsi, on croit que la redistribution forcée aide les pauvres alors qu'elle les vole. On veut aider les mères célibataires, les mesures planistes conduisent à accroître leur nombre, oubliant cette loi praxéologique (Mises, Rothbard...): une subvention tend toujours à accroître ce qui est subventionné.  
  
     « Laisser faire les individus, c'est leur permettre d'utiliser leurs informations pour éviter des conséquences prévisibles. Plutôt que de s'attaquer aux prétendues causes humaines du réchauffement planétaire, chacun sera amené à s'adapter localement et librement. »
 
          Ce sont des faits bien connus. L'essence même du planisme est de les produire, alors pourquoi rester attaché à cette superstition? Une des raisons est sans doute que l'on finit toujours par oublier les leçons du passé. Surtout quand l'« éducation » nationale et les médias font tout pour les falsifier. Le prolétariat intellectuel de l'éducation nationale a bien conscience de son intérêt en laissant croire que les fonctionnaires, élus ou obscurs, nationaux ou mondiaux, sont la solution à tous les problèmes, alors qu'ils sont LE problème. 
  
          Une autre raison tient aussi au fait que le planisme a le mérite de la simplicité, du moins dans les discours. À tout problème il faut imaginer une solution. Prenons tous ensemble conscience du problème (le réchauffement planétaire par exemple) et des causes (l'activité humaine?) et grâce aux experts, imaginons une solution collective. Or ce mode de penser n'est rationnel que s'il s'applique à un individu, pas à des milliards de personnes. La supercherie réside encore dans la séduction des mots: on fait comme si une abstraction collective comme la « société » pouvait penser, rencontrer des problèmes, agir « comme un seul homme ». La réalité est que ce sont toujours quelques hommes qui vont penser à la place des autres, prendre des décisions à leur place et défendre leurs propres intérêts. Observez et écoutez de manière un peu critique ce qui se passe à Johannesburg et vous le vérifierez sans peine. 
  
Laissez faire! 
  
          La méthode planiste, pseudo-rationnelle, consiste à empêcher des conséquences indésirables supposées en prenant une série de mesures autoritaires et totalitaires. De là découle la stupidité du dangereux « principe de précaution »: on sacrifie des ressources et des libertés bien réelles pour éviter des conséquences incertaines voire fantasmatiques. En voulant s'attaquer « aux causes » du prétendu problème, on veut empêcher les causes d'agir en les supprimant. D'où cet acharnement des experts d'État à démontrer que le réchauffement planétaire est d'origine humaine.  
  
          Si la cause est humaine, on peut agir dessus. En sacrifiant des libertés, en se trompant lourdement sur les méthodes, mais on croit pouvoir agir. « L'homme est la mesure de toute chose », voilà un beau moyen de se rassurer en croyant pouvoir façonner le monde à volonté. Mais si les causes NE SONT PAS humaines, si elles sont d'origine physico-chimique, et d'une dimension telle qu'il est impossible d'agir dessus (le soleil par exemple), alors toute cette agitation onusienne, politicienne, n'est plus que du vent.  
  
          Les libéraux, qui acceptent la complexité du monde, ne prétendent pas pouvoir agir globalement et illusoirement sur les causes. C'est impossible et toutes les tentatives pour le faire sont des « présomptions fatales » (Hayek) qui engendrent désordre, dysharmonie, guerre et pauvreté. Au contraire, laisser agir les individus librement est le meilleur moyen de permettre aux hommes de s'adapter aux événements climatiques, de répondre au désir des pays pauvres de se développer (ce dernier fait a été amplement démontré par feu Lord Bauer(3)) 
  
          Laisser faire les individus, c'est leur permettre d'utiliser leurs informations pour éviter des conséquences prévisibles. Plutôt que de s'attaquer aux prétendues causes humaines du réchauffement planétaire, chacun sera amené à s'adapter localement et librement. Cela coûte moins cher en ressources et en liberté que d'imposer à toute la planète des normes fondées sur du vent. La présomption fatale qu'est la fabrication planifiée d'une « société meilleure » ne peut conduire qu'à politiser toutes les activités humaines, à les réglementer, et finalement à militariser la planète.  
  
  
1. La démonstration par François Guillaumat: « Voleurs de pauvres: La justice sociale, cause essentielle de l’exclusion du même nom », sur le site www.liberalia.com>>
2. Pour une réfutation du planisme voir par exemple: « Le gouvernement omnipotent: De l'État totalitaire à la guerre mondiale » de Ludwig von Mises.  >>
3. Voir « In memoriam Peter Bauer (1915-2002): La conscience libérale du développement économique », sur le site euro92.org>>
  
 
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