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Montréal, 14 septembre 2002 / No 109 |
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par
François Morin
L'organisme de censure officiel du gouvernement canadien a de nouveau frappé. Le 16 juillet dernier, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a lancé un message clair à Genex Communication Inc. dans sa décision pour le renouvellement de la licence de la station radiophonique CHOI-FM Québec. Genex demandait un renouvellement de sept ans, le CRTC en a accordés deux et a placé la station CHOI-FM sous surveillance. |
CHOI-FM est reconnue à Québec pour faire bande à part.
Elle conteste régulièrement et ouvertement l'obligation de
contenu minimum francophone et ne se gêne pas pour attaquer l'establishment
culturel et artistique du Québec, particulièrement l'ADISQ
(Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle
et de la vidéo). CHOI-FM est une station qui véhicule un
discours politique qui dérange et qui diffère de ce qu'on
a l'habitude d'entendre au Québec. Les animateurs de la station
sont reconnus pour leur langage coloré et même vulgaire en
certaines occasions. Ces écarts de conduite ne font pas l'affaire
des bien-pensants, qu'ils soient organisés en groupe d'intérêt
(ADISQ et autres) ou qu'ils soient de simples citoyens. Pour Pour appuyer sa décision de mise en surveillance, notre watch dog collectif s'appuie sur certains critères subjectifs tels: Liberté d'expression Les principaux reproches à la station sont directement liés à la liberté d'expression. Normalement, on serait porté à croire qu'au Canada, lorsqu'on attaque la crédibilité ou la réputation d'un individu ou d'un groupe, on est en droit de le faire au nom de la liberté d'expression. Cette liberté n'est pas exempte de responsabilités quant aux propos tenus, c'est pourquoi les reproches se doivent d'être appuyés. L'article 2 de la Charte des droits et libertés confère aux Canadiens ce droit... en théorie. Lorsqu'on y porte attention cet article comporte une clause, disons, restrictive:
Si ce droit n'est pas valide au Canada, qu'on le raye tout simplement de la charte. Quand j'entends nos politiciens pavoiser et décrire le Canada comme étant un pays de tolérance et de liberté, je me demande bien de quoi ils parlent. Oui à une liberté théorique, absente dans les faits. Loin de se cacher de brimer la liberté d'expression, le CRTC écrit dans sa décision: Si on a droit à la liberté d'expression, n'est-ce pas justement pour éviter la censure? Mais si la censure est possible, à quoi sert la liberté d'expression? Il doit y avoir, derrière ces paroles vides de sens, une logique étatique quelconque que je ne maîtrise pas. Dans un monde libre, la liberté d'expression nous assure une protection contre les abus des gouvernements. On comprend alors leur intérêt de chercher à la limiter et, dans cette veine, le CRTC remplit bien son rôle d'organisme de propagande de la bienséance collective. Liberté de poursuivre, d'écouter La liberté d'écouter ou non CHOI-FM et la liberté de poursuivre si on se croit lésé sont des responsabilités individuelles. En censurant, le CRTC fait abstraction de milliers d'auditeurs qui quotidiennement syntonisent cette station. Si ces gens le font librement, alors il faut croire qu'ils aiment ce qu'ils entendent. En censurant, on lance un message clair: les auditeurs ne sont pas suffisamment intelligents pour faire la part des choses mais les fonctionnaires du CRTC le sont. Lorsqu'un animateur de radio dit des âneries sur les ondes, je peux porter mon propre jugement, et s'il attaque ma personne, je peux le poursuivre si je considère qu'il y a dommages. Nous n'avons pas besoin de fonctionnaires pour filtrer notre écoute libre. Au Canada ce n'est malheureusement pas ainsi que ça fonctionne, on tente plutôt de prévenir le coup avant, ainsi on n'a pas à craindre que nos chastes oreilles soient bombardées de propos Pour s'assurer une victoire sur toute la ligne, le contrôleur des ondes est d'une sagacité toute machiavélique. Loin d'attaquer de front CHOI-FM et ainsi provoquer une bataille juridique qu'il risque de perdre, le CRTC utilise une tactique de mort à petit feu. On renouvelle la licence pour deux ans, on impose un million de règles administratives de surveillance ou d'auto-surveillance et on limite les possibilités d'expansion d'une station soeur sous prétexte que CHOI-FM est délinquante(3). Échec et mat, tout ce qu'a bâti Genex Communication est maintenant sous le contrôle indirect de Big Brother. Impossible pour l'entreprise de projeter des plans d'expansion au-delà de deux ans. Obligation de fournir au CRTC des preuves de bonne conduite. Tenue de se fermer le clapet sous peine de voir la foudre tomber sur l'ensemble de ses actifs financiers. Le CRTC a une brebis égarée en liberté et il va falloir la faire entrer dans les rangs ou l'expulser... comme ils ont fait avec André Arthur (par la bande). En passant, le roi Arthur est de retour sur les ondes de la Vieille Capitale, il anime le matin dans une petite station communautaire. Genex Communication rentrera-t-elle dans le rang comme on le lui ordonne ou défiera-t-elle la censure en maintenant sa politique libérale telle que la charte lui permet? Histoire à suivre...
15 juillet 2004: CHOI-FM: À BAS LA LIBERTÉ D'EXPRESSION
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